Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_1035/2022 du 12 janvier 2023 | Ordonnance de non-entrée en matière – demande de récusation –droit d'être entendu de la partie plaignante

  • Le Tribunal fédéral a rappelé sa jurisprudence selon laquelle la partie plaignante a un droit de se plaindre du rejet d'une demande de récusation, même si elle ne dispose pas de la qualité pour recourir sur le fond (consid. 3.5.1).
  • In casu, l'instance précédente avait retenu qu'il n'existait aucun indice rendant le procureur suspect de prévention à l'égard du Recourant. Elle avait relevé que les termes « ne manque pas d'audace » et « frise la témérité », n'étaient certes pas des plus heureux, mais demeuraient acceptables dans le cadre d'une ordonnance de non-entrée en matière, surtout lorsque la plainte pénale était dénuée de tout fondement et objectivement difficile à défendre. Pour ce qui était des termes « une prétention qui tutoie le grotesque », la cour cantonale avait estimé qu'ils ne permettaient pas non plus de déduire un motif de récusation du procureur, même s'ils pouvaient être qualifiés d'inadéquats et superflus (consid. 3.5.3).
  • Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal fédéral a suivi l'avis de l'instance précédente et a rejeté le recours (consid. 4).

TF 1B_28/2023 du 14 février 2023 | Illicéité d'un refus de visite en détention (art. 235 CPP)

  • Le Recourant se trouve en détention provisoire depuis le 31 mai 2022, dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre lui notamment pour tentative de brigandage aggravé commise de concert avec B. et une autre personne. Le Recourant est aussi prévenu d'infraction aux art. 19 al. 1 let. c et 19a LStup pour avoir détenu à son domicile et dans sa voiture différents stupéfiants et en avoir régulièrement consommés. Par ordonnance du 3 juin 2022, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève (« TMC ») a ordonné la mise en détention provisoire du Recourant, en raison des risques de fuite, de collusion et de réitération. La détention a par la suite été régulièrement prolongée. Le 2 juin 2022, le Ministère public du canton de Genève a ordonné la mise à l'isolement du Recourant et de B. Le Recourant a sollicité la levée de cet isolement et l'autorisation de pouvoir recevoir des visites, cas échéant surveillées, ce qui lui a été refusé au motif que le risque de collusion était très important compte tenu (i) de l'absence d'identification du troisième auteur du brigandage et (ii) de l'absence d'identification des trafiquants de la drogue trouvée chez lui. Ce refus a été confirmé par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève (« Cour de justice »).
  • Agissant par-devant le Tribunal fédéral, le Recourant a demandé que les visites par les membres de sa famille, soit sa mère, son père, et sa grand-mère maternelle, soient autorisées. Il a soutenu que l'interdiction de visite violait l'art. 235 CPP ainsi que son droit au respect de la vie privée et familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH).
  • Selon l'art. 235 al. 1 CPP, la liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement. Tout contact entre le prévenu en détention et des tiers est soumis à l'autorisation de la direction de la procédure. Les visites sont surveillées si nécessaire (al. 2) (consid. 2.3).
  • Dans le canton de Genève, l'art. 37 al. 1 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées (RRIP) prévoit que les détenus ont droit à un parloir une fois par semaine; le nombre de visiteurs est limité à deux (consid. 2.3).
  • In casu, le Recourant a soutenu que le risque de collusion ne s'étendait pas à sa famille proche (consid. 2.4).
  • Le Tribunal fédéral a suivi l'approche du Recourant. Il n'avait en effet pas été établi que la mère, le père et la grand-mère connaissaient la personne recherchée (consid. 2.5).
  • Par ailleurs, le Tribunal fédéral a relevé que la Cour de justice n'avait pas non plus expliqué la manière dont l'enquête aurait pu être entravée du fait de ces visites : le Recourant avait admis l'essentiel des faits et le seul silence qu'il opposait aux autorités de poursuite pénale était celui qui concernait l'identité de toute personne l'ayant engagé (consid. 2.5).
  • Aussi, notre Haute Cour a souligné qu'il était nécessaire de prendre en compte la durée de la détention. Au moment où la cour cantonale avait rendu son arrêt, le Recourant se trouvait en détention depuis un peu moins de sept mois. Dans ces circonstances particulières, l'interdiction des visites litigieuses depuis presque sept mois au moment de l'arrêt attaqué n'était plus conforme au principe de la proportionnalité, ce d'autant moins que le règlement genevois prévoyait une visite par semaine (cf. art. 37 al. 1 RRIP) (consid. 2.5).
  • Partant, le Tribunal fédéral a conclu que la restriction du droit fondamental au respect de la vie familiale du Recourant était disproportionnée. Le droit du Recourant à un contact avec ses parents et sa grand-mère âgée (avec laquelle il a vécu pendant de nombreuses années) l'emportait face au risque de collusion tel qu'il ressortait du dossier. Des mesures de surveillances lors des visites étaient suffisantes pour amoindrir ce risque (consid. 2.5).
  • Le recours a donc été admis, l'arrêt attaqué annulé et les visites des parents et de la grand-mère maternelle du Recourant autorisées et soumises à surveillance, conformément aux règles applicables à l'établissement pénitentiaire (consid. 3).

TF 1C_104/20221 du 20 décembre 2022 | Interprétation de la notion de fonctionnaire (art. 7 al. 2 let. b CPP)

  • Les Recourants, requérants d'asile, ont déposé plainte auprès du Ministère public du canton de Zurich contre cinq collaborateurs des services sociaux et de la société ORS Service SA (Intimés) pour avoir mis en danger leur santé en ne respectant pas les recommandations sanitaires liées à la pandémie de Covid-19. Les Intimées 1 et 2 étaient des collaboratrices des services sociaux cantonaux et les Intimés 3 à 5 étaient des employés de la société ORS Service SA.
  • Conformément aux articles 7 al. 2 let. b CPP et §148 de la loi zurichoise sur l'organisation des tribunaux et des autorités en procédure civile et pénale du 10 mai 2010, le Ministère public a requis une autorisation de poursuite de l'Obergericht zurichois pour ces cinq personnes. Cette autorisation a été refusée. Les Recourants ont saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière de droit public contre cette décision.
  • La question centrale de cet arrêt était de définir le cercle de personnes concernées par l'autorisation de poursuivre de l'art. 7 al. 2 let. b CPP afin de savoir si l'Obergericht du canton de Zurich avait bel et bien le droit d'entrer en matière sur cette autorisation pour les cinq Intimés. La particularité du cas d'espèce réside dans le fait que l'ORS Service AG, chargée de la gestion des centres de retour dans lesquels vivaient les Recourants, est une entreprise privée assumant une tâche publique (consid. 3.2 et 3.3).
  • Le Tribunal fédéral a tout d'abord procédé à une interprétation systématique de l'art. 7 al. 2 let. b CPP. Notre Haute Cour a comparé la notion de fonctionnaire de l'art. 110 al. 3 CP (article auquel renvoie la disposition de droit cantonal) et celle exposée aux articles 285 ch. 1 al. 2 et 286 al. 2 CP. Ces deux derniers articles soumettent expressément aux dispositions pénales correspondantes, outre les fonctionnaires, les employés des entreprises de transport de personnes. Cela ne serait pas nécessaire si cela découlait déjà de la notion de fonctionnaire au sens de l'art. 110 al. 3 CP. Dès lors, le Tribunal fédéral en a conclu que l'applicabilité de la notion de fonctionnaire en droit pénal n'entraînait pas nécessairement l'application de la nécessité de requérir une autorisation selon l'art. 7 al. 2 let. b CPP. Le libellé de ces deux dispositions est d'ailleurs différent. Il convenait ainsi de distinguer la punissabilité en tant que telle et les modalités de la poursuite pénale, qui doivent être décidées de manière autonome (consid. 3.4.3).
  • En effectuant ensuite une interprétation téléologique, notre Haute Cour a rappelé l'objectif visé par l'art. 7 al. 2 let. b CPP qui est de protéger les membres des autorités et les fonctionnaires contre des poursuites pénales malveillantes et d'assurer ainsi le bon fonctionnement des organes de l'Etat. Toutefois, le statut de fonctionnaire a considérablement évolué dans le temps, notamment en raison de l'augmentation de l'exécution de tâches étatiques confiées à des personnes privées. Selon le Tribunal fédéral, la réserve d'autorisation de l'art. 7 al. 2 let. b CPP ne peut avoir pour but de restreindre la poursuite pénale dans tous ces cas de figure. De surcroît, une grande partie de la doctrine remet en question l'actualité de cette disposition et demande qu'elle soit interprétée de manière restrictive, opinion que notre Haute Cour partage (consid. 3.4.4).
  • Le Tribunal fédéral a conclu que les Intimées 1 et 2 en tant que collaboratrices des services sociaux cantonaux entraient sans nul doute dans le champ d'application de l'art. 7 al. 2 let. b CPP. En revanche, les Intimés 3 à 5 étant des employés de droit civil du prestataire de services privé ORS Service SA. Ils ne présentaient aucune circonstance extraordinaire justifiant l'application de cette norme. Par conséquent, l'Obergericht n'aurait pas dû entrer en matière sur la demande d'autorisation à l'égard de ces trois personnes (consid. 3.5 et 4.1).
  • Partant, le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours dans le sens où une autorisation de poursuite des Intimés 3 à 5 n'était pas nécessaire.

TF 1B_34/2023 du 13 février 2023 | Détention pour motifs de sûreté en cas de risque de fuite (art. 221 al. 1 let. a CPP)

  • Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite.
  • Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. Le fait que le risque de fuite puisse se réaliser dans un pays qui pourrait donner suite à une requête d'extradition de la Suisse n'est pas déterminant pour nier ce risque. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé. Si cela ne dispense pas de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes, la jurisprudence admet que lorsque le prévenu a été condamné en première instance à une peine importante, le risque d'un long séjour en prison apparaît plus concret que durant l'instruction (consid. 3.1).
  • In casu, le Recourant n'avait aucun lien particulier avec la Suisse, avait réitéré sa volonté de quitter le plus rapidement possible le territoire helvétique, risquait une peine privative de liberté de neuf mois et n'avait aucune perspective en Suisse (consid. 3.2).
  • Pour ces raisons, le Tribunal fédéral a conclu qu'il existait un risque concret de fuite, justifiant ainsi la détention pour des motifs de sûreté. Le recours a donc été rejeté.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_101/20222 du 30 janvier 2023 | Abus d'autorité (art. 312 CP) – principe de l'accusation (art. 350 CPP)

  • Le Recourant a invoqué une violation du principe de l'accusation (consid. 1).
  • Il a fait valoir que l'infraction d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP était un délit d'intention selon lequel il était nécessaire d'avoir le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage ou de causer à autrui un préjudice illicite. Or, l'acte d'accusation à l'encontre du Recourant ne décrivait pas quels avantages illicites ce dernier avait le dessein de se procurer, en sa qualité de policier, lorsqu'il avait utilisé un spray au poivre à l'intérieur d'un dancing contre le gérant. Il y était simplement indiqué que les policiers savaient qu'ils causaient un préjudice à l'Intimé par leur action. En outre, il ne ressortirait pas de l'acte d'accusation quels comportements auraient conduit à quelles blessures, et encore moins quelle intention le Recourant aurait poursuivie en utilisant un spray au poivre. En déclarant malgré tout le Recourant coupable d'abus d'autorité, l'instance inférieure aurait ainsi fondé le verdict de culpabilité sur un élément subjectif de l'infraction – précisément l'intention de causer un avantage ou un préjudice illicite – qui ne ressortirait pas de l'acte d'accusation. Les explications de l'instance précédente selon lesquelles le Recourant aurait dû s'attendre que l'utilisation d'un spray au poivre provoque des douleurs, effraie et humilie l'Intimé, ne trouvaient aucun appui dans l'acte d'accusation. Le Recourant aurait donc été victime d'un grave manque d'information : lui et son Conseil ne pouvaient guère savoir à quoi se référait son intention de nuire. Une défense adéquate aurait ainsi été rendue impossible (consid. 1.1).
  • Le Tribunal fédéral a commencé par rappeler que selon le principe de l'accusation, l'acte d'accusation détermine l'objet de la procédure judiciaire (fonction de délimitation). L'acte d'accusation doit décrire les infractions reprochées à la personne accusée dans son état de fait de manière suffisamment précise pour que les reproches soient suffisamment concrétisés d'un point de vue objectif et subjectif. En même temps, le principe de l'accusation vise à protéger les droits de la défense du prévenu et garantit le droit d'être entendu. Tant que les faits reprochés à la personne accusée sont clairs, même une accusation erronée et imprécise ne peut conduire à une absence de verdict de culpabilité. La motivation détaillée de l'accusation est limitée ; il appartient au tribunal d'établir les faits de manière contraignante. Celui-ci est lié par les faits décrits dans l'acte d'accusation, mais pas par l'appréciation juridique qui y est faite, conformément à l'art. 350 al. 1 CPP (consid. 1.2).
  • Ensuite, notre Haute Cour a précisé que selon l'art. 312 CP, l'abus d'autorité est l'utilisation du pouvoir de l'État à d'autres fins. L'art. 312 CP protège d'une part l'intérêt de l'Etat à ce que ses fonctionnaires soient fiables et fassent preuve de conscience professionnelle dans l'exercice du pouvoir qui leur est confié, et d'autre part l'intérêt des citoyens à ne pas être exposés à un exercice incontrôlé et arbitraire du pouvoir étatique. Ce n'est pas seulement la contrainte excessive au sens large – poursuivant un but officiel – qui constitue objectivement un usage détourné du pouvoir étatique, mais également la contrainte inutile et dépourvue d'un tel but. En d'autres termes, il suffit que le fonctionnaire poursuive des objectifs légitimes, mais fasse un usage disproportionné de la force pour les atteindre. Il y a donc abus d'autorité lorsque l'utilisation de l'instrument de pouvoir était certes légitime, mais que le degré de contrainte autorisé a été dépassé (consid. 1.3.1).
  • Selon le Tribunal fédéral, l'élément subjectif de l'infraction réprimée par l'art. 312 CP exige un comportement intentionnel – le dol éventuel étant suffisant – et un dessein particulier qui peut se manifester sous deux formes alternatives, à savoir l'intention de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou l'intention de causer un préjudice à autrui. Un tel préjudice peut, par exemple, consister en une vexation ou une humiliation inutile ou en une autre déstabilisation psychique. Selon la jurisprudence, il faut déjà admettre qu'il existe un préjudice pour autrui dès que l'auteur utilise des moyens excessifs, même s'il poursuit un but légitime. En conséquence, le motif pour lequel l'auteur agit n'est pas pertinent pour l'intention constitutive de l'infraction, mais doit être pris en compte (seulement) lors de l'évaluation de la faute (consid. 1.3.1).
  • La question de savoir si le préjudice voulu par l'auteur peut également résider dans l'acte de contrainte lui-même fait l'objet d'une réponse unanimement positive de la part de la doctrine actuelle. Le Tribunal fédéral a donc conclu qu'il convenait de s'en tenir à cette opinion, étant entendu que l'intention de nuire ne saurait dépendre du but poursuivi par l'auteur (consid. 1.3.2).
  • Le libellé de l'art. 312 CP couvre donc déjà les inconvénients causés à l'individu par la contrainte exercée. Le fait que l'intention requise n'ait en soi, dans certaines circonstances, plus de signification indépendante dans les cas de mauvais traitements physiques est sans importance. Indépendamment du fait qu'il poursuive un but légitime, celui qui use sciemment et volontairement d'une contrainte officielle excessive s'accommode pour le moins d'un préjudice pour la personne concernée qui n'est plus couvert par le devoir de fonction (consid. 1.3.3).
  • In casu, l'instance précédente avait reconnu que la description des éléments subjectifs de l'infraction dans l'acte d'accusation était problématique et admettait que l'acte d'accusation ne s'exprimait « que brièvement » sur les éléments subjectifs ; des explications plus détaillées auraient été les bienvenues. Il fallait toutefois partir du principe qu'il n'y avait aucun doute pour le Recourant quant au comportement qui lui était imputé. Partant, l'acte d'accusation décrivait de manière juridiquement suffisante les éléments subjectifs nécessaires de l'infraction. Partant, l'instance inférieure a admis que le Recourant avait « sciemment » aspergé l'Intimé de spray au poivre à l'intérieur du dancing et devait s'attendre à ce que cela provoque des douleurs, effraie et humilie l'Intimé. Ce faisant, le Recourant avait au moins accepté d'abuser de son autorité et de causer un préjudice à l'Intimé (consid. 1.4).
  • En utilisant, à une courte distance, un spray au poivre contre l'Intimé et en l'atteignant dans la zone située entre la poitrine et le front alors qu'il n'y avait pas d'attaque directe de l'Intimé contre lui, ce qu'il savait, le Recourant a exercé une contrainte disproportionnée et a ainsi causé un préjudice injustifié à l'Intimé. Le fait que l'acte d'accusation ne mentionnait pas que le Recourant aurait dû s'attendre à ce que l'utilisation du spray au poivre effraie et humilie l'Intimé n'était pas pertinent. En conséquence, le Tribunal fédéral a déclaré que le principe de l'accusation n'avait pas été violé (consid. 1.5).
  • Partant, notre Haute Cour a rejeté le recours en concluant que le préjudice exigé du point de vue subjectif de l'art. 312 CP pouvait résider dans l'acte de contrainte lui-même (consid. 4).

TF 6B_702/2021 du 27 janvier 2023 | Vol par métier et vol commis en qualité d'affilié à une bande (art. 139 ch. 2 et ch. 3 al. 2 CP)

  • Le Recourante a été reconnue coupable de complicité de vol par métier et de vol en bande (art. 139 ch. 2 et ch. 3 al. 2 CP).
  • Selon la jurisprudence, l'auteur agit à titre professionnel lorsqu'il ressort du temps et des moyens qu'il consacre à l'activité délictueuse, de la fréquence des actes individuels dans un laps de temps déterminé ainsi que des revenus visés et obtenus, qu'il exerce l'activité délictueuse à la manière d'une profession. L'élément essentiel pour admettre le caractère professionnel est que l'auteur, comme on doit le déduire de l'ensemble des circonstances, s'est organisé pour obtenir, par des actes délictueux, des revenus qui représentent une contribution notable aux frais de financement de son train de vie ; la dangerosité sociale requise est alors donnée (consid. 1.3.2).
  • In casu, la Recourante a été prise en compte dans le choix de la marchandise à voler, mais cela ne suffit pas à considérer son aide comme professionnelle. En outre, l'instance précédente ne pouvait pas fonder ce motif aggravant sur la quasi-absence de revenus légaux de la Recourante (consid. 1.4.1).
  • Concernant le motif aggravant du vol en bande, celui-ci existe lorsque deux ou plusieurs auteurs se réunissent avec la volonté, exprimée expressément ou implicitement, de collaborer à l'avenir en vue de commettre plusieurs infractions indépendantes dont les détails ne sont pas encore définis. Le critère de qualification de la bande présuppose un certain début d'organisation, par exemple une répartition des rôles ou des tâches, et une intensité de la coopération telle que l'on peut parler d'une équipe stable, même si celle-ci n'est que de courte durée. C'est cette union qui renforce l'individu sur le plan psychique et physique, qui le rend donc particulièrement dangereux et qui permet de prévoir la commission d'autres infractions de ce type. D'un point de vue subjectif, l'auteur doit être conscient de l'association et de l'objectif de la bande. Il est ainsi impératif que l'auteur soit membre de celle-ci. Si le complice n'est pas un membre du groupe, il doit être déclaré coupable de (multiples) complicité de vol au sens de l'art. 139 ch. 1 CP (consid. 1.3.3 et 1.4.2).
  • In casu, il ne ressortait pas des faits que la Recourante faisait partie de la bande. Elle a certes prêté assistance à celle-ci dans la commission de divers vols à l'étalage, mais cela ne suffisait pas à déduire qu'elle avait accompli ces tâches pour la bande et qu'elle avait ainsi contribué à sa cohésion et à la réalisation de son but (consid. 1.4.2).
  • Partant, le Tribunal fédéral a admis le recours et a estimé que la condamnation pour complicité de vol par métier et vol en bande était contraire au droit fédéral, la Recourante devant être déclarée coupable de complicité de vols multiples au sens de 139 ch. 1 CP.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

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V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

TF 1C_477/20223 du 30 janvier 2023 | Suspension des procédures d'entraide avec la Russie

  • La Fédération de Russie a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire dans le cadre d'une instruction dirigée contre deux frères soupçonnés de détournements (USD 913 millions et USD 505 millions) au préjudice d'une banque. Les autorités russes ont par la suite demandé le blocage du compte détenu par la société A., dont les fonds, supposés provenir des détournements précités, pourraient être confisqués et restitués au lésé. Elle a encore requis la documentation relative à d'autres relations bancaires ouvertes au nom de A. Le Ministère public du canton de Genève a ordonné la saisie conservatoire des avoirs détenus par A. auprès de E. AG. En avril 2021, le Ministère public a ordonné la transmission à l'autorité requérante de la documentation relative à cinq comptes détenus par A.
  • Toutefois, à la suite de l'intervention militaire intentée en février 2022 par la Russie à l'encontre de l'Ukraine, diverses mesures ont été prises en Suisse et au niveau international. La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a invité les parties à se prononcer sur la question de l'octroi de l'entraide judiciaire à la Russie. L'Office fédéral de la justice (« OFJ ») a défendu la suspension de l'entraide avec l'État russe, impliquant que les dossiers d'exécution déjà constitués ne seraient pas transmis, mais que la saisie des avoirs serait maintenue. Le Ministère public genevois a plaidé que l'entraide devait être refusée et ainsi permettre la levée de toutes les mesures de contrainte ordonnées.
  • La Cour des plaintes a admis le recours de A. et a suivi la vision du Ministère public genevois en levant le séquestre ayant frappé les avoirs de la Recourante. L'OFJ a fait recours au Tribunal fédéral contre cette décision.
  • Sur le plan de la recevabilité, ce recours porte sur la question générale du sort à réserver aux demandes d'entraide judiciaire formées par la Fédération de Russie, et en particulier sur la question du maintien des séquestres effectués en exécution de ces demandes, dans le contexte actuel. Il s'agit donc d'une question de principe permettant le recours au Tribunal fédéral (art. 84 al. 1 LTF).
  • Le Tribunal fédéral a précisé que la Fédération de Russie était toujours partie contractante à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (« CEEJ ») et à son Deuxième Protocole additionnel, ainsi qu'à la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (« CBl »). En l'absence de « violation substantielle » de la CEEJ à l'égard de la Suisse, il ne se justifiait pas de suspendre ou de mettre fin à ce traité sur la base de l'art. 60 par. 2 de la Convention de Vienne (consid. 2.3).
  • De surcroît, sur la base de la CEEJ et de la CBI, la Suisse est tenue d'accorder l'entraide de la manière la plus large et il est par ailleurs possible qu'une procédure soit ouverte en Suisse à propos de ces avoirs. Contrairement à ce que soutient l'Intimée, les soupçons d'infractions de blanchiment ne découlaient pas uniquement de la demande d'entraide russe : la procédure a pour origine une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) ainsi qu'une procédure pénale pour blanchiment d'argent ouverte par le Ministère public du canton de Zurich (consid. 2.4).
  • Ainsi, le Tribunal fédéral s'est rallié à l'opinion de l'OFJ, concluant que la suspension de la procédure d'entraide et le maintien de la saisie étaient justifiés, dans la mesure où cette saisie avait été ordonnée à un moment où l'entraide judiciaire n'était pas manifestement inadmissible ou inopportune, les conditions de l'art. 18 al. 1 EIMP étaient réunie. Dès lors, la saisie doit, durant la suspension, être maintenue (consid. 2.5).
  • Par conséquent, malgré le fait que l'entraide ne peut pas être accordée, les mesures provisoires n'en sont pas pour autant touchées selon l'art. 28 al. 6 EIMP (consid. 2.5).
  • Enfin, notre Haute Cour a ajouté qu'afin que la mesure de saisie demeure proportionnée, l'OFJ devra se renseigner de manière régulière sur l'évolution de la situation et en informer la Cour des plaintes afin que celle-ci puisse décider d'une éventuelle reprise de la procédure. Si la situation actuelle devait se prolonger sans perspective d'évolution, la levée de la saisie devra être prononcée, sous réserve toutefois d'un séquestre pénal qui pourrait être prononcé par les autorités de poursuite suisses. In casu, le séquestre dure depuis environ deux ans et demi, ce qui n'est pas disproportionné au regard de la pratique en matière d'entraide judiciaire ou dans des domaines voisins (consid. 2.6).
  • Partant, le recours a donc été admis.

Footnotes

1. Destiné à publication

2. Destiné à publication

3. Destiné à publication

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