Le 6 juin 2019, le Conseil de l'Union européenne a définitivement adopté la directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 relativeaux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficacité des procédures en matière de restructuration, d'insolvabilité et de remise de dettes (directive sur la restructuration et l'insolvabilité).

La directiveréformeen profondeurle droit des procédures collectives des États membres dans le but de contribuer à leur harmonisation1 etàleur « efficacité ». Elle prévoit la faculté pour le débiteur d'imposeràsescréanciers un plan derestructuration et instaure,àceteffet, le vote parclasse de créanciers.

Tant la liberté laissée par la directive aux États membres dans l'application de ce nouveau dispositif que les bouleversements qu'il va entrainer en droit français expliquent queletravail detransposition seraessentiel. Il pourras'appuyersurles quelquesrègles misesen avant parla directive et pourrait, sur certains points, s'inspirer des exemples anglais et nord-américains 2 .

La souplesse qui pourrait être laissée par le législateur au débiteur, assisté de l'administrateur judiciaire (voire du mandataire judiciaire) pour déterminer les classes devrait avoir pour contrepartie, outre un examen attentif et en amont du bien-fondé decette détermination, une miseen Suvre rigoureuse du critère du meilleur intérêt et, en cas d'application forcée interclasse, de la règle de priorité ab solue lesquels doivent pouvoir jouer efficacement comme protection de dernier recours des créanciers dissidents.

Le double objectif apparemment contradictoire du regroupement par classes de créanciers : protéger les intérêts dissidentsmaislessurmonter en renforçantla loi de la majorité. Au nombre des changements introduits par la directive sur la restructuration et l'insolvabilité, le débiteur pourra imposer à l'ensemble de ses créanciers un plan de restructuration non cantonné à un rééchelonnement. En contrepartie, la directiveinstaure deux protections.

La première viseà permettreaux partiesaffectées 3 de voter sur le plan (considérant (43)etarticle 9.2 dela directive). Dans un souci d'efficacité, laloi dela majorités'appliquera cependant, le débiteurétant dispensé derechercher un accord unanime (considérant (47) et article 9.6).

La seconde consiste à garantir que les « plans de restructuration peuvent être adoptés sans porter injustement préjudice » aux droits des parties affectées (considérant (44)). Un des moyens d'y parvenirest defaire voterlescréanciers par « classe » (par collège électoral) et non comme s'ils constituaient un ensemble homogène4.

Le vote parclasseapparaitainsi,en premier lieu,comme un tempérament apporté à la loi de la majorité en protégeant les créanciers dissidents contre une dilution à l'excès de leur vote5 .

Il consolide, en second lieu, la discipline collective et facilite l'obtention d'un accord. Pour atteindre cet objectif, la directive impose qu'au sein des classes les créanciers partagent un « intérêt commun »6 .

Celui-ci secaractérise par lasimilarité(mais non l'identité) des droits dont doivent être titulaires les créanciers au sein dechaqueclasse, demanièreàce qu'ils puissentêtreconsidéréscommeconstituant«un groupe homogène animé d'une communauté d'intérêts»7 . Selon leconsidérant(44)8 etl'article 9.49 de la directive, les classes doivent être représentatives d'une « communauté d'intérêt suffisante ».

Il se caractérise également par le traitement égalitaire et proportionnel des droits sensiblement similaires 10 , ce qui permet, au sein des classes, d'éviter les oppositions d'intérêts.

C'est à la condition de partager une « communauté d'intérêt » suffisante avec les autres créanciers de sa classe, c'est-à-dire à la condition d'avoir la double assurance que ceux-ci votent pourla préservation de droits similairesaux siens et qu'un traitement objectivement équitable11 sera accordéàces droits, qu'un créancier(même dissident) peut accepter la loi de la majorité qui en sort renforcée.

Footnotes

1.Mêmesi le nombre d'options restant ouvertesaux États membresaux termes dela directiverisque deconduireà une harmonisation minimale, voir, par exemple, L. Sautonie-Laguionie, La directive sur la restructuration et l'insolvabilité est adoptée !, JCP E n°29, 18 juillet 2019,act. 493. Lerèglement(CE) du Conseil n° 1346/2000 du 29mai 2000modifié parlerèglement n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatifaux procédures d'insolvabilitéavait déjàcontribuéà un début d'harmonisation, les États membressouhaitantresterattractifsetéviterleforumshopping n'ayant pu éviterces dernièresannées des'inspirer deslégislations voisines.

2. Danslecadre del'élaboration du projet d'ordonnancerendantcompatibleles dispositions deslivresIV,VIetVIII du Code decommerce avecladirective,ladirectiondesaffairescivilesetduSceauduMinistèredelaJusticealancéuneconsultationpublique(http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-soumis-a-concertation-10179/transposition-de-la-directive-restructuration-et-insolvabilite-32468.html).

3. C'est-à-dire, selon l'article 2.1 2) dela directive, les parties"dont les créances ou les intérêts, respectivement, sont directement affectés par un plan de restructuration".

4. Le plan devraainsiêtreapprouvéàlamajorité dechaqueclasse,saufapplication forcéeinterclasse(cfinfra). Les Étatsmembres pourront exempter de l'obligation de répartition en classes les petites et moyennes entreprises dont la définition est laissée à l'appréciation de chaque État membre,ceux-ciétant toutefoisencouragésàsefonder surcelle quien est donnée dans la directive 2013/34 EU du 6 mai 2003,celle-ciétantassez proche desseuils prévusaux articles L. 621-4 etR. 626-52 du Code decommerce pourlescomités decréanciers (150 salariés ou chiffre d'affaires de 20 millions d'euros). Les États membres pourrontégalement décider quele plan derestructuration ne pourra pasêtreimposé danscesentreprises (notamment pour protéger les fondateursetapporteursen industrie).

5. Ce quisemblealler danslesensinverse du mouvementconstatéces dernièresannées de«recherche du fait majoritaire», lelégislateur françaisayant progressivementétendu la disciplinecollectiveréservéeà descomités decréanciers initialement restreints. Voir, parexemple, L. Le Guernevé et N. Morelli, Les nouveaux enjeux des comités de créanciers, Cahiers de droit de l'entreprise n° 4, juillet 2001, dossier 21.

6. Commecelaa pu êtresouligné pour les valeurs mobilières (et notamment les titres obligataires), le pouvoir dont disposela majorité sefondesurl'existence decet«intérêtcommun». Cécile Nicod, L'action en justice pourla défense des intérêtscommuns des obligataires, Revue des sociétés 2000, p. 4941.

7. Selon l'article 9.2 du texteinitialement proposé par la Commission

8. «La répartition en classes désigneleregroupement des parties affectées(...) defaçon à refléterleurs droits ainsi quelerang deleurscréanceset des intérêts.»Devront doncêtreexaminésla nature delacréance(les droits)etlesintérêtséconomiques qui luisontattachés(son rang).

9. « Les États membres veillent à ce que les parties affectées soient réparties dans des classes distinctes représentatives d'une communauté d'intérêt suffisante, sur la base de critères vérifiables, conformément au droit national. »

10. Aux termes du considérant (44), la répartition en classes permet de « garantir que des droits sensiblement similaires sont traités de manièreéquitable».Article 10.2 b):«les créanciers partageant unecommunauté d'intérêt suffisante au sein dela mêmeclasse bénéficient de l'égalité de traitement, et sont traités de manière proportionnelle à leur créance ». Il devrait s'agir d'une égalité relative, des créanciers d'une mêmeclasse pouvant recevoir un traitement différenten fonction, parexemple, deleur rang deremboursement ou dela nature deleurscréances. Larépartition en classes permet,en cas d'application forcéeinterclasse, derendre plus visiblelerespect delarègle dite de priorité(absolue ou relative) prévueàl'article 11 dela directive.

11. S. Stankiewicz Murphy, L'influence du droit américain dela failliteetlescréanciersen droit français : présentetfutur,Revue Lamy droit desaffaires, mars 2012, n° 69.

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Originally Published in Fusions & Acquisitions Magazine

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