PREMIER APERÇU

Issu d'une collaboration motivée par des gains d'efficience, l'accord de coopération entre entreprises indépendantes constitue un instrument efficace pour réaliser des économies de coûts, améliorer la qualité d'un produit, qu'il s'agisse d'un bien ou d'un service, ou lancer un nouveau produit sur le marché.

Le champ d'application ainsi que la durée d'un tel accord sont plus ou moins variables en fonction de l'objet de la coopération, l'accord pouvant porter sur la recherche et le développement, l'achat groupé, la production ou encore la commercialisation et la distribution d'un produit, ou combiner ces différents stades de l'activité économique.

L'accord de coopération peut prendre différentes formes et se matérialiser, par exemple, par un simple contrat, qui devra être analysé sous l'angle de l'interdiction des ententes, ou bien par la création d'une entreprise commune qui pourra relever de la réglementation sur les concentrations entre entreprises.

L'accord de coopération est dit horizontal lorsqu'il est conclu entre des entreprises concurrentes (actuelles ou potentielles) sur un marché, et vertical lorsqu'il est conclu entre des acteurs n'opérant pas au même niveau de la chaîne de production ou de distribution. Parce qu'il est conclu entre concurrents, l'accord de coopération horizontale est davantage susceptible d'entraîner des problèmes de concurrence et tomber sous le coup de l'interdiction des ententes (art. 101 TFUE et L. 420-1 C. com.) que l'accord de coopération verticale (sauf lorsque ce dernier est conclu entre concurrents et produit des effets similaires à un accord horizontal).

L'accord de coopération conclu entre concurrents peut notamment avoir un objet anticoncurrentiel en ce qu'il permet aux entreprises de s'entendre sur la fixation des prix ou sur la réduction des volumes de production, ou bien de se répartir les marchés. Il peut également avoir des effets restrictifs de concurrence lorsqu'il contribue à renforcer le pouvoir de marché des entreprises parties à l'accord, de manière à engendrer des effets négatifs sur le marché en impactant le prix, la production, la qualité, la diversité ou l'innovation du produit objet de la coopération.

En dépit de ses effets anticoncurrentiels, un accord de coopération conclu entre concurrents doit être considéré comme conforme au droit de la concurrence, si les effets proconcurrentiels de l'accord l'emportent sur les effets anticoncurrentiels qu'il produit ou est susceptible de produire. Dans une telle hypothèse, bien que comportant des effets restrictifs de concurrence, l'accord de coopération pourra bénéficier d'une exemption permettant d'échapper à la nullité de l'accord.

POUR ALLER PLUS LOIN

Depuis la fin de la notification préalable et obligatoire des accords de coopération à la Commission européenne, cette dernière a publié des lignes directrices proposant une grille d'analyse qui permet aux entreprises d'autoévaluer la compatibilité de l'accord horizontal envisagé avec l'article 101 TFUE. Elles présentent une méthode pour appliquer les règles du droit de la concurrence de l'Union qui éclaire également l'application des différents droits nationaux de la concurrence en Europe.

Dans ce cadre, il appartient aux entreprises de déterminer si l'accord de coopération envisagé est restrictif de concurrence et, dans l'affirmative, d'évaluer si les effets bénéfiques de l'accord sur la concurrence l'emportent sur les effets restrictifs afin que l'accord de coopération puisse bénéficier d'une exemption au titre de l'article 101, paragraphe 3, TFUE (ou L. 420-4 C. com.).

Dans un premier temps, les entreprises, parties à l'accord de coopération, doivent évaluer les effets nocifs de leur coopération sur le marché en tenant compte de la nature et du contenu de l'accord, d'une part, et de leur pouvoir de marché, d'autre part. Afin de déterminer leur pouvoir de marché, elles doivent définir le marché de produit et le marché géographique concerné par l'accord de coopération et établir leur part de marché cumulée sur ce marché. Plus cette part de marché cumulée sera faible et moins l'accord de coopération sera susceptible de produire des effets restrictifs de concurrence. Les lignes directrices précisent qu'« il n'est pas possible de définir un seuil de part de marché général à partir duquel on pourrait présumer l'existence d'un pouvoir de marché suffisant pour causer des effets restrictifs sur la concurrence » (lignes directrices n°2011/C 11/01, pt 44). Partant, ce seuil peut varier de 15% à 25% selon le type d'accord, conformément à ceux analysés dans les lignes directrices.

Toutefois, en dehors des accords examinés dans lesdites lignes directrices, dans sa Communication de minimis, la Commission estime que les accords de coopération sont peu susceptibles de restreindre sensiblement le jeu de la concurrence lorsque les parties à l'accord ont des parts de marché cumulées ne dépassant pas 10% en cas d'accords conclus entre concurrents et 15% pour les accords conclus entre non concurrents.

Dans un second temps, les entreprises doivent évaluer si les effets négatifs induits par l'accord de coopération sur le marché peuvent être contrebalancés par des effets favorables à la concurrence. Pour ce faire, elles doivent déterminer si les conditions cumulatives suivantes sont réunies pour bénéficier de l'exemption :

- l'accord entraîne des gains d'efficacité en contribuant à améliorer la production ou la distribution du produit, ou à promouvoir le progrès technique ou économique ;
- l'accord est indispensable pour atteindre ses objectifs et vérifier qu'il n'existe pas d'autres alternatives moins restrictives de concurrence que la conclusion de l'accord de coopération envisagé ;
- les gains d'efficacité engendré par l'accord de coopération sont répercutés de manière suffisante sur les consommateurs ;
- l'accord ne tend pas à éliminer la concurrence sur le marché.

Cette grille d'analyse est applicable à tous les accords de coopération horizontale, et particulièrement à ceux analysés dans les lignes directrices de la Commission.

Toutefois, pour certains types d'accords, il convient également de se référer aux différents règlements d'exemption par catégorie adoptés par la Commission qui déterminent les conditions dans lesquelles ces accords sont présumés compatibles avec le droit de la concurrence et, partant, bénéficient d'une exemption. Ces règlements d'exemption portent sur les accords de recherche et de développement (règl. (UE) n° 1217/2010), les accords de spécialisation (applicable aux accords de production - règl. (UE) n° 1218/2010) et les accords de transfert de technologie (règl. (UE) n° 316/2014).

Dans certains cas, comme pour les accords de coopération portant sur l'achat groupé de produits, l'analyse de la compatibilité avec le droit de la concurrence doit également se faire au regard des règles applicables aux accords verticaux (règl. (UE) n° 2022/720 et lignes directrices sur les restrictions verticales), dans la mesure où ils sont susceptibles d'affecter tant le marché amont que le marché aval de l'objet de la coopération. Cette analyse suit la même logique que pour les accords horizontaux dans le sens où les entreprises doivent déterminer si l'accord comporte des restrictions verticales et, dans l'affirmative, si elles peuvent bénéficier d'une exemption.

Les lignes directrices ne s'appliquent pas aux accords conclus dans certains secteurs dont l'application des règles de concurrence est régie par des règlements spécifiques : le secteur des produits agricoles (règl. (CE) n° 1184/2006) et celui des transports (règl. (CE) n°169/2009).

JURISPRUDENCES PERTINENTES

Union européenne

CJUE, 13 décembre 2012, Expedia, aff. C-226/11, EU:C:2012:795

CJCE, 28 mai 1998, John Deere, aff. C-7/95 P, EU:C:1998:256

TPICE, 18 septembre 2001, Métropole télévision (M6), aff. T-112/99, EU:T:2001:215

Comm. CE, déc. 94/986/CEE du 21 décembre 1994, Philips Osram, aff. IV/34.252, JOCE n° L 378 du 31 décembre 1994, p. 37

Comm. CE, déc. 90/535/CEE du 15 octobre 1990, Cekacan, aff. IV/32.681, JOCE n° L 299 du 30 octobre 1990, p. 64

France

CA Paris, pôle 5, ch. 7, 4 juillet 2019, RG 16/23609, « Affaire des farines alimentaires »

Aut. conc., déc. n° 20-D-13 du 22 octobre 2020 relative à des pratiques mises en Suvre dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire par les groupes Auchan, Casino, Metro et Schiever

BIBLIOGRAPHIE

« Accords de coopération interentreprises », Dictionnaire permanent Droit européen des affaires, octobre 2022, www.elnet.fr

Communication de la Commission, Lignes directrices sur les restrictions verticales, C(2022) 4238 final, 28 juin 2022

Communication de la Commission, Communication concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (communication de minimis), JOUE n° C 291 du 30 août 2014, p. 1

Communication de la Commission, Lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale, JOUE n° C 11 du 14 janvier 2011, p. 1

Communication de la Commission, Lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, JOUE n° C 101 du 27 avril 2004, p. 97

Règlement (UE) n° 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE n° L 134 du 11 mai 2022, p. 4

Règlement (UE) n° 316/2014 de la Commission du 21 mars 2014 relatif à l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords de transfert de technologie, JOUE° n° L 93 du 28 mars 2014, p. 17

Règlement (UE) n° 1218/2010 de la Commission du 14 décembre 2010 relatif à l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'accords de spécialisation, JOUE n° L 335 du 18 décembre 2010, p. 43

Règlement (UE) n° 1217/2010 de la Commission du 14 décembre 2010 relatif à l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'accords de recherche et de développement, JOUE n° L 335 du 18 décembre 2010, p. 36

Règlement (CE) n° 169/2009 du Conseil du 26 février 2009 portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, JOUE n° L 61 du 5 mars 2009, p. 1

Règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, JOUE n° L 214 du 4 août 2006, p. 7

BAILEY (D.) et JOHN (L. A.) (dir.), Bellamy & Child : European Union Law of Competition, 8e éd., Oxford University Press, 2018

MOREAU (F.), « Restrictions horizontales de concurrence », D. 2020

PRIETO (C.), « Article 101 TFUE et les restrictions horizontales », JCl. Europe Traité, fasc. 1425

WHISH (R.) et BAILEY (D.), Competition Law, 10e éd., Oxford University Press, 2021

Originally published by Concurrences.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.