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Les dispositions légales visant la perte de contrôle du promoteur immobilier sur le syndicat de copropriété ont pour objet de permettre le transfert du pouvoir décisionnel du premier vers les copropriétaires de l'immeuble. Le type de gestion du promoteur axé sur la construction et la vente est ainsi remplacé par le fonctionnement régulier d'une copropriété divise sous le contrôle des copropriétaires.

L'administration provisoire du syndicat

En principe, à compter de la publication de la déclaration de copropriété1, le promoteur choisit les administrateurs qui composeront le premier conseil d'administration et il se nomme souvent lui-même en tant que membre du conseil. Il arrive parfois que le promoteur agisse seul à titre d'administrateur provisoire lors de la mise sur pied du syndicat. Dès que le promoteur ne détient plus la majorité des voix à l'assemblée des copropriétaires, l'administration provisoire doit prendre fin.

Le rôle de l'administrateur provisoire

Le promoteur qui se nomme comme premier administrateur d'une copropriété doit respecter les dispositions du Code civil du Québec relatives à la gestion des personnes morales2.

Ainsi, le promoteur qui agit comme administrateur provisoire de l'immeuble doit limiter son rôle aux tâches suivantes3 :

  • la gestion financière de la copropriété;
  • la conservation de l'actif bâti en se limitant à l'entretien de l'immeuble;
  • la souscription des assurances requises;
  • le respect de la déclaration de copropriété par les nouveaux copropriétaires.

Le cumul du rôle de promoteur et d'administrateur provisoire du syndicat

La Cour d'appel a examiné la question de l'existence d'un conflit d'intérêts pour un promoteur immobilier qui agit également à titre d'administrateur provisoire du syndicat4. Elle précise que dans une telle situation, les risques de conflit d'intérêts sont élevés. Bien qu'il s'agisse du projet du promoteur, celui-ci ne peut prioriser ses propres intérêts et/ou ceux de sa société au détriment de ceux des copropriétaires.

Le promoteur doit donc agir avec une grande prudence lorsqu'il exerce ses fonctions premières et celles d'administrateur provisoire de façon concomitante. Il ne doit pas profiter de ce « double chapeau » pour favoriser ses intérêts personnels et se soustraire à ses obligations envers les copropriétaires. Il agit à titre d'administrateur du bien d'autrui et doit s'assurer, notamment, que les travaux qu'il fait exécuter sont adéquats dans les circonstances.

L'élection d'un nouveau conseil d'administration

Au moment de l'inscription de la déclaration de copropriété, le promoteur est celui qui est propriétaire d'au moins la moitié de l'ensemble des fractions5. Le transfert du contrôle du promoteur aux copropriétaires a lieu dans les quatre-vingt-dix (90) jours à compter de celui où le promoteur ne détient plus la majorité des voix à l'assemblée des copropriétaires6. En effet, selon le rythme des ventes des fractions de copropriété, il arrive un moment où le promoteur ne détient plus la majorité des voix et c'est dès lors que la computation du délai de quatre-vingt-dix (90) jours débute. L'objectif est d'éviter qu'un promoteur demeure administrateur et contrôle ainsi le syndicat, alors qu'il ne détient plus la majorité des voix lors de l'assemblée des copropriétaires7.

Le conseil d'administration doit alors convoquer une assemblée extraordinaire des copropriétaires afin d'élire un nouveau conseil d'administration8. Si le conseil d'administration n'agit pas à l'intérieur du délai de quatre-vingt-dix (90) jours, tout copropriétaire peut le faire9. Ce dernier devra adresser un avis de convocation à tous les autres copropriétaires et y joindre les documents requis10.

Au cours de l'assemblée extraordinaire, le conseil d'administration sortant doit rendre compte de son administration et présenter des états financiers accompagnés de commentaires d'un comptable sur la situation financière du syndicat11. Le comptable devra indiquer toute irrégularité qu'il constate dans ces états financiers.

Les pouvoirs du nouveau conseil d'administration

Le nouveau conseil d'administration peut mettre fin sans pénalité à tout contrat signé entre l'administrateur provisoire et des tiers, et ce, dans les soixante (60) jours de son élection12. Cette disposition permet l'annulation d'ententes conclues à des prix considérés comme étant trop élevés, sur de trop longues périodes ou encore, avec des tiers en relation trop étroite avec le promoteur. On remarque que seuls les contrats d'une durée de plus d'un (1) an sont visés par cette disposition. Lorsqu'il est question de contrats conclus pour une durée inférieure à un (1) an, même s'ils sont onéreux, il faut alors s'en remettre aux exigences de la bonne foi ou aux dispositions relatives à la responsabilité civile13.

La loi no16 : Loi visant principalement l'encadrement des inspections en bâtiment et de la copropriété divise, le remplacement de la dénomination de la Régie du logement et l'amélioration de ses règles de fonctionnement et modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec et diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal14

Les modifications aux règles de gouvernance de la copropriété opérées par cette loi no16 visent notamment le promoteur d'une copropriété15. En plus d'exiger que ce dernier transmette au syndicat la description des parties privatives dans les trente (30) jours de l'assemblée extraordinaire suivant la perte de contrôle du syndicat par le promoteur16, il devra fournir les documents suivants17 :

  • le carnet d'entretien de l'immeuble et l'étude du fonds de prévoyance;
  • les plans et devis indiquant les modifications apportées pendant la construction par rapport aux plans et devis d'origine s'il s'agit d'un immeuble neuf;
  • les autres plans et devis de l'immeuble disponibles;
  • les certificats de localisation relatifs à l'immeuble qui sont disponibles;
  • tout autre document requis par règlement du gouvernement.

Il est à noter que le promoteur peut être tenu responsable de tout préjudice causé par le défaut de remettre ces renseignements18.

Conclusion

L'influence du promoteur sur la gestion de la copropriété divise doit être d'une durée limitée. Les dispositions concernant la perte de contrôle du promoteur sur le syndicat ont donc été prévues afin de protéger les droits des copropriétaires si la passation des pouvoirs du promoteur a lieu de façon trop tardive. Il est à noter que ces dispositions sont impératives et prévalent sur toute disposition de la déclaration de copropriété19.

Les auteurs souhaitent remercier Raphaëlle Renzo-Gaudet, stagiaire en droit, pour sa contribution à la rédaction de cet article.

Footnotes

1. L'article 1038 C.c.Q. énonce que la copropriété divise d'un immeuble est établie par la publication d'une déclaration selon laquelle la propriété de l'immeuble est divisée en fractions, lesquelles appartiennent à une ou plusieurs personnes. Cette déclaration de copropriété initiale peut être publiée dès que les lots sont immatriculés et que la division cadastrale de l'immeuble est réalisée.

2. Art. 321 à 330, 335 et s. et 1039 C.c.Q.

3. Michel PARADIS, Copropriété divise : l'importance de la prise de contrôle du syndicat par les nouveaux copropriétaires, dans Service de la formation permanente, Barreau du Québec, 2008, vol. 288, aux pages 216 à 218.

4. Syndicat de copropriété de Villa du Golf c. Leclerc, 2015 QCCA 366.

5. Art. 1093 C.c.Q.

6. Art. 1104 C.c.Q.

7. Ministère de la Justice, Commentaires du ministre de la Justice – Le Code civil du Québec, t.1, Québec, Les Publications du Québec, 1993.

8. Supra, note 6.

9. Supra, note 6.

10. Art. 1087 C.c.Q. Cet article prévoit que « L'avis de convocation de l'assemblée annuelle des copropriétaires doit être accompagné, en plus du bilan, de l'état des résultats de l'exercice écoulé, de l'état des dettes et créances, du budget prévisionnel, de tout projet de modification à la déclaration de copropriété et d'une note sur les modalités essentielles de tout contrat proposé et de tous travaux projetés. »

11. Art. 1105 C.c.Q.

12. Art. 1107 C.c.Q.

13. Pierre-G. CHAMPAGNE et Yves JOLICOEUR, Le promoteur, la perte de contrôle et l'interprétation des articles 1092 et 1093 C.c.Q., dans Service de la formation continue, Barreau du Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003.

14. Le projet de loi a été adopté le 5 décembre 2019 et sanctionné le 11 décembre 2019. La loi est entrée en vigueur le 10 janvier 2020 à l'exception de certaines dispositions.

15. Art. 35, 54, 65, 66, 156 Loi visant principalement l'encadrement des inspections en bâtiment et de la copropriété divise, le remplacement de la dénomination de la Régie du logement et l'amélioration de ses règles de fonctionnement et modifiant la Loi sur la Société d'habitation du Québec et diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal (« Loi no 16 »).

16. Art.1106.1 C.c.Q. La Loi no16 est entrée en vigueur le 10 janvier 2020. Par contre, l'entrée en vigueur des modifications à l'article 1106.1 C.c.Q. est liée à celle des règlements pris en application en vertu des dispositions connexes à la Loi no16, à l'exception de la fourniture des plans et devis qui est également entrée en vigueur le 10 janvier 2020. L'obligation de fournir une description des parties privatives entrera en vigueur le 13 juin 2020 pour les copropriétés divises établies avant le 18 juin 2018.

17. Loi no 16, article 60.

18. Id.

19. André M. BENOIT et Marie TRUDEL, Manuel de gestion d'un syndicat de copropriété divise au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, 2009.

Cet article a d'abord paru dans le numéro du printemps 2020 du magazine Copropriété Plus.

Originally published 22 mai 2020.

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