Le 10 octobre dernier, la Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile (RLRQ c T-11.2, la « Loi ») est entrée en vigueur. Comme nous l'annoncions dans un article précédent, cette loi instaure un tout nouveau régime d'encadrement applicable à l'ensemble des joueurs de l'industrie du transport rémunéré de personnes par automobile au Québec.

Le 7 octobre 2020, le gouvernement du Québec a publié trois règlements d'application de la Loi : un règlement général précisant les conditions de qualification, les normes relatives à la sécurité des usagers et la qualité des services offerts; un règlement régissant la transmission d'informations pertinentes au gouvernement; et un règlement relatif à l'obligation de formation des chauffeurs.

Le Règlement sur le transport rémunéré de personnes par automobile (le «  Règlement d'application »)

La Loi prévoit que pour effectuer du transport rémunéré de personnes par automobile, il faut un chauffeur qualifié et un véhicule qualifié. Un chauffeur qualifié peut être soit autorisé par la Société de l'assurance automobile du Québec (la « SAAQ ») ou inscrit auprès d'un répondant. De la même manière, une automobile qualifiée doit être soit autorisée par la SAAQ ou inscrite auprès d'un répondant.

Le Règlement d'application apporte des précisions utiles sur les façons de se qualifier comme chauffeur, ainsi que de faire qualifier une automobile, il comprend les conditions à rencontrer au moment de la demande et tout au cours de la qualification.

Les automobiles qualifiées

De manière générale, le Règlement d'application prévoit qu'une automobile qui était rattachée à un permis de propriétaire de taxi en date du 9 octobre 2020 est réputée être une automobile autorisée par la SAAQ à compter du 10 octobre 2020. De plus, jusqu'au 31 mars 2021, le permis de propriétaire de taxi tient lieu de document attestant que l'automobile est autorisée.

Pour être une automobile qualifiée, une voiture doit (i) être âgée de moins de 4 ans, (ii) indiquer moins de 80 000 km à l'odomètre et (iii) respecter certaines normes générales quant à ses dimensions et sa masse.

Une automobile dont l'odomètre indique plus de 80 000 km ou dont l'année de modèle date d'au moins 4 ans doit, quant à elle, faire l'objet d'une vérification mécanique préalable à son autorisation par la SAAQ. De plus, l'automobile devra être soumise à des vérifications mécaniques subséquentes à la première des deux éventualités suivantes : soit 12 mois après la dernière vérification mécanique ou lorsque l'automobile aura parcouru 60 000 km de plus que lors de la dernière vérification. Les frais associés à une demande d'autorisation d'automobile sont pour le moment fixés à 9,20 $, mais pourraient changer si la SAAQ décidait d'adopter un règlement à cette fin.

Le Règlement d'application prévoit également que toute automobile qui est utilisée pour offrir du transport rémunéré doit être munie d'un accessoire permettant de la « distinguer ». Cet accessoire distinctif doit être placé sur la lunette arrière du véhicule lorsque celui-ci est « en service ». Cet accessoire n'a pas encore été dévoilé par le gouvernement, mais nous savons qu'il sera délivré par la SAAQ au chauffeur qui en fait la demande au coût de 26,60 $. L'accessoire se différencie du lanternon, petit dôme lumineux installé sur le toit des taxis, dont l'utilisation demeure réservée aux chauffeurs de taxi. D'ailleurs, l'utilisation d'un lanternon par les chauffeurs de taxi les dispense de l'obligation d'avoir un accessoire distinctif.

L'accessoire dont il est question ci-dessus ne doit pas être confondu avec l'accessoire prévu à l'article 68 de la Loi qui permet de rattacher une automobile à un système de transport. La conception de cet accessoire est laissée à la discrétion des répondants, mais doit respecter les normes de visibilité prévues par le Règlement d'application.

Les chauffeurs qualifiés

Le Règlement d'application prévoit des règles transitoires en faveur des personnes titulaires d'un permis de chauffeur de taxi. Le Règlement d'application prévoit notamment que les permis de chauffeur de taxi demeurent valides jusqu'à leur date d'échéance. Au moment normalement prévu pour le renouvellement de son permis, le chauffeur autorisé devra toutefois prendre rendez-vous avec la SAAQ pour se faire photographier et apporter un certificat attestant de l'absence d'antécédent judiciaire, cette étape lui permettra de devenir un chauffeur qualifié en vertu de la Loi.

L'exemption prévue au Code de la sécurité routière qui permettait aux chauffeurs de taxi de ne pas porter la ceinture de sécurité alors qu'ils circulaient sur des voies publiques gérées par les municipalités a été abrogée par la Loi. À l'avenir, aucune exemption similaire n'est prévue, sauf si le conducteur a des raisons médicales de ne pas porter sa ceinture de sécurité. 

Les répondants d'un système de transport

En sus des multiples conditions établies dans la Loi, notamment d'avoir démontré à la Commission des transports du Québec (la « Commission ») d'être en mesure d'exécuter ses obligations à titre de répondant et d'avoir suffisamment de ressources humaines et matérielles pour répondre aux activités envisagées, le Règlement d'application établit une série de conditions supplémentaires qu'une entreprise doit rencontrer pour se qualifier en tant que répondant.

Le Règlement d'application prévoit notamment que l'entreprise qui désire obtenir le titre de répondant doit, en sus de devoir prouver qu'elle possède les connaissances et l'expérience pertinentes dans le domaine, présenter un plan concret de ses opérations futures prévoyant le mode d'établissement du prix d'une course, la portion qu'elle gardera à titre de répondant et l'évolution projetée de son parc d'automobiles.

Il établit également les balises et critères financiers que les répondants doivent rencontrer ainsi que les règles sur les rapports qui doivent être fournis par ces derniers à la Commission et au ministre des Transports.  

Les répartiteurs

Le rôle du répartiteur enregistré est de répartir les demandes de courses qu'il reçoit vers des chauffeurs autorisés. Cette répartition peut se faire tant par une personne physique que par l'entremise d'« un moyen technologique ne nécessitant pas d'intervention humaine », tel qu'un algorithme dans une application mobile.

Lors de son enregistrement à titre de répartiteur, le Règlement d'application prévoit que le répartiteur doit indiquer les limites du territoire qu'il dessert.

Il est également intéressant de noter que le répartiteur qui répartit des demandes de courses exclusivement pour le compte d'un ou de plusieurs répondants n'a pas d'obligation de s'enregistrer auprès de la Commission.

Les répondants et les répartiteurs qui offrent des courses demandées par un moyen technologique ne nécessitant pas l'intervention d'une personne physique devront, en vertu des articles 35 et 51 du Règlement d'application, fournir des rapports mensuels à la Commission et au ministre des Transports concernant, entre autres, la date de la course, le lieu de départ et d'arrivée, le montant facturé au client, le montant versé au chauffeur qui a effectué la course et des informations relatives à l'automobile qui a été utilisée.

La vérification sommaire

Avant sa première utilisation quotidienne de sa voiture, le chauffeur qualifié doit procéder à une vérification sommaire. Cette vérification doit être inscrite dans un rapport qui permet au chauffeur de prouver qu'elle a été faite en as d'inspection.

Le Règlement d'application prévoit que le chauffeur doit vérifier, entre autres, le niveau du liquide de freinage et de lave-glace, le bon fonctionnement du frein de stationnement, des essuie-glace, des phares et des clignotants, l'état d'usure des pneus et leurs valves, le bon ajustement des rétroviseurs, l'absence de témoins lumineux sur le tableau de bord, et lorsque cela sera obligatoire, vérifier que le dispositif de géolocalisation fonctionne.

Les dispositifs de géolocalisation

La Loi prévoit qu'une automobile autorisée devra être munie d'un dispositif de géolocalisation permettant de localiser la voiture en temps réel. Le Règlement d'application prévoit quant à lui les règles transitoires relativement à l'utilisation d'un tel dispositif.

Il y a trois dates à retenir :

  • 10 octobre 2020: l'obligation d'avoir un tel dispositif est effective dès maintenant pour tout chauffeur qui, avant cette date, était titulaire d'un permis de propriétaire de taxi valide et qui est soumis au Règlement sur le transport par taxi de la Ville de Montréal;
  • 10 octobre 2022: l'obligation d'avoir un dispositif de géolocalisation sera effective à partir de cette date pour tout propriétaire d'une automobile inscrite auprès d'un répondant ou d'un répartiteur qui répartit les demandes de course exclusivement au moyen d'une technologie qui ne nécessite pas l'intervention d'une personne physique;
  • 10 octobre 2024  : l'obligation d'avoir un dispositif de géolocalisation sera effective à tout chauffeur qualifié en vertu de la Loi.

Pour être valide, le dispositif de géolocalisation devra avoir été reconnu par le ministre des Transports. La demande de reconnaissance devra inclure une description du dispositif et la façon par laquelle celui-ci sera rattaché à l'automobile. Le Règlement d'application prévoit également qu'à tous les 5 ans, celui qui a obtenu la reconnaissance d'un dispositif de géolocalisation devra faire parvenir un rapport d'expert au ministre l'informant que le dispositif répond toujours aux exigences de la Loi.

Le covoiturage

En outre de toutes les exigences prévues par la Loi relativement aux conditions à respecter pour effectuer un service de covoiturage rémunéré valide, le Règlement d'application prévoit qu'il est interdit pour un chauffeur de réclamer plus de 0,54 $ par kilomètre parcouru. Cette contribution financière est établie en fonction du transport effectué et non en fonction du nombre de passagers. Ainsi, le montant maximal qui peut être exigé reste le même peu importe le nombre de personnes ayant profité du service de covoiturage.

À titre indicatif, cela correspond à un montant d'environ 108 $ pour une course dont le point de départ est la Ville de Québec et la destination est Saguenay.

Les redevances

Tel que nous l'indiquions dans notre article précédent, la Loi prévoit qu'une redevance temporaire de 0,90 $ devra être ajoutée au prix de toute course effectuée. Le Règlement d'application établit que cette redevance devra commencée à être chargée aux clients le 1er janvier 2021. La redevance devra également apparaitre comme une charge individualisée sur la facture payée par le client. Dans la même logique, les propriétaires de voitures munies d'un taximètre devront faire ajuster leur taximètre afin que celui-ci indique une lecture comprenant la redevance payable par le client.

Comme pour les taxes de vente, l'exploitant qui perçoit une redevance conformément au Règlement d'application est réputé détenir les redevances en fiducie pour l'État, séparées de son patrimoine et de ses propres fonds, et en vue de les verser au ministre des Transports dans les délais établis par le Règlement d'application. Le Règlement d'application prévoit  aussi que toute personne qui refuse ou néglige de percevoir la redevance ou de la verser au ministre est passible d'une amende de 200 $ pour chaque jour que dure l'infraction.

Les dispositions pénales et sanctions administratives pécuniaires

Le Règlement d'application prévoit des sanctions pour quiconque contrevenant à la Loi et à ses règlements. Pour les personnes physiques, ces infractions sont punissables par des amendes variant entre 250 $ et 5 000 $. Pour les entreprises, les amendes varient quant à elles de 500 $ à 10 000 $.

La Loi prévoit elle aussi des infractions spécifiques, notamment offrir ou permettre à quelqu'un d'offrir du transport rémunéré sans être titulaire des qualifications requises, pouvant mener à des amendes allant jusqu'à 50 000 $ pour les personnes physiques et 100 000 $ pour les entreprises. De plus, lorsqu'une infraction à la Loi est commise par un administrateur ou un dirigeant, les montants minimums et maximums de l'amende sont le double de ceux prévus pour une personne physique. La Commission a également le pouvoir de suspendre ou de révoquer l'autorisation qu'elle a octroyée à l'égard d'un système de transport et de ses chauffeurs inscrits lorsque ceux-ci commettent plusieurs fois les mêmes infractions ou s'ils commettent une infraction grave justifiant une telle sanction. Il est toutefois bon de noter que ni la Loi ni le Règlement d'application ne prévoient de peines d'emprisonnement.

La Loi et le Règlement d'application permettent aussi l'imposition par la Commission de sanctions administratives pécuniaires (« SAP »). Les montants pour une SAP varient entre 450 $ et 1 300 $. Dans le cas d'une SAP, la Loi prévoit que les administrateurs et dirigeants sont solidairement tenus au paiement de cette sanction. La Loi établit que de telles sanctions se prescrivent dans un délai de deux ans et qu'elles peuvent faire l'objet d'un réexamen par la Commission sur réception d'une demande en ce sens dans les trente jours de la notification de l'avis de réclamation. Les infractions, quant à elles, se prescrivent dans un délai d'un an.

Le Règlement sur la transmission de renseignements et le facteur de multiplication du prix d'une course (le « Règlement de transmission »)

Le Règlement de transmission encadre la transmission des renseignements à la Commission et au ministre des Transports par les différents intervenants. Ce règlement prévoit notamment l'obligation du répondant et du répartiteur enregistré de transmettre annuellement, en date du 1er mars, des rapports à la Commission ainsi qu'au ministre des Transports concernant les lieux d'origine et de destination des courses effectuées. Ces rapports commenceront à être exigibles à compter du 1er mars 2022 pour les courses effectuées depuis le 10 octobre 2021.

Les répondants et les répartiteurs qui offrent des courses qui ont été demandées par un moyen technologique ne nécessitant pas l'intervention d'une personne physique auront déjà à fournir des rapports mensuels à la Commission et au ministre des Transports en vertu des articles 35 et 51 du Règlement d'application. Dans de tels cas, les répondants et les répartiteurs seront dispensés de transmettre les rapports exigés en vertu du Règlement sur la transmission. L'obligation de transmission des rapports mensuels pour les répondants et les répartiteurs enregistrés commence, quant à elle, à compter du 10 octobre 2021.

Le Règlement de transmission fixe aussi le facteur de multiplication du prix d'une course à 1,5, ce qui signifie que dans le cas d'une course commandée par moyen technologique, le prix payé ne peut excéder plus que 1,5 fois la grille tarifaire établie par la Commission.

Le Règlement sur la formation des chauffeurs qualifiés (le « Règlement sur la formation »)

Le Règlement sur la formation vise à encadrer la formation que doit compléter un chauffeur afin d'être qualifié en vertu de la Loi, de même que l'examen qu'il doit ensuite réussir.

Le Règlement sur la formation prévoit qu'une formation de base d'une durée minimale de 15 heures devra avoir été complétée par le chauffeur. Ce dernier devra également obtenir un score minimal de 75 % à l'examen. S'il échoue, le candidat pourra reprendre l'examen après l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la réception de son résultat. En cas de second échec, le candidat devra compléter de nouveau la formation de base pour être admissible à une reprise.

Le Règlement sur la formation prévoit également que les chauffeurs qui détenaient un permis de chauffeur de taxi avant l'entrée en vigueur de la Loi sont dispensés de la formation de base en tout temps. Ils n'auront qu'à prendre une nouvelle photo à un point de service de la SAAQ lorsque leur permis actuel aura atteint sa date d'échéance et apporter un certificat attestant de l'absence d'antécédent judiciaire. La dispense accordée pour les chauffeurs qui effectuent des transports adaptés sera quant à elle effective jusqu'au 10 avril 2021.

Le Règlement sur la formation prévoit également une formation avancée sur le transport des personnes handicapées. Cette formation est une formation complémentaire à la formation de base et est d'une durée minimale de 18 heures. Tout comme pour la formation de base, le score de passage est établi à 75 % et les modalités en cas d'échec sont les mêmes.

Pour le chauffeur qualifié qui détenait un permis de chauffeur de taxi valide avant l'entrée en vigueur de la Loi et qui avait déjà effectué une formation sur le transport des personnes handicapées en vertu du Règlement sur les services de transport par taxi, cette formation avancée est réduite à une durée de 7 heures, mais le chauffeur doit tout de même se soumettre aux évaluations.

Finalement, le Règlement sur la formation établit que la formation de base et la formation avancée seront dispensées dans des centres de formation professionnelle qui auront conclu une entente en ce sens avec le ministre. Pour l'instant, il est prévu que les cours de la formation de base seront dispensés en ligne et que ceux de la formation complète seront hybrides, c'est-à-dire en ligne et en classe.

En adoptant cette Loi, le Québec a poursuivi sa déréglementation attendue de l'industrie du taxi au Québec. Les règlements qui ont été présentés dans cet article mettent en ouvre la Loi et définissent clairement les exigences auxquels doivent se conformer les chauffeurs, les répartiteurs et les répondants qui souhaitent se lancer dans l'industrie du transport rémunéré par automobile. D'un point de vue réglementaire, le Québec semble avoir trouvé un compromis entre la sécurité des usagers, l'accessibilité, la formation et la reconnaissance des compétences et des permis des anciens joueurs de l'industrie. Les dispositions d'application adoptées dans ces trois règlements sont nombreuses et détaillées. Ainsi, les chauffeurs, les répondants et les répartiteurs devraient porter une attention particulière aux exigences mentionnées ci-dessus afin de s'assurer d'être conformes et d'éviter des amendes et des sanctions administratives pécuniaires coûteuses.

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