Presque tous les contrats de franchise stipulent un droit de premier refus en faveur du franchiseur dans l'éventualité où le franchisé souhaiterait vendre son entreprise franchisée.

Un tel droit de premier refus joue un rôle important aux fins de la préservation de l'intégrité de tout réseau de franchises. Il s'agit donc d'un outil important qui permet au franchiseur de ne pas avoir à accepter au sein de son réseau un nouveau franchisé qui ne lui convient pas. Il peut aussi empêcher qu'un réseau concurrent ne puisse, par des offres alléchantes, se porter acquéreur d'établissements du réseau pour les amener au sien.

Afin d'assurer le respect du droit de premier refus consenti en faveur du franchiseur, certains contrats de franchise stipulent aussi une pénalité en cas de contravention à ce droit.

Cependant, en vertu de l'article 1623 du Code civil du Québec, le montant de la pénalité stipulée à un contrat peut toujours être réduit (mais non augmenté) par un tribunal. Il se peut aussi, qu'avec le passage du temps ou en raison de changements dans le marché, une pénalité qui se voulait dissuasive ne devienne si peu importante qu'elle ne constitue qu'un ticket modérateur qu'un acheteur malintentionné sera prêt à payer pour passer outre au droit de premier refus.

L'expérience des dernières années démontre cependant que plusieurs clauses de droit de premier refus n'offrent qu'une illusion de protection et peuvent être aisément contournées de diverses manières.

Par exemple, si l'entreprise du franchisé se trouve dans un local loué, un acquéreur potentiel pourrait acheter l'immeuble dans lequel elle est exploitée avant de formuler son offre d'achat pour celle-ci. S'il ne reste pas longtemps à courir à la durée du bail, le bénéficiaire du droit de premier refus pourra se retrouver face à une décision difficile entre :

  • ne pas exercer son droit de premier refus, ou
  • l'exercer en sachant qu'il devra déménager rapidement l'entreprise acquise alors qu'une entreprise concurrente s'installera tout probablement dans ses locaux actuels.

J'ai aussi déjà été témoin de situations où le prix offert consistait dans un bien (par exemple, une Suvre d'art ou un immeuble) que le tiers acquéreur possédait, mais que le bénéficiaire du droit de premier refus n'avait évidemment pas.

J'ai également rencontré d'autres situations où la totalité, ou une partie importante, du prix offert était payable par voie d'un billet promissoire à demande. Dans un tel scénario, si le franchiseur exerce son droit de premier refus, le montant de ce billet lui est réclamé immédiatement au moment de la vente. Par contre, si le franchiseur renonce à exercer son droit de premier refus, le montant du billet promissoire n'est réclamé que beaucoup plus tard et, peut-être même, jamais!

Enfin, il est important de savoir que, en vertu de l'article 1397 du Code civil du Québec, une vente faite en violation d'un droit de premier refus est quand même valable et opposable au bénéficiaire d'un tel droit (le franchiseur), sous réserve de ses seuls recours en dommages (ou, si le contrat stipule une clause pénale, en réclamation de la pénalité convenue). Ainsi, une fois une vente faite en contravention à son droit de premier refus, le franchiseur ne pourrait en demander l'annulation. Il existe toutefois quelques exceptions à ce principe.

Aussi, la rédaction d'une clause conférant un droit de premier refus doit être confiée à un expert dans ce type de contrat si le franchiseur désire vraiment une protection solide qui ne pourra être aisément contournée.

Si la clause n'est pas complète et très bien rédigée, il se peut que le franchiseur ne réalise que trop tard, au moment où un acquéreur potentiel aura trouvé le moyen de le contourner ou de rendre l'exercice du droit de premier refus du franchiseur impossible ou trop onéreux, que son droit de premier refus ne lui procure pas la protection visée.

TROIS CONSEILS PRATIQUES

Détenir la propriété ou le bail principal des locaux dans lesquels le franchisé exploite son entreprise

L'une des meilleures façons de s'assurer qu'une entreprise concurrente ne pourra éventuellement s'installer dans les locaux où sont exploitées les entreprises des franchisés consiste pour le franchiseur de détenir, comme propriétaire ou locataire principal, les droits d'occupation de ces locaux qu'il louera, ou sous-louera, ensuite à son franchisé.

Il s'agit aussi de l'un des meilleurs moyens d'assurer le respect d'une clause de premier refus.

Lorsque le franchiseur ne veut pas être propriétaire ou locataire principal des locaux, il lui est aussi possible de conclure, avec le bailleur et le franchisé, une entente tripartite stipulant le droit pour le franchiseur d'obtenir une cession automatique du bail en cas de résiliation de la convention de franchise ainsi que le droit d'approuver tout nouveau locataire ou sous-locataire.

Obtenir et publier une hypothèque mobilière sur les éléments d'actif de vos franchisés

Un autre moyen d'assurer un meilleur respect de votre droit de premier refus consiste à obtenir et à publier, sur les éléments d'actif de vos franchisés, une hypothèque mobilière.

Encore une fois, si l'entente ou la clause créant une telle hypothèque est bien rédigée, celle-ci posera un obstacle majeur pour toute personne désirant contrevenir à votre droit de premier refus, ou de le contourner.

Il est entre autres important que cette hypothèque stipule clairement le fait qu'elle garantit le respect par le franchisé du droit de premier refus du franchiseur (ainsi que des autres obligations non financières du franchisé), et non seulement les obligations financières du franchisé.

Stipuler clairement dans votre clause de premier refus que vous avez droit de céder votre droit de premier refus

Plusieurs franchiseurs hésitent à stipuler une clause de droit de premier refus dans leurs contrats pour le motif qu'ils ne souhaitent pas avoir à acquérir d'entreprises de leur réseau, ou encore, qu'ils n'ont pas les ressources financières pour procéder à de telles acquisitions.

Afin de protéger l'intégrité de leur réseau, il leur serait souvent avantageux de stipuler quand même une telle clause de droit de premier refus en précisant qu'ils ont le droit de la céder à toute personne de leur choix.

Avec un tel droit de cession, si un franchisé leur transmet une offre d'achat aux fins de l'exercice de leur droit de premier refus, ils pourront alors chercher eux-mêmes un acheteur qui se trouve déjà au sein de leur réseau, ou qui souhaite y adhérer, pour ensuite lui céder le droit de premier refus. Cela fait en sorte que, au bout du compte, l'entreprise sera vendue à la personne qu'ils ont choisie plutôt qu'à un offrant-acheteur qu'ils ne connaissent pas ou, encore pis, qui souhaite se joindre à un autre réseau.

En matière de droit de premier refus (comme dans bien d'autres domaines), « La prévention a bien meilleur goût ».

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