Dans l’affaire Solar Power Network Inc. v. ClearFlowEnergy Finance Corp., 2018 ONCA 727, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que l’utilisation d’une formule respectait l’exigence relative au taux annuel équivalent énoncée à l’article 4 de la Loi sur l’intérêt, à tout le moins tant qu’il s’agit du moyen le plus pertinent d’exprimer le taux annuel équivalent.

La décision de la Cour supérieure : l’utilisation d’une formule est inadéquate

Plus tôt cette année, la Cour supérieure a rendu une décision indiquant ce qui suit :

  • le taux d’escompte de 0,003 % par jour appliqué par ClearFlow Energy Finance Corp. sur des prêts consentis à Solar Power Network Inc. et aux membres de son groupe constituait des intérêts
  • l’utilisation d’une formule pour calculer le taux annuel équivalent du taux d’escompte ne respectait pas l’article 4 de la Loi sur l’intérêt, parce qu’une formule ne pourrait jamais être utilisée à cette fin ou parce que la formule a produit un taux nominal plutôt qu’un taux effectif
  • du fait de ce non respect, les taux d’intérêt sur les prêts, y compris les intérêts cumulés selon le taux d’intérêt de base de 12 % par année et de 24 % par année en cas de défaut, ont été plafonnés à 5 %.

Pour une analyse plus approfondie des faits pertinents et de la décision de la Cour supérieure, voir la mise à jour de notre client sur la décision.

De nombreux prêteurs et leurs conseillers se sont inquiétés de la conclusion de la Cour supérieure voulant que la formule utilisée dans les documents de prêt de ClearFlow soit inadéquate, puisque cette formule est couramment utilisée dans les conventions de prêt commerciales qui prévoient des taux d’intérêt calculés en fonction d’une période de moins d’un an et puisque le fait de plafonner les taux d’intérêt à 5 % avait des effets draconiens. ClearFlow a porté la décision en appel et l’Association des banquiers canadiens a présenté des observations sur la question.

L’analyse de la Cour d’appel : l’utilisation d’une formule peut être adéquate

La Cour d’appel a adopté une approche contextuelle. Elle a examiné la jurisprudence admettant l’utilisation de formules en lien avec d’autres articles de la Loi sur l’intérêt, et elle a examiné d’autres lois commerciales. En outre, elle a pris note de la réalité commerciale moderne des prêts commerciaux portant intérêt selon un taux calculé en fonction d’une année de 360 jours ou de 12 mois de 30 jours et utilisant une formule annualisée pour calculer le taux annuel équivalent. Dans les faits, la Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si l’article 4 s’applique à un taux ainsi exprimé. Elle a cependant conclu que l’utilisation de la formule mathématique prévue par les documents de prêt de ClearFlow permettait d’exprimer un taux pour l’application de l’article 4.

La Cour d’appel s’est ensuite penchée sur la question de savoir si la formule permettait de calculer un taux équivalent étant donné qu’elle produisait un taux nominal plutôt qu’effectif tenant compte des intérêts composés. La Cour d’appel a statué que, dans les circonstances, un taux nominal était suffisant puisqu’il était « [TRADUCTION] impossible que la convention de prêt prévoie un taux d’intérêt ou pourcentage équivalent qui tienne compte de la composition du taux d’escompte ». Le fait qu’il était impossible pour les parties de connaître le degré de composition du taux d’escompte avant la date d’exigibilité a mené à cette conclusion.

Il est donc possible que, lorsqu’un taux annuel effectif peut être calculé à la prise d’effet d’un prêt (si, par exemple, un prêt portant intérêt à taux fixe impose également des intérêts composés pour certaines périodes au cours de sa durée), le taux annuel équivalent puisse être un taux effectif.

Conséquences du non respect

Dans l’affaire Solar Power, certains prêts avaient été consentis aux termes d’une convention de prêt qui prévoyait l’utilisation d’une formule pour calculer un taux annuel équivalent, et d’autres avaient été consentis aux termes de billets à ordre, qui ne prévoyaient aucune formule du genre. Par conséquent, le taux d’escompte prévu par les billets à ordre ne respectait pas l’article 4. ClearFlow a porté en appel la décision de première instance selon laquelle ces prêts devraient porter intérêt à un taux plafonné de 5 %. La Cour d’appel a convenu que le plafond de 5 % ne devrait s’appliquer qu’au taux d’escompte des prêts consentis aux termes de billets à ordre.

La Cour d’appel a tenu compte des circonstances et a déclaré :

« [TRADUCTION] [c]ette affaire comportait une opération commerciale entre des parties ayant un pouvoir de négociation égal qui ont, de manière involontaire et marginale, contrevenu à l’article 4. Rien n’indiquait qu’il y avait intention d’enfreindre la loi, que la convention était injuste ou que l’une des parties profitait de l’autre. »

La Cour d’appel a examiné l’article 4 à la lumière de la réalité commerciale moderne et des attentes des parties et a conclu qu’uniquement les taux d’intérêt calculés d’une manière non conforme à l’article 4 devraient être assujettis au plafond de 5 %. Solar Power ne s’attendait pas à bénéficier d’un taux d’intérêt plafonné à 5 %; elle s’attendait plutôt à un haut taux d’intérêt pour ces prêts, compte tenu de son profil de risque. Le prêteur, quant à lui, s’attendait à recouvrer des intérêts selon le taux négocié.

On peut supposer que si la convention était injuste ou que les parties n’avaient pas un pouvoir de négociation égal, la Cour d’appel aurait accordé moins d’importance aux attentes des parties dans son interprétation des recours prévus par l’article 4.

Conclusion

La validation par la Cour d’appel de l’Ontario de la pratique des prêteurs et de leurs conseillers consistant à utiliser une formule pour satisfaire l’exigence relative au taux annuel équivalent énoncée à l’article 4 a été bien accueillie, tout comme les directives quant aux circonstances dans lesquelles un taux d’intérêt nominal peut constituer un taux annuel équivalent. Après la confusion et l’incertitude suscitées par la décision de la Cour supérieure, l’attention portée par la Cour d’appel aux réalités commerciales et à l’interprétation de l’article 4 compte tenu des pratiques actuelles a été un rayon de soleil de plus dans notre bel été ontarien.

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