Le 22 janvier 2021, la Cour d'appel fédérale (la « CAF ») a infirmé la décision de la Cour canadienne de l'impôt qui rejetait1 les appels des cotisations d'une banque canadienne (la « Banque ») relativement aux demandes de remboursement de TPS/TVH pour de la taxe payée par erreur2. Alors que la Cour de l'impôt avait initialement conclu que les services de traitement des opérations fournis par Visa Canada (« Visa ») pour les cartes de crédit émises par la Banque constituaient des fournitures taxables, la CAF a plutôt statué que cette fourniture constituait un « service financier » exonéré en TPS/TVH qui n'était pas par ailleurs visé par les exclusions spécifiques prévues aux différents alinéas de la définition de ce terme dans la Loi sur la taxe d'accise (Canada) (la « LTA »).

Contexte

Dans le cadre de ses activités bancaires de détail, la Banque délivre des cartes de crédit de marque Visa à ses clients. La Banque accorde du crédit à ses clients dans le cadre du système d'intermédiation des paiements géré et exploité par Visa.

Visa met au point, exploite, gère et promeut un réseau de paiements électroniques de détail mondial exclusif. Ses adhérents, y compris la Banque, ont recours à des effets financiers de marque Visa et des frais leur sont imposés par Visa aux termes d'une convention de services. Aussi, ce sont les frais imposés par Visa à la Banque, en échange de l'ensemble de droits et services fournis à la Banque (les « services fournis par Visa ») qui ont fait l'objet du litige.

Entre le 1er septembre et le 30 novembre 2013, la Banque a payé des montants à Visa qui ont inclus la TPS/TVH (calculée sur les frais qui lui avaient été facturés en échange des services fournis par Visa). La Banque a alors déposé des demandes de remboursement de taxes aux termes de l'article 261 de la LTA, au motif que les services fournis par Visa étaient des « services financiers » exonérés de TPS/TVH au sens du paragraphe 123 (1) de la LTA. Autrement dit, la Banque a prétendu qu'elle avait payé des taxes par erreur et qu'elle avait droit à un remboursement. L'Agence du revenu du Canada a rejeté sa demande de remboursement, ce qui a provoqué l'appel interjeté par la Banque devant la Cour canadienne de l'impôt.

En règle générale, selon la LTA, la fourniture est un service financier (elle est donc exonérée) si elle est décrite aux alinéas a) à m) de la définition (les « inclusions »). Toutefois, si la fourniture relève des exclusions prévues aux alinéas n) à t) de la définition (les « exclusions »), elle n'est pas un service financier (elle est donc taxable), à moins qu'une exception (l'« Exception ») ne s'applique. Par exemple, les services administratifs sont visés par les exclusions, sauf s'ils sont fournis par une « personne à risque »3.

Décision de la Cour de l'impôt

La Cour de l'impôt devait décider si les services fournis par Visa constituaient des « services financiers » exonérés au sens du paragraphe 123(1) de la LTA. Comme le service fourni par Visa ne comprenait pas le traitement direct des fonds en sa possession, la Cour de l'impôt a analysé l'application de l'alinéa l) de la définition législative de « service financier » (l'alinéa l) fait partie des inclusions). En facilitant le transfert des paiements entre les émetteurs, les acquéreurs et les marchands, elle a notamment décidé que les services étaient fournis par Visa en vue d'effectuer des services de crédit offerts par la Banque, en qualité d'intermédiaire. Outre l'alinéa l), la Cour de l'impôt a également conclu que les services fournis par Visa réunissaient les conditions de deux autres inclusions prévues aux alinéas a) et i).

La conclusion voulant que les services fournis par Visa relèvent d'une ou de plusieurs des inclusions n'a toutefois pas réglé la question. La LTA oblige la Cour de l'impôt à se demander si des exclusions s'appliquent aussi si bien que, le cas échéant, les services fournis par Visa pourraient après tout ne pas être qualifiés de « services financiers ».

La Cour de l'impôt a examiné l'alinéa t), souvent appelé l'« exclusion des services visés par règlement » et a établi que les services fournis par Visa étaient « foncièrement administratifs » (CCI, paragr. 116) [traduction non officielle] et étaient par conséquent visés par le paragraphe 4(2) du Règlement sur les services financiers et les institutions financières (TPS/TVH) (le « Règlement ») – (et exclus de l'alinéa t)), à moins que l'Exception applicable aux services fournis par ou pour, entre autres, une « personne à risque » aux termes du paragraphe 4(3) du Règlement ne s'applique.

La Cour de l'impôt a conclu que l'Exception n'était pas applicable, si bien que les services fournis par Visa étaient des « services visés par règlement » exclus de la définition de « service financier » du paragraphe 123(1) de la LTA. Par conséquent, selon la Cour de l'impôt, les services fournis étaient entièrement taxables du point de vue de la TPS/TVH.

Questions en litige

En l'espèce, la Banque a demandé à la CAF de résoudre les questions en litige, à savoir si la « Cour de l'impôt a commis des erreurs justifiant l'annulation de la décision lorsqu'elle a conclu que les services fournis par Visa à [la Banque] étaient des services administratifs et décidé que Visa n'était pas une personne à risque » (CAF, paragr. 3) [traduction non officielle].

Décision

La CAF a commencé par analyser le système de paiement Visa, les opérations qui concernent généralement les titulaires de cartes, les risques économiques assumés par Visa, ainsi que les avantages tirés des services fournis par Visa.

La qualification des services fournis par Visa et la décision de les inscrire dans au moins trois des inclusions de la définition de « service financier » (c.-à-d. aux alinéas a), l) et i)) n'a pas été remise en question par les parties et, par conséquent, n'a pas été analysée par la CAF.

La CAF s'est plutôt intéressée à la question de savoir si les services fournis par Visa étaient des « services administratifs » au sens de l'alinéa 4(2)b) du Règlement (potentiellement assujettis à l'Exception applicable à la « personne à risque ») qui font partie des exclusions et qui sont par conséquent des fournitures taxables. Alors que la Cour de l'impôt avait décidé que l'avantage tiré des services fournis par Visa était principalement de nature administrative et que le système Visa nécessitait une prise de décision minimale, la CAF a exprimé un avis diamétralement opposé. Même si la CAF a conclu que la Cour de l'impôt n'avait pas commis d'erreur d'interprétation du terme « services administratifs », elle avait commis une erreur manifeste en qualifiant ainsi les services fournis par Visa et ce, malgré qu'elle ait également établi que ces services « formaient une partie essentielle de la capacité [de la Banque] à offrir à ses clients des services fondés sur les cartes de crédit » (CCI, paragr. 92) et « [permettaient] aux clients [de la Banque] d'acheter des produits et des services partout dans le monde, sans que [la Banque] ait à s'entendre avec chaque marchand individuellement pour l'établissement des modalités de paiement » (CCI, para. 95 et CAF, paragr. 56) [traduction non officielle].

Au vu de la preuve testimoniale fournie par la Banque et de l'analyse du système de paiement Visa, la CAF a statué que, contrairement aux services fournis par Emergis dont fait état la décision Great West, compagnie d'assurance vie4, les services fournis par Visa ont ajouté une valeur qui était supérieure à celle des services simples « de réduction des coûts et de simplification de la logistique » (CAF, paragr. 63) [traduction non officielle]. De plus, contrairement à la Cour de l'impôt pour laquelle la « prise de décision minimale » nécessaire dans le système Visa permettait de qualifier les services fournis par Visa de services de nature administrative, la CAF a estimé que ce facteur ne pouvait à lui seul appuyer cette conclusion.

Outre cette conclusion fondée sur sa décision voulant que les exclusions ne s'appliquent pas, la CAF n'a pas débattu sur le fond de la décision de la Cour de l'impôt en lien avec l'Exception et l'interprétation du terme « personne à risque » du Règlement.

Conclusion de la Cour

Compte tenu de ce qui précède, la CAF a décidé que les services fournis par Visa étaient des services financiers exonérés et que la Banque avait droit au remboursement de la TPS/TVH payée par erreur. L'appel a donc été accueilli avec dépens.

Principales conclusions

  • Cette décision historique infirme la décision de la Cour de l'impôt selon laquelle les services de traitement des opérations sur cartes de crédit sont des services administratifs exonérés de TPS/TVH qui sont exclus de la définition de « service financier » en application de la LTA.
  • Sauf si une éventuelle demande d'autorisation d'appel de la Couronne est accueillie par la Cour suprême du Canada, il reste à voir comment les sociétés de traitement des cartes de crédit réagiront à cette décision. En l'absence de procédure d'appel, la TPS/TVH ne devrait plus être perçue sur les services de traitement des opérations sur carte de crédit auprès des banques et des coopératives de crédit. Par conséquent, ces entités ne devraient plus avoir à faire des demandes de remboursement visant à récupérer la TPS/TVH.

Footnotes

1. Banque canadienne impériale de commerce c. La Reine, 2018 CCI 109.

2. Canadian Imperial Bank of Commerce v Her Majesty the Queen, 2021 FCA 10.

3. Dans le Règlement, la « personne à risque » se définit comme la personne exposée à un risque financier du fait de la propriété, de l'acquisition ou de l'émission par la personne d'un effet à l'égard duquel un service mentionné au paragraphe (2) est offert, ou à cause d'une garantie, d'une acceptation ou d'une indemnité se rapportant à l'effet, à l'exclusion de la personne qui s'expose à un tel risque dans le cadre et du seul fait de l'autorisation d'une opération relative à l'effet ou de la fourniture d'un service de compensation ou de règlement relativement à l'effet.

4. Great West, compagnie d'assurance vie c. La Reine, 2015 CCI 225.

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