Ce billet a été publié pour la première fois le 10 juillet 2020 et la dernière mise à jour a été effectuée le 31 juillet 2020.

Le gouvernement de l’Alberta a adopté le projet de loi 32, Restoring Balance in Alberta’s Workplaces Act, 2020 (projet de loi 32), visant à modifier l’Employment Standards Code (ESC) et le Labour Relations Code (LRC).

Le projet de loi 32 a reçu la sanction royale le 29 juillet 2020 et apporte de nombreuses modifications à l’ESC et au LRC, entre autres. Lorsque le projet de loi 32 a été introduit au début du mois de juillet, le ministre du Travail Jason Copping a déclaré qu’il était destiné à « rétablir l’équilibre dans le droit du travail de l’Alberta » et qu’il « aiderait les entreprises à sauver du temps et de l’argent en leur permettant de se concentrer sur le retour au travail des Albertains tout en protégeant les travailleurs ». Le gouvernement de l’Alberta estime que les employeurs pourraient économiser près de 100 millions de dollars par année en charges administratives grâce aux modifications proposées.

Le texte qui suit résume les principales modifications prévues par le projet de loi 32 et indique les dates de leur entrée en vigueur.

Modifications à l’ESC

Paiement des gains après la cessation d’emploi

À l’heure actuelle, les gains, y compris l’indemnité de départ, doivent être payés à l’employé dans un délai de 3 ou de 10 jours consécutifs, selon qu’un avis de cessation d’emploi ou une indemnité de départ est exigé ou non. Le projet de loi 32 prolonge le délai de paiement en permettant à l’employeur de choisir de verser les gains de l’employé soit dans les 10 jours consécutifs suivant la fin de la période de paie au cours de laquelle la cessation d’emploi survient, soit dans les 31 jours consécutifs suivant le dernier jour d’emploi, quel que soit le mode de cessation d’emploi. Grâce à cette modification, les employeurs pourront faire en sorte que le paiement des gains finaux soit effectué pendant une période de paie régulière, plutôt que de devoir demander des chèques ou des paiements distincts en dehors des périodes de paie régulières pour les employés licenciés. Cette modification entrera en vigueur le 1er novembre 2020.

Déductions sur les gains

Le projet de loi 32 modifie l’ESC de façon à permettre à l’employeur, moyennant un avis écrit convenable, de recouvrer des gains payés en trop à l’employé à la suite d’une erreur dans le calcul de la paie ou une indemnité de vacances versée à l’employé avant que celui-ci n’y ait droit. Toutefois, les employeurs n’auront que 6 mois pour récupérer des gains payés en trop par erreur et devront également fournir aux employés un avis écrit de la déduction avant de l’effectuer. Cette modification est une bonne nouvelle pour les employeurs, qui sont nombreux à avoir de la difficulté à récupérer les gains payés en trop à des employés non coopératifs et dont le seul recours était d’obtenir le consentement de l’employé pour déduire le trop-payé ou d’intenter une action en justice contre lui. Cette modification entrera en vigueur le 1er novembre 2020.

Rémunération de jour férié

Le projet de loi 32 retire l’indemnité de vacances et la rémunération de jour férié du calcul du salaire quotidien moyen de l’employé, qui est utilisé pour établir la rémunération de jour férié de l’employé. Le salaire quotidien moyen correspondra plutôt, selon ce que décide l’employeur, à la moyenne du salaire total de l’employé sur (i) le nombre de jours travaillés au cours des 4 semaines précédant un jour férié ou (ii) les 4 semaines se terminant le dernier jour de la période de paie qui a eu lieu juste avant le jour férié. Cette modification entrera en vigueur le 1er novembre 2020.

Heures de travail

Le projet de loi 32 accorde aux employeurs et aux employés syndiqués une plus grande flexibilité dans la négociation de normes mutuellement acceptables en matière d’heures de travail, d’avis quant aux horaires de travail, de pauses et de jours de repos. Aux termes d’une convention collective, l’employeur et les employés syndiqués peuvent adopter des normes autres que celles prescrites par l’ESC, voire même moins sévères que celles-ci. Cette modification à l’ESC, entièrement nouvelle, entrera en vigueur le 1er novembre 2020.

Pauses

Le projet de loi 32 propose de permettre à l’employeur d’accorder à l’employé une pause payée ou non payée d’au moins 30 minutes pendant ou immédiatement après les 5 premières heures d’un quart de travail. Il oblige en outre l’employeur à accorder une deuxième pause à l’employé s’il effectue un quart de travail de 10 heures ou plus. À l’heure actuelle, les employeurs doivent accorder une pause toutes les 5 heures de travail consécutives sous réserve de certaines exceptions, par exemple lorsqu’un travail urgent est nécessaire ou lorsqu’il est déraisonnable pour un employé de prendre une pause. L’employeur et l’employé pourront toujours convenir de scinder la période de repos en deux pauses de 15 minutes. Cette modification entrera en vigueur le 1er novembre 2020.

Ententes de calcul de la moyenne

À l’heure actuelle, le nombre moyen d’heures peut être calculé sur une période de 1 à 12 semaines aux termes d’ententes de calcul de la moyenne; le projet de loi 32 porte cette période à 52 semaines. De plus, les employeurs pourront toujours demander aux employés de consentir à la mise en œuvre d’une entente de calcul de la moyenne, mais le projet de loi 32 leur permettra de la leur imposer moyennant un préavis écrit de 2 semaines ou la remise de l’entente avant leur entrée en fonction. Auparavant, les employeurs devaient obtenir le consentement exprès de l’employé ou de la majorité des employés visés par l’entente. Cette modification entrera en vigueur le 15 août 2020.

Droit aux vacances

Le projet de loi 32 précise que les droits aux vacances continuent de s’accumuler pendant que l’employé profite d’un congé autorisé prévu par l’ESC, ce qui est actuellement largement admis, quoique de manière tacite. Cette modification entrera en vigueur le 1er novembre 2020.

Période de mise à pied temporaire

Le projet de loi 32 prolonge la période de mise à pied temporaire pour la faire passer de 60 jours dans une période de 120 jours à 90 jours dans une période de 120 jours. Les mises à pied peuvent toutefois durer plus longtemps si l’employeur et l’employé conviennent que l’employeur (i) versera un salaire ou une somme tenant lieu de salaire à l’employé ou (ii) maintiendra les avantages sociaux ou les cotisations de retraite de l’employé; ou encore si une convention collective le prévoit. De plus, le projet de loi 32 supprime l’obligation de donner un préavis des mises à pied aux employés. Malgré ce qui précède, la durée maximale des mises à pied liées à la COVID-19 continuera d’être de 180 jours consécutifs. Cette modification entrera en vigueur le 15 août 2020.

Licenciement collectif

Le projet de loi 32 simplifie les délais de préavis actuellement applicables aux licenciements collectifs en exigeant uniquement que l’employeur donne un préavis de 4 semaines (ou tout autre délai raisonnable dans les circonstances) au ministre lorsqu’il a l’intention de licencier 50 employés ou plus en un même emplacement au cours d’une période de 4 semaines. Les employés et les syndicats n’auront plus droit à un préavis de licenciement collectif (bien que chacun des employés doive toujours recevoir un préavis de licenciement individuel conformément à l’ESC). Cette modification entrera en vigueur le 15 août 2020.

Dérogations et exemptions

Le projet de loi 32 prévoit des règles plus souples pour les employeurs, introduites pour la première fois temporairement dans un règlement daté du 6 avril 2020, leur permettant de demander et d’obtenir plus facilement et rapidement des dérogations ou des exemptions aux normes d’emploi. Cette modification entrera en vigueur le 15 août 2020.

Modifications au LRC

Recours

Le projet de loi 32 restreint le pouvoir de la Labour Relations Board (la Commission) d’accréditer ou de refuser d’accréditer un syndicat comme agent négociateur d’une unité d’employés. La Commission ne pourra ordonner une accréditation que si une pratique interdite donne lieu à un vote de représentation qui ne reflète pas la volonté réelle des employés d’une unité de négociation et si aucun autre recours ne suffit à contrer les effets de cette pratique. Auparavant, et depuis 2017, la Commission pouvait généralement ordonner une accréditation, avec ou sans vote, lorsqu’il était convaincu qu’un employeur n’avait pas respecté le LRC. Dans sa décision intitulée UFCW Local 401 and Widewaters Calgary Hotel Management Company, ULC, 2018 CanLII 33689, la Commission a conclu que le licenciement injustifié, par l’employeur, d’un organisateur syndical pendant une campagne de syndicalisation avait saboté les efforts de syndicalisation et qu’une accréditation réparatoire sans vote était de mise. La décision a toutefois été rendue malgré le peu de preuves démontrant que les employés n’avaient pas pu faire connaître leur volonté réelle dans le cadre d’un vote et malgré le fait que la Commission n’ait pas envisagé d’autres solutions moins drastiques pour résoudre la situation. Cette modification semble donc découler, du moins en partie, de cette décision et entrera en vigueur le 29 juillet 2020.

Cotisations syndicales

Le projet de loi 32 oblige les syndicats à divulguer à leurs membres comment sont réparties leurs cotisations syndicales entre des causes ou des questions sociales générales, des organismes de bienfaisance ou des organisations non gouvernementales, des activités politiques et les activités syndicales essentielles, soit celles directement liées à la négociation collective et à la représentation des membres. De plus, les employés devront choisir de payer ou non les cotisations syndicales liées à des activités syndicales non essentielles, étant entendu que, dans tous les cas, ils seront obligés de payer les cotisations syndicales liées aux activités syndicales essentielles. Il sera toutefois interdit aux employeurs et aux syndicats d’influencer le choix d’un employé. En outre, la Commission sera chargée de trancher toute contestation relative à la divulgation d’un syndicat, que les cotisations se rapportent à une activité particulière ou au choix d’un employé. À l’heure actuelle, les membres doivent verser l’intégralité de leurs cotisations à leur syndicat et on ne leur fournit pas de ventilation des cotisations. Enfin, le projet de loi 32 permet à la Commission de suspendre le paiement des cotisations syndicales pendant une grève illégale et d’exiger le maintien du paiement pendant un lock-out illégal. Cette modification entrera en vigueur par proclamation à une date à déterminer.

Exigences relatives à l’information financière applicables aux syndicats

Le projet de loi 32 exige que les syndicats transmettent les états financiers à leurs membres dès que possible après la fin de chaque exercice. De plus, les membres des syndicats devront suivre un certain processus pour porter plainte et demander réparation si le syndicat ne respecte pas ses obligations. À l’heure actuelle, rien n’oblige les syndicats à faire rapport à leurs membres de leur situation financière. Cette modification entrera en vigueur par proclamation à une date à déterminer.

Examen d’une requête en accréditation ou en révocation

Renouvellement anticipé de conventions collectives

Aux termes du projet de loi 32, les employeurs et les syndicats ne peuvent renouveler une convention collective avant son expiration que si la Commission est convaincue que les employés ont donné leur consentement éclairé à cet effet. Cette modification entrera en vigueur par proclamation à une date à déterminer.

Fardeau de la preuve inversé

Le projet de loi 32 allège le fardeau de la preuve inversé qui oblige les employeurs à démontrer qu’ils n’ont rien fait de mal lorsque diverses pratiques interdites sont alléguées contre eux, limitant ce fardeau aux seuls cas où un employé est licencié ou dégagé de ses obligations. De plus, le projet de loi 32 inverse le fardeau de la preuve pour l’imposer aux syndicats lorsqu’il est allégué qu’ils se sont livrés à une pratique interdite consistant à contraindre, à intimider, à menacer ou à influencer indûment un employé, ou encore à lui faire des promesses, en vue d’encourager ou de décourager l’adhésion au syndicat ou l’activité au sein de celui-ci, y compris le choix de payer les cotisations liées à des activités politiques et à d’autres causes. Cette modification entrera en vigueur par proclamation à une date à déterminer.

Piquetage

Aux termes du projet de loi 32, les piqueteurs ne peuvent pas empêcher une personne de franchir un piquet de grève. De plus, les syndicats devront obtenir une ordonnance de la Commission pour permettre un piquetage secondaire. Cette modification entrera en vigueur par proclamation à une date à déterminer.

Infirmiers praticiens

Aux termes du projet de loi 32, il n’est maintenant plus interdit aux infirmiers praticiens de se syndiquer. Une loi adoptée en 2003 avait d’abord exclu les infirmiers praticiens de l’application du LRC. Dans le passé, l’exclusion des infirmiers praticiens était basée sur le fait qu’ils sont des professionnels hautement qualifiés titulaires de maîtrises ou de doctorats, autorisés à diagnostiquer les maladies, à traiter et à contrôler les maladies aiguës et chroniques et à prescrire des médicaments. Toutefois, en 2019, après que l’ancien gouvernement se soit retiré de procédures judiciaires, la Commission a déterminé que cette exclusion violait le droit des infirmiers praticiens à la liberté d’association en vertu de la Charte des droits et libertés. La Commission a déclaré les dispositions inapplicables et a suspendu sa décision pendant 12 mois afin de permettre au gouvernement de l’Alberta d’évaluer ses options. Cette modification entrera en vigueur par proclamation à une date à déterminer.

Arbitrage de la première convention collective

Le projet de loi 32 modifie les conditions qui doivent être satisfaites pour que la Commission ordonne le règlement de la première convention collective par voie d’arbitrage. À l’heure actuelle, la Commission peut ordonner un tel règlement si ses efforts pour fournir une assistance au titre de l’article 92.2 du LRC sont infructueux et s’il est convaincu que l’arbitrage est par ailleurs approprié. Pour rendre sa décision, la Commission doit déterminer si une position intransigeante a été adoptée par l’une des parties ou les deux, si des pratiques déloyales de travail ont été utilisées ou si l’employeur a refusé de reconnaître le pouvoir de négociation du syndicat. Le projet de loi 32 propose des modifications qui permettraient à la Commission d’ordonner le règlement de la première convention collective par voie d’arbitrage autrement qu’en dernier recours lorsqu’elle est convaincue de ce qui suit :

  • l’arbitrage est nécessaire;
  • l’employeur ou le syndicat ne s’est pas conformé au LRC par (i) un refus de se réunir pour négocier collectivement, (ii) un refus de reconnaître le pouvoir de négociation collective de l’autre partie, ou (iii) le défaut de déployer des efforts raisonnables pour conclure une convention collective;
  • aucun autre recours ne suffirait à contrer les effets du non-respect du LRC.

Cette modification entrera en vigueur le 29 juillet 2020.

Flexibilité pour les syndicats de la construction

Le projet de loi 32 permet aux syndicats industriels de tenter de former des « unités à effectif total » en représentant tous les employés qui travaillent pour un même employeur, quel que soit leur corps de métier. Il s’agit d’un concept entièrement nouveau du LRC. Les syndicats des métiers de la construction continueraient de représenter leurs membres en fonction de leur corps de métier. Cette modification entrera en vigueur par proclamation à une date à déterminer.

Meilleure prévisibilité dans le secteur de la construction

Accords relatifs à des projets et grands projets de construction

Aux termes du projet de loi 32, les projets de construction peuvent être assujettis à des accords relatifs à des projets distincts négociés au cas par cas entre les employeurs et les Building Trades of Alberta. Ces accords relatifs à des projets excluraient l’application de toute autre convention collective entre un employeur et un syndicat et seraient à durée déterminée (probablement la durée du projet en cause). Les syndicats enregistrés pourraient signer un accord relatif à un projet pour participer au projet, sans toutefois participer à la négociation de cet accord. Toute grève ou tout lock-out en rapport avec un accord relatif à un projet serait interdit. De plus, le projet de loi 32 simplifie le processus de négociation des conventions collectives relatives à de grands projets de construction désignés, en permettant au maître d’œuvre d’amorcer la négociation de multiples accords avec différents « syndicats ouvriers de projet » (l’expression project trade unions désignant généralement un syndicat ouvrier qui est l’agent négociateur d’employés qui sont employés dans le projet désigné ou qui sont susceptibles de l’être). Les parties qui ne parviennent pas à conclure un accord pourraient devoir recourir à l’arbitrage. Cette modification entrera en vigueur le 29 juillet 2020.

Employeurs, retenez ceci

À bien des égards, les employeurs peuvent se réjouir de l’adoption du projet de loi 32. Les modifications à l’ESC simplifieront les processus de paie, réduiront les charges administratives et donneront une plus grande latitude en ce qui a trait aux ententes de travail avec les employés et aux réductions d’effectifs. Par ailleurs, de nombreuses modifications au LRC sont ambitieuses, non seulement parce qu’elles annulent ou limitent de nombreux changements pro-syndicat effectués par l’ancien gouvernement en 2017, mais aussi parce qu’elles remanient fondamentalement les règles du jeu en faveur des employeurs et des employés individuels tout en opposant des obstacles supplémentaires aux syndicats.

Nous continuerons de suivre l’évolution de la situation et nous fournirons des mises à jour en temps opportun.

Originally published 31 July, 2020

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