La décision Banque de Montréal c. Li confirme qu’une renonciation n’empêche pas un employé de déposer une plainte de congédiement injuste en vertu du Code canadien du travail.

Dans l’affaire Banque de Montréal c. Li (« Banque de Montréal »), la Cour fédérale du Canada a récemment confirmé la décision d’un arbitre selon laquelle une entente de règlement et renonciation signée par un employé n’empêche pas ce dernier de déposer une plainte de congédiement injuste en vertu de l’article 240 du Code canadien du travail (le « Code »). Même si l’entente de règlement et renonciation stipulait qu’en échange de la contrepartie de 27 154 $, l’employée libérait l’employeur des actions, réclamations, dédommagements et procédures quels qu’ils soient, la Cour a confirmé sa décision dans Banque nationale du Canada c. Canada (Travail) (« Banque Nationale »), selon laquelle pareille entente ne protège pas l’employeur contre les plaintes de congédiement injuste, mais peut avoir une incidence sur la réparation accordée à l’employé si l’arbitre conclut que l’employé a été congédié injustement.

En vertu de la section XIV du Code, des protections similaires à celles offertes en milieu de travail syndiqué sont offertes à certains employés du fédéral qui n’exercent pas de fonctions de direction. Plus précisément, dans Wilson c. Énergie Atomique du Canada Ltée, le Code a été interprété de manière à procurer aux employés des protections qui limitent la capacité de l’employeur de les congédier sans motif. Afin de contourner cette limite, les employeurs concluent fréquemment des ententes de règlement avec les employés qu’ils congédient sans motif et obtiennent des renonciations de leur part.

Dans l’affaire Banque Nationale, la Cour a statué qu’une entente de règlement et renonciation n’empêchait pas l’employé de demander réparation pour congédiement injuste en vertu du Code. Même si certains arbitres ont ignoré cette décision ou refusé de la suivre, dans l’affaire Banque de Montréal, la Cour fédérale a confirmé la décision Banque Nationale et critiqué ceux qui ne l’ont pas suivie. 

Dans l’affaire Banque Nationale, l’employeur a demandé le contrôle judiciaire d’une décision prise par le ministre de désigner un arbitre en vertu du paragraphe 242(1) du Code pour entendre la plainte de congédiement injuste, même si l’employée avait signé une entente de règlement et renonciation. Aux termes du règlement, l’employée devait obtenir 33 048 $, auxquels s’ajoutaient des services de consultation « en matière de réinstallation », en contrepartie desquels elle renonçait à déposer toute demande ou réclamation à l’égard de l’employeur et à son droit d’intenter une action contre lui, y compris tout recours qu’elle pouvait exercer aux termes du Code.

La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 168(1) du Code selon lequel la partie III du Code (qui contient les dispositions sur le congédiement injuste) l’emporte sur les règles de droit, usages, contrats ou arrangements incompatibles, sauf si les droits ou avantages attribués à l’employé sous leur régime sont plus favorables que ceux attribués sous le régime de la partie III du Code.

La Cour n’a pas été convaincue par l’argument de politique avancé par l’employeur d’après lequel, si les ententes et renonciations n’étaient pas contraignantes, les employés et les employeurs seraient peu enclins à conclure des règlements à l’amiable. La Cour est « conscient[e] de ce que cela implique d’un point de vue politique » mais s’est déclarée liée par la volonté du législateur (c.-à-d. par le paragraphe 168(1)).

Toutefois, la Cour a fait observer que l’arbitre doit tenir compte de l’entente de règlement pour établir le montant du dédommagement auquel l’employé a droit pour congédiement injuste. Par conséquent, si l’arbitre établit que l’employé a droit à une compensation financière égale ou inférieure à celle qu’il a déjà obtenue en application de l’entente de règlement, il est probable qu’aucune compensation financière ne sera accordée. Toutefois, si la somme obtenue en application de l’entente de règlement est inférieure à celle que l’arbitre aurait attribuée, il sera ordonné à l’employeur de payer la différence. 

La Cour a également fait observer que le pouvoir de désigner un arbitre conféré au ministre par le paragraphe 242(1) est discrétionnaire. Par conséquent, le ministre pourrait décider de ne pas nommer un arbitre si l’employeur et l’employé sont déjà parvenus à un règlement. La Cour a laissé entendre que le ministre pourrait décider de ne pas désigner d’arbitre pour l’un des motifs de rejet d’une plainte par la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») prévus par l’article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la plainte n’est pas justifiée ou est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi) ainsi que pour d’autres raisons puisque le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre est même plus important que celui de la Commission.

Banque de Montréal c. Li

Dans l’affaire Banque de Montréal, l’employeur sollicitait le contrôle judiciaire d’une décision rendue par une arbitre à propos de sa compétence pour entendre la plainte de congédiement injuste déposée en vertu de l’article 240 du Code. La contestation a été faite au motif que l’employée avait préalablement signé une entente de règlement et renonciation. Aux termes du règlement, l’employée devait obtenir un paiement forfaitaire de 24 546 $ et un versement de salaire de 2 608 $ en échange de la renonciation aux réclamations suivante :

En échange de la contrepartie indiquée aux paragraphes 2 et 3, par les présentes, l’employée libère et dégage, de façon définitive, la BMO, ses filiales, sociétés affiliées et successeurs, ainsi que ses dirigeants, administrateurs, employés et mandataires, de la responsabilité relative à toute action, cause d’action, réclamation, demande et procédure en dommages‑intérêts, à tous dédommagements, frais engagés et indemnités, et à tout autre recours dont l’employé ou ses héritiers, administrateurs ou ayants droit peuvent se prévaloir à présent ou à l’avenir, découlant de l’emploi de l’employée ou de la cessation d’emploi.

La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire et confirmé sa décision antérieure dans Banque Nationale. Ainsi, elle a réitéré que l’employé ne perd pas son droit à la réparation prévu par le Code par suite d’une entente de renonciation à faire valoir ses réclamations.

La Cour a également fait observer qu’aucune considération de politique générale ne permet de s’écarter de la décision Banque Nationale. Malgré l’argument selon lequel les employeurs régis par le fédéral seront enclins à n’offrir que l’indemnité de départ minimale prévue par le Code, à tout le moins au cours de la période de 90 jours où l’employé peut déposer une plainte de congédiement injuste, la Cour a rejeté les arguments de politique générale de l’employeur et a simplement réitéré le raisonnement adopté dans la décision Banque Nationale à propos de ces considérations.

Principales conclusions

La décision Banque de Montréal précise qu’une entente de règlement et renonciation n’empêche pas l’employé de déposer une plainte de congédiement injuste. Les employeurs doivent envisager des stratégies de rechange afin de limiter ce risque. Comme il a été exposé dans la décision Banque de Montréal, l’une des stratégies qui peuvent permettre aux employeurs d’éviter les plaintes de congédiement injuste consiste à offrir seulement l’indemnité de départ minimale prévue par le Code et un dédommagement supplémentaire à la fin du délai de prescription de 90 jours, si aucune plainte de congédiement injuste n’a été déposée. Il faut donner les détails du programme d’indemnité de départ offert à l’employé congédié et lui préciser que ce programme ne peut être accepté ou signé avant l’écoulement du délai de 90 jours.

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