La pandémie de COVID-19 a soulevé une myriade de nouvelles questions et fait peser de nouveaux risques sur les organisations. L'une d'entre elles consiste à déterminer dans quelle mesure la responsabilité des administrateurs et des dirigeants (les « administrateurs et dirigeants ») peut être mise en cause si un travailleur, un client ou un tiers est infecté par la COVID-19 à la suite d'une exposition sur le lieu de travail.

La responsabilité des administrateurs et dirigeants peut être fondée sur le droit de la négligence. Une réclamation civile pour négligence doit établir (i) qu'un devoir de diligence existe, (ii) qu'il y a eu violation de ce devoir, (iii) que la violation a causé certains dommages et la survenance de ces dommages était prévisible et (iv) que les dommages ont été subis. Le droit de la négligence en cas de pandémie a été éprouvé lors de la pandémie de SRAS. Dans l'affaire Abarquez v. Ontario1, cinquante-trois infirmières et leur famille ont intenté un recours collectif contre des organismes gouvernementaux et des fonctionnaires, alléguant un manquement à un devoir légal de diligence envers ces infirmières. Dans cette affaire, la Cour d'appel a statué que la preuve d'un lien entre les défendeurs et les parties concernées était requise afin de justifier une poursuite civile pour cause de maladie infectieuse contractée sur le lieu de travail.

Il est possible que les poursuites civiles intentées par les travailleurs contre leur employeur ainsi que leurs administrateurs et dirigeants relèvent de la législation en matière d'indemnisation des accidents du travail qui couvre de nombreux travailleurs au Canada. Les lois en matière d'indemnisation des accidents du travail interdisent certaines poursuites civiles contre les employeurs participants ainsi que leurs administrateurs et dirigeants. En Ontario, par exemple, la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l'assurance contre les accidents du travail prévoit un système d'indemnisation sans égard à la faute qui couvre les travailleurs blessés dans des accidents de travail ou atteints d'une maladie professionnelle. Lorsque la législation en matière d'indemnisation des accidents du travail s'applique, il est possible qu'un travailleur n'ait pas le droit de poursuivre son employeur ou ses administrateurs et dirigeants pour avoir contracté la COVID‑19 sur son lieu de travail.

Certaines provinces canadiennes ont également adopté une législation limitant la responsabilité civile en cas d'infection ou d'exposition à la COVID-19. Par exemple, en Ontario, la Loi de 2020 visant à soutenir la relance en Ontario a expressément interdit les poursuites civiles contre toute personne en raison d'une infection ou d'une exposition réelle ou potentielle à la COVID-19 après le 17 mars 2020. Cette mesure est assujettie à la condition que la personne ait agi ou fait un effort de bonne foi pour agir conformément aux directives de santé publique et aux lois fédérales, provinciales ou municipales relatives à la COVID-19. Elle est également assujettie à la condition que la personne n'ait pas fait preuve de négligence grave. Il est donc essentiel que les employeurs ainsi que les administrateurs et dirigeants agissent de bonne foi pour assurer leur protection en la matière.

Même si le risque de responsabilité civile est limité, il existe une possibilité de responsabilité réglementaire ou criminelle. Au Canada, les lois sur la santé et la sécurité au travail (« SST ») prévoient des responsabilités juridiques spécifiques et personnelles à l'égard des administrateurs et dirigeants. Par exemple, en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de l'Ontario, chaque administrateur et chaque dirigeant d'une entreprise doit prendre toutes les précautions raisonnables pour s'assurer que l'entreprise respecte la législation et ses règlements. En cas d'exposition ou d'infection à la COVID-19 sur le lieu de travail contraire à cette obligation, les administrateurs et dirigeants pourraient être poursuivis et, s'ils étaient reconnus coupables, ils pourraient se voir infliger une amende allant jusqu'à 100 000 dollars, une peine de prison de 12 mois, ou les deux.

En vertu du Code criminel, « il incombe à quiconque dirige l'accomplissement d'un travail ou l'exécution d'une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu'il n'en résulte de blessure corporelle pour autrui ». Cette obligation est suffisamment large pour s'appliquer aux administrateurs et dirigeants. La police est habilitée à enquêter si une exposition ou une infection à la COVID-19 sur le lieu de travail est contraire à cette obligation, et à porter des accusations dans les cas qui s'y prêtent. En fait, plusieurs enquêtes policières liées à la COVID-19 se sont déroulées sur des lieux de travail en Alberta, au Québec et en Ontario, comme cela a été reconnu publiquement. Si les administrateurs et dirigeants étaient reconnus coupables de négligence criminelle ayant causé la mort d'une personne en raison d'une exposition à la COVID-19 sur le lieu de travail, ils pourraient être condamnés à la prison à vie.

Pour atténuer ces risques, les organisations ainsi que leurs administrateurs et dirigeants devraient s'assurer qu'ils connaissent et appliquent toutes les directives de santé publique, ainsi que les lois fédérales, provinciales ou municipales relatives à la COVID-19. Il s'agit notamment de prendre toutes les précautions raisonnables nécessaires pour se protéger contre tout danger de la COVID-19 lié à l'exploitation, à la fermeture et/ou à la réouverture du lieu de travail. Les organisations devraient également s'assurer de disposer d'une assurance et d'indemnités appropriées à l'égard des administrateurs et des dirigeants.

Footnote

1. Abarquez v. Ontario, 2009 ONCA 374

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