Dans un marché aussi compétitif, l'ensemble des employeurs canadiens gagnent à prévoir des clauses restrictives (comme des clauses de non-concurrence ou de non-sollicitation) aux contrats d'emploi de leurs employés-clés afin de protéger leurs intérêts légitimes. La rédaction de telles clauses doit être effectuée avec minutie pour que ces dernières soient jugées comme raisonnables et valides advenant un litige à cet égard. En effet, les tribunaux sont de plus en plus sévères avant d'émettre des ordonnances privant des individus de gagner leur vie.

Dans une récente affaire, la Cour supérieure du Québec a rejeté une demande d'injonction provisoire d'une entreprise à l'égard de son ex-employé et de son nouvel employeur.

Les faits

La Demanderesse est une entreprise offrant des services informatiques et son ex-employé occupait auparavant le poste de « Senior Account Manager ». L' ex-employé n'avait pas signé d'entente de non-concurrence ou de non-sollicitation. Selon la Demanderesse, l'ex-employé avait accès aux informations confidentielles des clients et à la liste de prix de ses fournisseurs. La Demanderesse a demandé à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant à l'ex-employé et son nouvel employeur de cesser d'utiliser des renseignements confidentiels et de solliciter ses clients. 

L'analyse de la Cour supérieure

À la lumière des faits précités, la Cour a réitéré que la demande d'injonction est un remède discrétionnaire qui ne peut être accueillie que pour éviter un mal évident, imminent et irréparable. La Demanderesse devait donc notamment prouver a) le caractère confidentiel des informations prétendument utilisées par son ex-employé; et b) l'utilisation de celles-ci.  

La Cour a aussi rappelé qu'un client n'est pas la propriété de qui que ce soit, incluant la personne ou l'entreprise dont il utilise les services. Conséquemment, par respect pour le principe de la libre concurrence, et surtout, en l'absence d'une clause de non-sollicitation, de preuve de mauvaise foi ou d'utilisation de procédés déloyaux, un ex-employeur ne peut généralement empêcher un ancien employé de joindre les clients qu'il connaît afin de leur offrir ses services ou de les inviter à le faire.

La Cour a par ailleurs indiqué que le fait pour l'ex-employé d'avoir fourni ses nouvelles coordonnées à d'anciens contacts ne dépasse pas le cadre de la liberté de concurrence dans la présente affaire. Ainsi, à défaut pour la Demanderesse d'avoir réussi à établir l'existence d'un préjudice sérieux ou irréparable, la prépondérance des inconvénients favorisait les défendeurs, soit l'ex-employé et son nouvel employeur.

Commentaires et bonnes pratiques

Une décision différente aurait pu être prise par la Cour si l'employé avait volé des listes confidentielles de clients, était un employé fiduciaire de son ancien employeur ou avait été assujetti à des clauses restrictives dans un contrat d'emploi ou commercial. En l'absence de ces faits, la liberté de concurrence prévalait en l'espèce. Le simple fait de fournir ses nouvelles coordonnées professionnelles à d'anciens contacts ne dépasse pas le cadre de la liberté de concurrence. 

Afin de protéger ses intérêt légitime, les employeur devraient procéder à une analyse des fonctions qu'occupe sa main d'œuvre afin de déterminer lesquels de ses employés devraient être assujettis à de telles clauses de non-concurrence et de non-sollicitation pendant la durée de l'emploi ainsi que post-emploi afin de protéger ses intérêts légitimes. Cet exercice peut s'avérer fort pertinent dans le but de prévenir les risques associés aux employés-clés qui quittent pour un concurrent direct. Ceci est d'autant plus vrai qu'un employeur doit se protéger contre les effets de la volatilité du personnel et les répercussions que cela peut avoir sur ses activités, surtout dans un marché où les mouvements de main d'œuvre sont assez fréquents.

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