Le gouvernement de l'Ontario a annoncé des modifications importantes à la Loi sur les recours collectifs de l'Ontario dans le cadre de son projet de loi omnibus 161, la Loi de 2019 pour un système judiciaire plus efficace et plus solide. Les modifications proposées comprennent des critères de certification plus rigoureux, une meilleure coordination des recours collectifs multiterritoriaux et d'autres réformes procédurales importantes. Les modifications proposées devraient entrer en vigueur en 2020.

Introduction

Les modifications apportées par le projet de loi 161 à la Loi de 1992 sur les recours collectifs (LRC) de l'Ontario reflètent les recommandations exposées par la Commission du droit de l'Ontario (CDO) dans son rapport de juillet 2019 intitulé « Le recours collectif : Objectifs, constats, réformes » , qui a suivi une étude approfondie de deux ans sur les recours collectifs en Ontario.

Les principales modifications proposées sont notamment l'adoption de ce qui suit :

  • Disposition de rejet obligatoire pour cause de retard applicable aux instances inactives;
  • Dispositions de coordination des recours collectifs multiterritoriaux;
  • Modification du volet du critère de certification appelé « meilleur moyen » (preferable procedure);
  • Diverses modifications procédurales aux voies d'appel, aux motions en conduite d'instance et à l'homologation des transactions.

La LRC a généré sa part de jurisprudence depuis son entrée en vigueur en 1993, mais les modifications contenues dans le projet de loi 161 représentent le premier changement législatif majeur depuis son entrée en vigueur. Les nouvelles dispositions s'appliqueront seulement aux instances formées après l'entrée en vigueur des modifications, à une exception près : le nouveau délai de prescription d'un an applicable au rejet obligatoire pour cause de retard (voir ci-après) courra à l'égard des instances en cours, mais seulement à compter du jour où les modifications entrent en vigueur.

Les principales dispositions du projet de loi sont examinées ci-après.

Rejet pour cause de retard

Les instances qui sont commencées et demeurent par la suite inactives – souvent pendant des années – sont depuis longtemps un problème pour les membres du Barreau de l'Ontario qui exercent le droit des recours collectifs. L'une des plus importantes modifications du projet de loi 161 traite le problème au moyen d'une disposition de rejet obligatoire applicable aux instances inactives.

La nouvelle disposition oblige le tribunal à rejeter un recours collectif sur présentation d'une motion, sauf si au moins l'une des mesures suivantes a été prise dans l'année de son commencement :

  • Le représentant des demandeurs a déposé un dossier de motion définitif et complet dans le cadre de la motion en certification;
  • Les parties ont consenti par écrit à un calendrier de signification du dossier de motion du représentant des demandeurs ou à la prise d'une ou de plusieurs autres mesures nécessaires au déroulement de l'instance et ont déposé le calendrier au tribunal;
  • Le tribunal a délivré une ordonnance voulant que l'instance ne soit pas rejetée et a établi un calendrier de signification du dossier de motion visant la certification du représentant des demandeurs ou la prise d'une ou de plusieurs autres mesures nécessaires au déroulement de l'instance;
  • Les autres mesures, événements ou circonstances précisés par règlement.

Instances multiterritoriales

Le projet de loi 161 introduit des dispositions de coordination des recours collectifs multiterritoriaux, qui se définissent comme des instances qui sont formées au nom de résidents d'au moins deux provinces ou territoires et qui concernent le même objet ou un objet similaire.

Si un recours collectif envisagé est intenté au nom d'un groupe multiterritorial hors de l'Ontario, que le recours concerne le même objet ou un objet similaire et qu'une partie (ou la totalité) des membres du groupe visé sont les mêmes que ceux en cause dans une instance de l'Ontario, le projet de loi 161 oblige le tribunal à décider s'il serait préférable de régler une partie (ou la totalité) des demandes des membres du groupe de l'instance de l'Ontario dans l'autre territoire. Les modifications proposées comprennent une longue liste de facteurs que le tribunal doit examiner pour prendre sa décision.

Contrairement à d'autres provinces canadiennes dont la législation sur les recours collectifs comprend des dispositions similaires sur les recours collectifs multiterritoriaux, le projet de loi 161 prévoit que les parties peuvent demander une suspension de l'instance en Ontario avant l'audition de la motion en certification. Le tribunal peut également refuser de certifier le recours collectif multiterritorial envisagé qui, selon lui, devrait plutôt être instruit dans un autre territoire.

Ces réformes font suite à certains changements de pratiques judiciaires établies dans la Directive de pratique provinciale de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, qui avait été modifiée en vue de l'adoption du Protocole judiciaire canadien de gestion des actions collectives multijuridictionnelles et de production des avis d'action collective, dans sa version revisée en 2018.

Le critère de certification et le « meilleur moyen »

L'introduction du paragraphe 5(1.1) constitue une autre modification clé :

5 (1.1) Le recours collectif n'est le meilleur moyen de régler les questions communes en vertu de l'alinéa (1) d) que si, au minimum, les conditions suivantes sont réunies :

(a) ce moyen est supérieur à tous les autres moyens raisonnablement disponibles pour établir le droit des membres du groupe à une mesure de redressement ou examiner la conduite reprochée au défendeur, notamment, selon le cas, une procédure quasi judiciaire ou administrative, la gestion des causes pour les demandes individuelles dans une instance civile ou un mécanisme ou programme de réparation hors du cadre d'une instance;

(b) les questions de fait ou de droit communes aux membres du groupe l'emportent sur les questions qui touchent uniquement les membres du groupe pris individuellement.

Cette modification ajoute des éléments au volet du critère de certification appelé « meilleur moyen », ce qui le rend plus exigeant pour le demandeur. Non seulement le tribunal doit être convaincu que le recours collectif est le meilleur moyen de régler les questions communes, mais aussi qu'un tel moyen est « supérieur » en vue d'établir le droit des membres du groupe à une mesure de redressement ou d'examiner la conduite reprochée au défendeur. L'ajout de la règle de la prépondérance à l'alinéa 5 (1.1) b) est également important.

Ces modifications sont similaires aux règles de supériorité et de prépondérance qui s'appliquent généralement aux États-Unis et visent à introduire un critère de certification plus rigoureux en Ontario.

Modifications procédurales

Le projet de loi 161 introduit également plusieurs modifications notables à la LRC, notamment :

  • L'appel auprès de la Cour d'appel, qui permet à une partie d'interjeter appel directement auprès de la Cour d'appel d'une ordonnance certifiant, refusant de certifier ou révoquant la certification d'une instance comme recours collectif. Cette réforme met fin au statu quo asymétrique selon lequel les demandeurs avaient un droit d'appel automatique, tandis que les défendeurs devaient demander une autorisation d'appel; elle met également fin à la compétence intermédiaire de la Cour divisionnaire relativement à ces appels.
  • La motion en conduite d'instance, lorsque des demandes similaires sont déposées par de nombreux conseillers juridiques dans la province, une motion visant à établir l'identité du conseiller juridique qui « conduit » l'instance doit être présentée dans les 60 jours après l'introduction de la première instance et la décision du tribunal est définitive et sans appel. En Ontario, la formation de recours collectifs semblables plus de 60 jours après que la première instance a été introduite sera interdite. Il est interdit au conseiller juridique du groupe de tenter de recouvrer les dépens liés à la motion en conduite d'instance auprès du groupe ou des défendeurs.
  • Les accords de financement par un tiers, qui ne sont pas actuellement abordés dans la LRC, vont être autorisés. Ces accords seront assujettis à l'approbation du tribunal (et ne seront pas exécutoires faute d'approbation). La motion d'approbation, sur avis donné aux défendeurs, doit être présentée « dès que matériellement possible » après la conclusion de l'accord et une copie de l'accord doit être fournie aux défendeurs. Les renseignements qui peuvent être raisonnablement considérés comme procurant un avantage tactique au défendeur peuvent être caviardés, et ce, même si le juge de la motion doit obtenir une copie de la version intégrale et sans caviardage de l'accord de financement par un tiers, laquelle ne fait pas partie du dossier du greffe.
  • L'homologation d'une transaction, qui oblige la partie qui demande l'homologation à divulguer tous les faits importants et à déposer un affidavit exposant en détail la méthode utilisée pour évaluer la transaction, le plan de répartition et de distribution des fonds de transaction et les éléments de preuve expliquant en quoi la transaction est juste et dans l'intérêt véritable du groupe (entre autres).
  • Le règlement précoce, par lequel le tribunal a le mandat de trancher les motions « dispositives » (dispositive motions) et les motions qui peuvent limiter les questions en litige à décider avant la motion en certification (sauf si le tribunal ordonne l'audition simultanée de la motion en cause et de la motion en certification).
  • Les coûts de l'avis de certification seront pris en charge par le demandeur, qui pourra en obtenir le remboursement auprès des défendeurs seulement à la conclusion de l'instance et s'il a gain de cause.

À venir

Le projet de loi 161 a été adopté en première lecture le 9 décembre 2019, mais le processus d'examen législatif se poursuivra jusqu'à sa sanction et la promulgation de la loi. Comme il s'agit d'un projet de loi qui émane du gouvernement, il sera très probablement adopté, même s'il devra peut-être subir des modifications avant sa promulgation.

Les auteurs souhaitent remercier Muzhgan Wahaj pour sa contribution à ce billet.

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