John Nicholl, Heather Gray et Eric van Eyken présentent des conclusions finales par vidéoconférence dans le cadre d'un arbitrage international devant les membres du tribunal et la sténographe judiciaire.

Les adeptes de l'arbitrage international comme moyen de règlement des différends soulignent souvent les mêmes avantages bien connus : rapidité, proportionnalité, flexibilité, pragmatisme et concentration sur les affaires. Mais qu'advient-il de ces avantages lorsqu'une audience en personne devient impossible en raison de la pandémie de COVID-19?

L'audience d'arbitrage virtuelle du 25 mars dernier, qui s'est étalée sur 10 heures et qui a demandé la présence de 12 participants actifs et d'environ 30 observateurs en Europe, au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada, a été couronnée de succès. Cela laisse donc entendre que le spectacle peut continuer malgré la pandémie de coronavirus, à condition que le conseil d'arbitrage et les parties soient prêts à demeurer flexibles et pragmatiques en ce qui concerne les questions pratiques et les contraintes techniques.

À la suite de ce marathon de communication préalable comprenant 43 dépositions dans de nombreux endroits différents, certaines par vidéoconférence, notre audience d'arbitrage multipartite en réassurance a été entendue par un conseil de trois personnes à Edmonton en janvier 2020, près d'un an jour pour jour après l'audience procédurale initiale. Les parties devaient se réunir de nouveau devant le conseil à Toronto pour une journée de présentation de conclusions finales à la fin mars 2020.

Puisque la pandémie de coronavirus s'est rapidement propagée à l'échelle mondiale et a contraint les pays à fermer leurs frontières et leurs aéroports, le défi était de trouver des conditions d'audience virtuelle qui respecteraient le calendrier d'arbitrage et s'adapteraient à l'incapacité des participants à quitter leur domicile, et ce, tout en respectant toujours la règle la plus fondamentale du système adversatif – audi alteram partem – qui sous-tend à la fois la Loi type (article 18) et la Convention de New York (alinéa V (1)(b)).

Heureusement, le conseil d'arbitrage, les parties et la sténographe judiciaire avaient souvent collaboré et étaient suffisamment engagés dans le processus pour que les dispositions relatives à l'audience puissent être prises rapidement de concert. La plateforme BlueJeans a été choisie et, bien qu'il y ait eu quelques petits problèmes techniques, l'audience (y compris la mise en place) s'est conclue après environ 10 heures. Le conseil d'arbitrage, la sténographe judiciaire, les avocats, les clients et les observateurs y ont participé depuis leur domicile.

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Quelques points à retenir et réflexions pouvant servir à d'autres personnes qui pourraient se trouver dans la même situation :

  1. Sachez que ce processus peut sembler étrange : Pour les avocats habitués aux salles d'audience ou d'arbitrage plus traditionnelles, parler depuis leur bureau à domicile ou leur salon à des membres du conseil qui se trouvent eux aussi dans leur bureau à domicile ou dans leur salon peut être désorientant et nécessiter une certaine acclimatation. Dans le cadre de notre arbitrage, le conseil et les avocats avaient heureusement adopté un style moins protocolaire, ce qui a facilité la transition vers le virtuel.
  2. Parlez le plus tôt possible et souvent : Au cours de notre arbitrage, le conseil, les avocats et la sténographe judiciaire avaient déjà établi des canaux de communication avec des « personnes-ressources » désignées pour les questions d'échéance et techniques. Cela a permis d'envisager rapidement et efficacement d'autres plans pour l'audience, une fois qu'il était devenu évident qu'une audience en personne ne serait pas possible et que des décisions devraient être prises sans avoir à réunir tous les intervenants dans une conférence téléphonique.
  3. Faites confiance à la magie de la technologie : La technologie de conférence a fait beaucoup de progrès, mais ce n'est pas donné à tout le monde de bien la comprendre. Tant que les personnes-ressources techniques et leur soutien informatique la comprennent, tout va pour le mieux. Un modérateur technique ou un animateur peut vous aider, et les avocats pourraient avoir besoin de leur propre assistance technique pour présenter des PowerPoint et d'autres documents audiovisuels. Les personnes-ressources techniques doivent parler aux experts et aux fournisseurs informatiques pour déterminer conjointement quel logiciel sera sélectionné. À cet égard, il faut se poser des questions sur la manière dont chaque utilisateur en fera usage. Cela peut constituer un défi, car la plupart des participants accéderont au logiciel à partir de la maison sans assistance technique et sur des ordinateurs aux capacités et mesures de sécurité variées.
  4. Testez, testez et retestez : Testez le logiciel, puis relancez le test en élargissant progressivement le cercle de participants pour y inclure d'abord l'équipe de base, puis les autres avocats et clients, et enfin tous ceux qui seront présents à l'arbitrage (y compris les sténographes judiciaires et les autres fournisseurs). Dans cette optique, il est essentiel de faire preuve de patience et de rappeler aux gens que le but du test est de cibler et de résoudre les problèmes potentiels. Les avocats n'ont pas l'habitude de présenter des travaux inachevés à des arbitres ou à des clients, même dans un environnement de test. Cependant, le but des tests est de s'assurer que tout le monde peut accéder correctement au logiciel choisi, de résoudre les problèmes techniques éventuels et de familiariser tous les intervenants avec le logiciel, en particulier avec le bouton de sourdine! Lors d'un test, les personnes-ressources doivent adopter un ton humoristique et engageant, puisque chacun apprend comment fonctionne le logiciel.
  5. Soyez préparés : Il est important de réessayer le logiciel à la suite d'un test. Celui-ci doit fonctionner pour tout le monde. Un suivi sera-t-il nécessaire avec l'équipe informatique du client pour permettre l'installation? Un utilisateur souhaite-t-il faire un test en privé? Les avocats pensent trop souvent que faire des ajustements revient à admettre qu'une erreur a été commise. Ce n'est pas le but des tests : ceux-ci servent plutôt à assurer que l'audience se déroule sans interruption.
  6. Planifiez la journée complète : Tenez compte non seulement de l'audience virtuelle elle-même, mais aussi du reste de la journée. Quand pourra-t-on se connecter ce matin-là? Comment se dérouleront les séances en petits groupes? De quelle façon le conseil délibérera-t-il? Comment les co-avocats et les clients donneront-ils leur avis? Que se passera-t-il pendant le dîner et les pauses?
  7. Pensez aux avocats principaux : Les avocats qui plaident doivent pouvoir à la fois voir le conseil d'arbitrage, dialoguer avec lui et contrôler toute présentation ou pièce présentée. Auront-ils besoin d'un deuxième écran ou appareil (par exemple, un deuxième iPad)? Qu'en est-il de leur arrière-plan et de leur environnement? Et l'art mural derrière eux? Demandez-leur de réfléchir aux ajustements à apporter à leur espace pour qu'ils se sentent à l'aise et professionnels lorsqu'ils présentent une plaidoirie dans leur nouvel environnement.
  8. Acceptez les imperfections : Comme on l'a indiqué ci-dessus, on dévoile une certaine partie de son intimité lorsqu'on présente une plaidoirie par vidéoconférence depuis son domicile. Il y aura donc probablement quelques petits accrocs, que ce soit des bruits extérieurs, des cris d'enfants, des animaux qui réclament de la nourriture ou une déconnexion Internet. Ce qui est important, c'est que tous les participants s'attendent à ce que cela se produise. Nos tests préalables à l'audience sont donc importants pour établir les attentes.
  9. Ayez un plan C : Ayez un plan de rechange prêt à mettre en Suvre. Par exemple, assurez-vous que la vidéoconférence est enregistrée si jamais le sténographe judiciaire se déconnecte soudainement, donnez un numéro de téléphone d'urgence au cas où un participant n'arriverait pas à se connecter ou établissez des dates d'audience de rechange.
  10. Assurez-vous d'avoir un sténographe judiciaire compétent : Notre sténographe judiciaire, Angela Gunn, était l'héroïne du jour. Transcrire une audience virtuelle d'une journée mettant en jeu 12 participants et un flux en direct en temps réel nécessite de l'expérience, de la discipline, de l'endurance et la capacité de composer avec des problèmes sans perdre sa concentration. Trouvez quelqu'un qui l'a déjà fait auparavant, si possible. Pour notre arbitrage, travailler avec Angela et ses collègues depuis le début nous a grandement aidés, puisqu'elle savait déjà qui était qui et connaissait les voix et les styles des participants.

Conclusion : S'il existe une véritable volonté commune de tenir une audience virtuelle, il est possible de le faire sans porter atteinte aux intérêts du client, tout en maintenant les prérogatives du conseil d'arbitrage et le droit de chaque partie à une audience équitable. Ce n'est pas exactement la même chose qu'une audience en personne, mais ce n'est ni mieux ni pire (mis à part les aboiements et l'art mural parfois douteux). C'est tout simplement différent. Cela demande donc un peu plus de réflexion et de préparation avant la première séance.

Originally published 8 April, 2020

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