Vue d'ensemble

Dans le contexte des préoccupations croissantes visant la vulnérabilité des enfants à l'égard de la publicité concernant les aliments et les boissons à teneur élevée en sucres, sel et matières grasses, et des effets potentiellement néfastes de cette dernière sur eux, les législateurs et l'industrie ont établi des paramètres pour encadrer cette pratique. Deux nouveaux projets présentant un intérêt particulier et visant à atténuer ces risques auront des conséquences importantes pour les marques, mais aussi pour les détaillants et les annonceurs:

En premier lieu, à compter du 28 juin, l'organisme national d'autoréglementation de la publicité au Canada, les Normes de la publicité, commencera à appliquer le Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants (le « Code des Normes de la publicité »). Le Code des Normes de la publicité, de pair avec son document connexe, le Guide d'application du Code des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants (le « Guide »), établit une norme industrielle nationale pour la publicité visant les aliments et les boissons et destinée aux enfants. En général, il établit que seuls les aliments et les boissons qui répondent à des critères nutritionnels précis peuvent être annoncés en ciblant essentiellement les personnes âgées de moins de 13 ans.

D'autre part, le 25 avril, Santé Canada a publié une mise à jour de la politique sur la restriction de la publicité alimentaire destinée principalement aux enfants (la « politique de Santé Canada ») annonçant sa proposition de modification du Règlement sur les aliments et drogues afin de limiter la publicité destinée aux personnes âgées de moins de 13 ans et visant les aliments contribuant à une consommation excessive de sucres, sel et gras saturés. Cela fait suite à la présentation du projet de loi C-252 à la Chambre des communes visant à interdire les annonces publicitaires sur les « aliments et boissons contribuant aux excès de sucres, sel et gras saturés dans le régime alimentaire des enfants de manière que la publicité soit principalement destinée aux personnes âgées de moins de treize ans ».

Les deux projets poursuivent le même objectif : interdire la publicité de produits alimentaires ciblant les enfants qui ne répondent pas aux critères nutritionnels prescrits. Cependant, comme cela est expliqué plus loin, il existe certaines différences entre les approches que les annonceurs canadiens devraient connaître.

  1. Code des Normes de la publicité visant les pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants

a) Étendue des interdictions

Le Code des Normes de la publicité repose sur le fait que les enfants représentent un public vulnérable et que les annonceurs doivent en tenir compte lors de la création des messages concernant des aliments et des boissons leur étant destinés.

C'est pourquoi, il impose l'interdiction suivante : la publicité visant un aliment ou une boisson ne peut pas être destinée principalement aux personnes âgées de moins de 13 ans, sauf si le produit répond aux critères nutritionnels précis énoncés dans le Code des Normes de la publicité.

De manière générale, le Code des Normes de la publicité s'applique à toute publicité présentant un produit alimentaire ou une boisson, peu importe le média, destinée aux résidents du Canada. Cependant, il mentionne trois exemptions particulières :

  1. les présentoirs, les circulaires de magasin, les affiches, les menus, les menus affichés et toute autre forme de communication ou de matériel sur place, portant sur un produit alimentaire ou une boisson;
  2. la publicité de marque et la publicité de commandite ne présentant pas un produit alimentaire ou une boisson;
  3. la publicité présentant un produit alimentaire ou une boisson, qui ne répond pas aux critères nutritionnels établis, mais qui fait la promotion d'une initiative ou d'une cause éducative ou caritative à moins qu'elle mette davantage l'accent sur le produit alimentaire ou la boisson faisant l'objet de la publicité que sur l'initiative ou la cause en question.

Le Code des Normes de la publicité établit des seuils séparés pour la teneur en gras saturés, en sodium et en sucres dans les aliments préemballés et dans les repas servis dans les restaurants et par les services alimentaires. D'autres critères s'ajoutent pour les restaurants servant des « repas » pour les enfants, notamment l'inclusion obligatoire d'aliments appartenant à au moins trois des groupes alimentaires en respectant des seuils nutritionnels distincts.

b) Définition du concept de publicité « destinée principalement aux enfants »

Le Code des Normes de la publicité établit également les trois critères ci-dessous (aucun critère n'étant déterminant en soi) pour permettre de déterminer si la publicité d'un produit non conforme du point de vue nutritionnel est « destinée principalement aux enfants » et, par conséquent, interdite en vertu du Code des Normes de la publicité :

  1. la nature et le but visé par le produit alimentaire ou la boisson faisant l'objet de la publicité;
  2. la manière de présenter le message publicitaire;
  3. le moment ou l'endroit où il sera diffusé.

Des indications plus détaillées sur la mise en pratique de ces critères figurent dans le Guide, dont près de la moitié porte essentiellement sur des exemples d'application du test.

c) Interdiction d'inciter les enfants à acheter

Les publicités sur les aliments et les boissons s'adressant aux enfants (a) qui sont permises en vertu de leur conformité nutritionnelle, ou (b) qui sont exemptées du Code des Normes de la publicité, ne sortent cependant pas totalement du champ d'application de ce dernier. De telles publicités demeurent assujetties à la condition générale suivante : elles ne doivent pas inciter les enfants à acheter les produits annoncés. Plus précisément, les publicités permises ne doivent pas (i) utiliser des mots qui incitent directement un enfant à acheter un produit alimentaire ou une boisson ni (ii) des mots qui incitent directement un enfant à demander à une autre personne de s'informer sur ce produit ou d'en faire l'achat pour lui.

Globalement, cela signifie que :

  • sous réserve de la possibilité d'une exemption, le Code des Normes de la publicité interdit effectivement la publicité destinée aux enfants concernant certains aliments et boissons « mauvais pour leur santé »;
  • aucune publicité destinée aux enfants concernant un aliment ou une boisson ne doit les « inciter » à acheter le produit annoncé.

L'interdiction générale susmentionnée et l'interdiction d'inciter les enfants à acheter des produits ne sont pas les seules restrictions imposées par le Code des Normes de la publicité, lequel prévoit également les restrictions accessoires suivantes :

  • Pas d'emballage ni publicité exemptée incitant les enfants à acheter :  Bien que les emballages, les étiquettes et les contenants ne soient pas considérés comme de la « publicité » en vertu du Code des Normes de la publicité et que les publicités de marque et de commandite qui ne présentent pas un produit alimentaire ou une boisson ne soient pas concernées par cette interdiction, aucun annonceur ne doit inscrire de mots sur du matériel connexe incitant directement un enfant à acheter un produit alimentaire ou une boisson, ni de mots qui incitent directement un enfant à demander à une autre personne de s'informer sur ce produit ou d'en faire l'achat lui-même.
  • Aucune publicité dans les écoles :  Peu importe le profil nutritionnel des produits concernés, aucune publicité d'aliments ou de boissons n'est permise dans les écoles primaires ou secondaires (jusqu'à la 8eannée). Certaines exceptions à cette restriction s'appliquent à la publicité pour une initiative ou une cause éducative ou caritative ou sans but lucratif de bonne foi tant que la publicité ne met pas plus l'accent sur le produit alimentaire ou la boisson que sur l'initiative ou la cause supposément annoncée.
  • Aucun placement de produit :  Les annonceurs ne doivent pas payer pour faire placer leurs produits alimentaires ou boissons dans le contenu d'émissions ou le contenu rédactionnel de tout média s'adressant principalement à des enfants dans le but de promouvoir la vente de tels produits, et ne cherchera pas à le faire.
  • Aucune intégration de produit interdit :  Les annonceurs ne doivent pas payer pour que leurs produits alimentaires ou boissons soient intégrés dans quelque média s'adressant principalement aux enfants, y compris dans des jeux interactifs ou autre contenu numérique, et ne chercheront pas à le faire, sauf si ces produits répondent aux critères nutritionnels permettant la publicité auprès des enfants, tel qu'énoncé dans le Code des Normes de la publicité.

d) Mise en application du Code des Normes de la publicité

Dès que le Code des Normes de la publicité sera entré en vigueur au mois de juin, son administration se fera d'une manière préventive, au moyen d'un programme d'approbation préalable, et réactive, par l'intermédiaire d'un programme de mise en application axé sur les plaintes. Les Normes de la publicité recourront au programme d'approbation préalable pour déterminer si la publicité est principalement destinée aux enfants et, dans l'affirmative, si elle est conforme au Code des Normes de la publicité. Toute publicité n'ayant pas fait l'objet d'une approbation préalable pourra être soumise au programme de mise en application axé sur les plaintes du Code des Normes de la publicité. Si les Normes de la publicité concluent qu'une publicité est non conforme, l'annonceur devra retirer ou modifier cette dernière de façon appropriée. De plus, toute publicité non conforme pourra être citée dans un rapport de conformité produit par les Normes de la publicité.

  1. Politique de Santé Canada

La politique de Santé Canada reconnaît également que les enfants sont particulièrement vulnérables à l'influence de la publicité et que les produits alimentaires annoncés peuvent avoir un effet néfaste sur leur santé.

En réponse à ces préoccupations, et en attendant l'adoption du projet de loi C-252 par le Parlement, Santé Canada propose une approche ciblée d'imposition de restrictions à la publicité des aliments destinée aux enfants. Ces restrictions visent d'abord la publicité à la télévision et dans les médias numériques (p. ex., les sites Web, les médias sociaux, les applications mobiles, les services de diffusion en continu et les jeux en ligne). La politique de Santé Canada indique, cependant, que le ministère continuera à suivre de près la publicité des aliments sur les autres médias et dans d'autres milieux, pour façonner les futures restrictions.

a) Étendue des interdictions

En vertu du cadre énoncé dans la politique de Santé Canada, toute publicité à la télévision et dans les médias numériques concernant certains aliments « destinée principalement aux personnes » âgées de moins de 13 ans est interdite. Les aliments soumis à la restriction sont ceux additionnés de sel, de sucres libres ou de matières grasses qui dépassent le seuil de « faible en » pour les éléments nutritifs tel que le sel, les sucres ou les gras saturés. Le Règlement sur les aliments et drogues  devrait être modifié pour identifier ces catégories d'aliments. Notons que ces seuils correspondent en général à ceux prescrits par le Code des Normes de la publicité pour les aliments préemballés. Toutefois, contrairement au Code des Normes de la publicité, la politique de Santé Canada n'établit pas de seuils distincts pour les repas servis dans les restaurants et par les services alimentaires.

Notamment, comme dans le Code des Normes de la publicité, les publicités qui mentionnent uniquement les éléments d'une marque alimentaire, mais ne montrent aucun aliment pouvant être identifié ou qui indiquent le nom d'un aliment donné échapperaient aux restrictions.

b) Définition du concept de publicité « destinée principalement aux enfants

Comme le Code des Normes de la publicité, la politique de Santé Canada sous-entend que la question de savoir si une publicité s'adresse à un public composé d'enfants est d'ordre subjectif. Pour déterminer si une publicité est « destinée principalement aux enfants », Santé Canada propose de prendre en considération deux facteurs similaires, mais non identiques, à ceux dont il faudra tenir compte en vertu du Code des Normes de la publicité :

  1. la nature et l'objectif visé par le média sur lequel l'annonce publicitaire est diffusée;
  2. la possibilité que la publicité cible les enfants ou qu'elle soit raisonnablement susceptible d'attirer particulièrement l'attention des enfants.

Bien que l'analyse de ces facteurs soit contextuelle, la politique de Santé Canada indique qu'il est probable qu'une publicité soit considérée comme destinée principalement aux enfants si elle est diffusée : (i) dans des médias spécifiquement destinés aux enfants, ou (ii) dans des médias destinés au grand public, et où la publicité contestée cible les enfants ou est raisonnablement susceptible d'attirer particulièrement l'attention des enfants. Plus une publicité pouvant être considérée comme attirant l'attention des enfants regroupe des éléments de conception, de caractéristiques et de techniques publicitaires, plus il est probable qu'elle cible les enfants ou soit raisonnablement susceptible d'attirer leur attention.

Partant du principe qu'une publicité pourrait cibler les adultes ou le public en général même si elle intègre des caractéristiques, des éléments de conception et des techniques publicitaires susceptibles d'attirer l'attention des enfants, Santé Canada affirme qu'il faudra s'assurer d'évaluer soigneusement le « contexte global » de la publicité en répondant aux questions suivantes :

  • Quels sont les personnages qui apparaissent dans la publicité et que font-ils? Si l'annonce publicitaire comprend principalement des enfants ou des personnages dans un contexte d'enfant (comme jouer à des jeux, faire ses devoirs), cela pourrait indiquer qu'elle est destinée principalement aux enfants.
  • Dans quel milieu se déroule la publicité? Si l'annonce publicitaire se déroule dans une école ou dans le contexte d'une partie de soccer d'enfants, cela pourrait indiquer qu'elle est destinée principalement aux enfants.

La description détaillée du cadre d'analyse proposé laisse présager la complexité éventuelle d'appliquer le Code des Normes de la publicité et l'instrument qui résultera de la politique de Santé Canada à la publicité. La nature de ce cadre d'interprétation pourrait faire l'objet d'un débat animé lors des futures consultations et communications publiques sur les restrictions proposées avec les parties intéressées.

c) Mise en application à l'aide du Règlement sur les aliments et drogues

Contrairement au Code des Normes de la publicité, la modification proposée du Règlement sur les aliments et drogues  aurait force de loi une fois entrée en vigueur. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'« ACIA ») est responsable de l'application des dispositions relatives aux aliments de la Loi sur les aliments et drogues et, selon Santé Canada, elle assumerait aussi la responsabilité de l'application des restrictions proposées. Santé Canada mentionne l'utilisation future d'une « approche en matière de conformité et d'application de la loi » qui pourrait comprendre divers outils conçus pour promouvoir la conformité et identifier les cas de non-conformité pour les traiter. À titre d'exemple, ces outils pourraient comprendre un mécanisme d'examen des plaintes, un processus de surveillance et des pénalités comme des lettres de conformité, et pourraient mener à des poursuites et à des amendes.

Prochaines étapes pour les annonceurs

Il est prévu que le Code des Normes de la publicité entre en vigueur le 28 juin 2023. Dans cette perspective, les Normes de la publicité ont annoncé qu'elles animeraient un webinaire en deux parties, les 10 mai et 28 mai. Dans le cadre de ce webinaire, des analystes des Services d'approbation des Normes de la publicité présenteront, entre autres, un aperçu du Code des Normes de la publicité aux participant(e)s, décriront les seuils nutritifs à respecter pour que soit autorisée une publicité destinée principalement aux enfants, et ils donneront des exemples pratiques pour renseigner les participant(e)s à propos de l'application des critères et des facteurs nutritionnels utilisés pour déterminer si une publicité est clairement « destinée principalement aux enfants ».

La mise en œuvre des propositions de Santé Canada devrait suivre un échéancier beaucoup plus long. Le ministère a annoncé que la mise à jour de la politique constituera le fondement du projet de règlement qui sera publié autour de l'hiver 2024 aux fins de consultation publique. Toute modification véritable du règlement surviendra au terme de la période de consultation. Les annonceurs devraient surveiller attentivement la suite des événements à cet égard et déterminer si et comment ils souhaitent communiquer avec Santé Canada au sujet de la nature et de la portée de ces propositions au cours de la prochaine année.

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