Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_14/2022 du 6 juin 2022 | Notification irrégulière de la décision de paiement de l'avance de frais – mauvaise adresse de domicile (art. 85 al. 4 let. a et 383 CPP)

  • Par arrêt du 18 novembre 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a déclaré irrecevable le recours de la partie plaignante pour défaut de paiement des sûretés. La juridiction cantonale a retenu qu'elle avait invité la Recourante, par avis du 25 août 2021, à effectuer un dépôt de CHF 550.- dans un délai au 14 septembre 2021 à titre de sûretés des frais. L'avis était arrivé le 30 août 2021 à l'office de retrait postal, date à partir de laquelle il était prêt au retrait et où il a été conservé, en poste restante. Le 1er octobre 2021, le pli recommandé contenant cet avis a été retourné à l'expéditeur, qui l'a effectivement reçu le 5 octobre 2021 avec la mention « non réclamé ».
  • La Recourante s'est plainte d'une violation des art. 85 al. 4 let. a CPP et 383 CPP et a contesté les constatations cantonales concernant la notification de l'avis de 25 août 2021 (consid. 1).
  • A teneur de l'art. 383 CPP, la direction de la procédure de l'autorité de recours peut astreindre la partie plaignante à fournir des sûretés dans un délai déterminé pour couvrir les frais et indemnités éventuels (al. 1). Si les sûretés ne sont pas fournies dans le délai imparti, l'autorité n'entre pas en matière sur le recours (al. 2).
  • Selon l'art. 85 al. 4 let. a CPP, un prononcé est également réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise.
  • De jurisprudence constante, des accords particuliers avec la Poste ne permettent pas de repousser l'échéance de la notification, réputée intervenue à l'échéance du délai de sept jours. L'ordre donné au bureau de poste de conserver les envois ne constitue pas une mesure appropriée afin que les communications de l'autorité puissent être notifiées. Cette jurisprudence s'applique également lorsque l'envoi est adressé en poste restante (consid. 1.2.1).
  • Lorsqu'une partie communique à l'autorité une adresse de notification, la communication doit en principe intervenir à l'adresse donnée, sous peine d'être irrégulière (consid. 1.2.2).
  • In casu, la Recourante a fait valoir qu'elle n'avait jamais reçu le pli recommandé contenant l'avis du 25 août 2021, car celui-ci avait été remis à une fausse adresse (consid. 1.4).
  • Le Tribunal fédéral a en particulier relevé que la Recourante avait fait valoir à juste titre que son recours cantonal comportait en première page son nom et l'indication d'une adresse, soit « Case postale xxx, U. » et que la même adresse apparaissait au dos de l'enveloppe ayant contenu ledit recours. L'avis du 25 août 2021 avait toutefois été adressé à « Poste restante, V. », correspondant certes à l'adresse qu'avait indiquée la Recourante dans sa plainte pénale et qu'elle avait utilisée par la suite, mais qui n'en demeurait pas moins différente de celle indiquée par la Recourante sur son acte de recours cantonal. Il ressortait en outre du dossier que l'arrêt attaqué avait été notifié à la Recourante à l'adresse « Case postale xxx, U. » et que cette dernière et la cour cantonale avaient par la suite correspondu par le biais de cette adresse. Il en ressortait aussi que la Poste lui avait confirmé par courriel qu'elle avait fait garder son courrier durant une période comprise entre le 3 septembre et le 22 septembre 2021 et ce pour deux adresses, soit « Rue W., X. », et « Case postale xxx, U », sans qu'il soit question de l'adresse « Poste restante, V. » (consid. 1.4).
  • Dès lors, le Tribunal fédéral a considéré que les éléments précités ne permettaient pas de retenir que le pli contenant l'avis du 25 août 2021 était arrivé à l'office de retrait le 30 août suivant, compte tenu de la divergence d'adresses susmentionnée. Ces mêmes éléments ne permettaient pas non plus de retenir que l'avis en cause avait été valablement notifié à la Recourante, à l'adresse désignée par elle dans son acte de recours. On ne pouvait pas non plus se convaincre, que le pli en question lui avait été notifié durant une période pendant laquelle elle avait fait garder son courrier (consid. 1.4).
  • Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral a retenu que la cour cantonale n'était pas fondée à faire application de la fiction de notification prévue par l'art. 85 al. 4 let. a CPP pour ensuite déclarer le recours irrecevable faute de versement des sûretés en temps utile, en vertu de l'art. 383 al. 2 CPP (consid. 1.4).
  • Partant, le recours a été admis (consid. 2).

TF 1B_612/2022 du 15 mai 2023 | Délai de 20 jours pour requérir la levée des scellés en cas de demande de mise sous scellés par un courrier anticipé par eFax (art. 248 al. 2 CPP)

  • L'Intimé, prévenu, a fait l'objet d'une procédure pénale au cours de laquelle une perquisition a eu lieu. Par courrier du vendredi 16 septembre 2022 - anticipé par « eFax » à l'adresse « info.mpaev@vd.ch » -, l'Intimé, par l'intermédiaire de son mandataire, a requis la mise sous scellés des éléments saisis. L'adresse électronique en question n'était pas l'adresse eFax officielle du Ministère public destinée aux communications urgentes. Le courrier original de demande de mise sous scellés a quant à lui été reçu le mardi 20 septembre 2022 (le lundi 19 septembre étant un jour férié). Le 7 octobre 2022 le Ministère public a requis la levée des scellés. Cette demande a été rejetée par le Tribunal des mesures de contraintes en raison de la tardiveté de son dépôt. Le Ministère public a recouru auprès du Tribunal fédéral contre le refus de lever la mesure.
  • Notre Haute Cour a indiqué qu'il ne faisait aucun doute que le courrier efax ne revêtait pas la forme qualifiée exigée par la loi (art. 110 al. 2 CPP et l'ordonnance du 18 juin 2010 sur la communication électronique dans le cadre de procédures civiles et pénales et de procédures en matière de poursuite pour dettes et de faillite [OCEI-PCPP]). En outre, la démarche entreprise par l'Intimé démontrait bien que ce dernier savait que le courriel n'était pas suffisant, raison pour laquelle il avait également envoyé un pli postal. Cette manière de procéder tendait à garantir un certain niveau de célérité et prévenir les autorités de l'envoi - en principe en parallèle - d'un courrier postal à leur attention. Le caractère informatif du courrier efax se déduisait également du fait qu'il n'avait pas été adressé à l'adresse électronique urgente de l'autorité (consid. 3.3).
  • Dès lors, le Tribunal fédéral a conclu que la volonté de l'Intimé était de procéder par pli postal, ce dernier ayant été reçu le 20 septembre 2022. Ainsi, le Ministère public avait agi en temps utile en déposant sa requête de levée de scellés le 7 octobre 2022.
  • Partant, le recours a été admis.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_1017/2022 et 6B_1029/2022 du 7 juin 2022 | Abus de confiance en présence de fonds étatiques

  • Les actes de disposition de valeurs patrimoniales opérés par un organe, contrairement à ses obligations, et qui causent un dommage à la société, constituent dans la règle des actes de gestion déloyale (art. 158 CP), le patrimoine social n'étant pas confié aux organes au sens de l'art. 138 CP. Tel n'est cependant plus le cas lorsque le comportement de l'auteur sort manifestement du cadre de son activité d'organe. L'intéressé ne peut alors plus se prévaloir de ce que le patrimoine social ne lui aurait pas été confié et ses actes peuvent être appréhendés comme constituant un abus de confiance. Tel est le cas lorsque le comportement incriminé est dépourvu de tout lien avec l'activité commerciale et que l'organe a pour seul objectif de s'approprier des objets ou des valeurs patrimoniales de la société à des fins d'enrichissement personnel. Ainsi, l'organe d'une société, tout comme les organes de corporations de droit public expressément mentionnés à l'art. 138 ch. 2 CP, peuvent se rendre punissables d'abus de confiance, nonobstant leur appartenance organique à de telles entités (consid. 2.1).
  • In casu, le Recourant, employé administratif chargé de la caisse communale, avait détourné de nombreux fonds appartenant à l'état au bénéfice de son épouse et de deux autres femmes, la première en contrepartie de relations sexuelles tarifées et la seconde sans aucune contrepartie. Ces actes n'avaient donc aucun lien avec son activité professionnelle.
  • Dès lors, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation du Recourant pour abus de confiance, l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP pouvant s'appliquer au cas d'espèce.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

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V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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