Afin de répondre aux recommandations du Rapport d'évaluation mutuelle de Moneyval (5ème cycle) publié en décembre 2022, un arsenal législatif relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et la corruption (LCB/FT-P-C) a été adopté à Monaco au cours de l'année 2023. Ces mesures se poursuivent par l'adoption, par le Conseil National, de la loi n°1.559 du 29 février 2024 (dite « Partie IV »).

Les assujettis à la loi 1.362 ainsi modifiée et indirectement, de nombreux autres acteurs de la vie économique monégasque avec eux, ont donc dû s'adapter en un temps record aux dernières évolutions législatives en matière de compliance.

Parmi eux, les professionnels du secteur immobilier, qui compte parmi l'un des secteurs prédominants de l'économie monégasque et parmi l'un des secteurs les plus à risque si l'on en croit la seconde Evaluation Nationale des Risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Cette Evaluation ne manquait d'ailleurs pas de souligner le niveau de menace élevé pesant tout particulièrement sur les agents immobiliers et précisait que ces professions présentent un risque important d'être instrumentalisées dans les stratégies de LCB/FT-P-C (1).

Pour autant, ce sont l'ensemble des acteurs du secteur immobilier en Principauté assujettis ou non selon les termes de la loi 1.362 et notamment les marchands de biens (2), les sociétés civiles monégasques (3), les trusts (4), de même que les Notaires ou encore les Avocats et Conseils mettant en Suvre les transactions qui devront se montrer sensibles et particulièrement vigilants à l'application des obligations de vigilance applicables en matière de LCB/FT-P-C

1. Les agents immobiliers, cible du premier guide pratique sectoriel de l'AMSF

Les agents immobiliers sont assujettis aux obligations LCB/FT-P-C selon les termes de la loi n°1.362 en ce qu'ils se livrent à titre de profession habituelle à des opérations portant sur les biens d'autrui et relatives notamment à des opérations d'achat/vente de biens immobiliers, parts de sociétés détenant des actifs immobiliers et fonds de commerce et à des opérations de location portant sur des biens dont le loyer mensuel est supérieur ou égal à 10.000 euros. Ne sont en revanche pas assujetties les personnes réalisant des opérations de gestion immobilière pour leur propre compte, y compris en présence d'un parc immobilier important.

La seconde Evaluation Nationale des Risques ayant considéré, en dépit de leur bonne implication, que la notion d'approche par les risques n'était pas toujours correctement appréhendée ni formalisée par les agents immobiliers, ces derniers peuvent à présent compter sur les nouvelles lignes directrices émises par l'Autorité Monégasque des Services Financiers (AMSF).

Ainsi, dans le nouveau guide pratique sectoriel pour les agents immobiliers publié en décembre 2023, l'AMSF pointe les facteurs de risques spécifiques à cette activité ainsi que les obligations auxquelles ils sont tenus, tout en rappelant que l'implication d'autres assujettis (tels qu'un autre agent immobilier, les Notaires ou les Conseils) n'est pas susceptible de les exempter de leurs obligations de vérifications.

Les agents immobiliers sont ainsi vivement invités à vérifier la pertinence de leurs procédures internes de conformité au regard de ce guide.

Dans la continuité de cette démarche, les agents immobiliers doivent s'attendre à ce que des contrôles soient à nouveau et de manière plus fréquente réalisés par l'AMSF et à ce que des sanctions soient prises en cas de non-respect de leurs obligations.

2. Les marchands de biens, assujettis également visés par la seconde Evaluation Nationale des Risques

Les marchands de biens sont également et depuis 2020 assujettis au titre de la loi 1.362 modifiée et selon les conclusions de la seconde Evaluation Nationale des Risques, cette profession présenterait un niveau de risque final élevé.

Cette Evaluation pointe un certain nombre de défaillances dans le respect des obligations de vigilance et considère que beaucoup de marchands de biens ne disposeraient pas de système de surveillance des opérations et transactions. Or, ici encore, le fait que d'autres assujettis sont le plus souvent impliqués dans les transactions auxquelles les marchands de bien participent (agents immobiliers, Notaires, Conseils), n'est pas de nature à exempter ces professionnels de leurs obligations de vigilance.

Néanmoins, il faut s'attendre à ce qu'avec la réforme et la structuration de la profession de marchand de biens, qui est une réforme attendue en Principauté, les vulnérabilités présentées par cette profession s'atténuent, notamment en considération des nouvelles conditions d'accès à la profession, de la réduction des avantages fiscaux et de l'imposition d'un pourcentage minimum de travaux à réaliser en proportion de la valeur du bien acquis.

Des contrôles de l'AMSF sont également à envisager auprès de ces professionnels.

3. Plus de transparence pour les sociétés civiles détenant des actifs immobiliers en Principauté ...

En tant que telles, les sociétés civiles ne sont pas assujetties au sens de la loi 1.362 modifiée.

Néanmoins, le volet 2 de la réforme LCB/FT-P-C est venu renforcer les obligations déclaratives des sociétés civiles afin de répondre aux recommandations du GAFI et au besoin de transparence les concernant. Ainsi, les sociétés civiles ont à présent l'obligation de désigner un Responsable des informations élémentaires qui doivent maintenant figurer au Répertoire spécial des sociétés civiles ainsi qu'un Responsable des informations sur les bénéficiaires effectifs.

Le Gouvernement a adressé des courriers de rappel aux sociétés civiles n'ayant pas satisfait à leurs obligations déclaratives au 15 décembre 2023.

La loi n°1559 du 29 février 2024 est par ailleurs venue préciser la liste des informations et documents nécessaires à la constitution d'une société civile et ajouter une obligation, pour toute société civile, de tenir un registre de ses associés ou de ses actionnaires avec indication de leur identité.

Les informations élémentaires listées concernant les sociétés civiles devront être mises à jour de manière régulière étant souligné que de nouveaux évènements de la vie des sociétés doivent à présent être reportés. Ces informations seront ensuite tenues à la disposition de la Direction du Développement Economique et seront conservés par le responsable pendant une durée de 10 ans après la dissolution ou la liquidation de la société.

Il convient de souligner un renforcement du dispositif des sanctions applicables aux sociétés anonymes monégasques à objet civil, aux sociétés civiles ainsi qu'à leurs dirigeants ou liquidateurs à défaut de régularisation des manquements constatés par les agents habilités.

Enfin, la Direction du Développement Economique a publié une liste des sociétés civiles en déshérence, c'est-à-dire des sociétés civiles pour lesquelles une absence de siège a été constatée, ou le terme statutaire est dépassé ou encore quand leur autorisation ou déclaration d'exercice a été révoquée en raison d'une absence de siège social ou d'activité. Cette liste devrait être mise à jour toutes les quinzaines.

4. ... Et pour les Trusts

En vue principalement de répondre à la recommandation du rapport Moneyval sur la transparence concernant les bénéficiaires effectifs des constructions juridiques, la loi n°1.559 du 29 février 2024 (« Partie IV » de la réforme LCB/FT-P-C) consacre un chapitre aux obligations de collecte et de conservation d'informations et de justificatifs reposant sur les trustees ou le représentant local, de trusts monégasques ou de trusts étrangers également soumis à une obligation d'enregistrement sur le registre des trusts monégasques.

La loi n°1559 du 29 février 20024 prévoit notamment que le trustee, et le représentant local désigné en Principauté si le trustee est établi ou domicilié à l'étranger, doivent collecter, conserver et tenir à jour en permanence les informations adéquates, exactes et actuelles et les pièces justificatives correspondantes sur les bénéficiaires effectifs du trust dont le ou les constituants du trust, le ou les trustees, le ou les protecteurs, ses bénéficiaires ainsi que toute personne physique exerçant en dernier lieu un contrôle effectif.

Des informations doivent également être conservées concernant la liste des personnes et les organismes visés aux articles premier et 2 de la loi n ° 1.362 du 3 août 2009, modifiée, et les personnes et les organismes de droit étranger qui, si elles étaient établies ou domiciliées sur le territoire de la Principauté, seraient considérées comme relevant de ces dispositions, qui fournissent des prestations de services ou qui entrent en relation d'affaires ou réalisent, à titre occasionnel, une transaction avec le trust pour fournir des services ou conseils.

L'ensemble de ces informations devra être conservé aux fins de contrôle dans un lieu situé à Monaco communiqué à la Direction du Développement Économique et ce pendant une durée de 10 ans après la cessation de l'implication en qualité de trustee ou de représentant local du trust.

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