Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.

  1. PROCÉDURE PÉNALE

TF 1B_107/2022 du 3 janvier 2023 | Extension des mesures de surveillance en cas de découvertes fortuites – demande d'exploitation tardive (art. 278 al. 3 CPP)

  • Dans le cadre d'une instruction pénale pour trafic de drogue menée par le Ministère public de la République et canton de Genève, B. a été interpellé le 9 janvier 2021 au volant de sa voiture Mercedes, dans laquelle se trouvaient sa compagne (la Recourante) et la fille du couple. Lors des audiences des 26 février et 9 avril 2021, le Procureur a informé B. et C. – tous les deux prévenus d'infractions graves à la LStup – des diverses mesures de surveillance ordonnées dans les procédures pénales P1_2020, P2_2020 et P3_2020. Le 1er septembre 2021, sur mandat d'acte d'enquête du Procureur du 30 avril 2021, la Recourante a été entendue par la police, en qualité de prévenue d'infractions aux art. 19 al. 1 et 2 LStup. Au cours de cette audition, la police a soumis à la Recourante une conversation qu'elle avait eue avec « B. » – identifié comme étant B. –le 22 septembre 2020. Les policiers lui ont également présenté une conversation entre C. et « B. », enregistrée le 13 octobre 2020 dans la voiture surveillée.
  • Le 24 septembre 2021, le Procureur a ordonné que les mesures secrètes et de surveillance dans les procédures P1_2020, P2_2020 et P3_202020 soient exploitées à l'encontre de la Recourante; il a également transmis sa demande d'autorisation au Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (« TMC ») qui l'a acceptée, en accordant l'exploitation avec effet rétroactif dès les dates de leur mise en Suvre.
  • La Recourante a contesté l'ordonnance du TMC en faisant valoir une violation de l'art. 13 Cst. et des art. 141 al. 4, 274, 277 et 278 CPP. Elle a soutenu que la procédure d'autorisation au sens de l'art. 278 al. 3 CPP n'avait pas été engagée en temps utile, respectivement que l'autorisation du TMC d'exploiter les découvertes fortuites était tardive. Dès lors, les informations recueillies à son encontre au titre de découvertes fortuites n'étaient pas exploitables et devaient être retirées du dossier et détruites. 
  • Selon l'art. 278 al. 1 CPP, si, lors d'une surveillance, d'autres infractions que celles qui ont fait l'objet de l'ordre de surveillance sont découvertes, les informations recueillies peuvent être utilisées à l'encontre du prévenu lorsqu'une surveillance aurait pu être ordonnée aux fins de la poursuite de ces actes. L'al. 3 de cette disposition précise que, dans les cas visés aux alinéas précédents, le Ministère public ordonne immédiatement la surveillance et engage la procédure d'autorisation. Les documents et enregistrements qui ne peuvent être utilisés au titre de découvertes fortuites doivent être conservés séparément et détruits immédiatement après la clôture de la procédure (art. 278 al. 4 CPP)
    (consid. 3.1). 
  • Par renvoi de l'art. 278 al. 3 CPP, la procédure d'autorisation est réglée à l'art. 274 CPP. Cette disposition impose au Ministère public de transmettre au TMC, dans les 24 heures à compter du moment où la surveillance a été ordonnée, certains documents déterminants pour l'autorisation de la surveillance (art. 274 al. 1 CPP), l'autorité précitée étant tenue de statuer dans les cinq jours à compter du moment où la surveillance a été ordonnée
    (art. 274 al. 2 CPP). Dans la mesure où le délai de l'art. 274 al. 1 CPP est applicable en cas de découverte fortuite, il s'agit uniquement d'une prescription d'ordre dont la violation n'entraîne en principe pas l'inexploitabilité des moyens de preuve. Il en va de même du délai de cinq jours imparti au TMC pour statuer (consid. 3.2). 
  • Dans un arrêt du 2 mai 2019 (TF 1B_92/2019), le Tribunal fédéral a admis que l'autorisation du tribunal des mesures de contrainte puisse être donnée dans les deux mois suivant l'utilisation de la découverte fortuite au cours d'une audition durant laquelle le prévenu avait refusé de déposer. En revanche, l'absence de toute procédure tendant à obtenir l'autorisation d'utilisation de ces découvertes permettrait, le cas échéant, l'application des art. 277, 278 al. 4 et/ou 141 al. 4 CPP (consid. 3.2) 
  • In casu, la Recourante a été entendue le 1er septembre 2021, en qualité de prévenue d'infractions à l'art. 19 al. 1 et 2 LStup, sur mandat d'acte d'enquête du Procureur du 30 avril 2021. Lors de son audition, la Recourante n'a pas fait valoir son droit de refuser de déposer, respectivement de collaborer à la procédure (au contraire de l'affaire jugée dans l'arrêt 1B_92/2019 précité, consid. 2.5); la conversation enregistrée que la Recourante a eue le 22 septembre 2020 avec B. et celle qui a eu lieu entre ce dernier et C. le 13 octobre 2020 lui ont été soumises par la police. Cette audience avait donc pour objet d'exploiter, à charge de la Recourante, les conversations en cause. Il n'est pas fait état d'autres éléments préexistants au 30 avril 2021 qui mettraient en cause la Recourante, respectivement qui seraient susceptibles d'expliquer la délivrance du mandat d'enquête à la police (consid. 3.3). 
  • Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que le Ministère public, lorsqu'il a rendu ledit mandat d'enquête, avait connaissance des écoutes téléphoniques litigieuses et du fait qu'elles étaient susceptibles de mettre en cause la Recourante. Or, il n'a alors pas entrepris la procédure d'autorisation d'exploiter les découvertes fortuites. Au moment de l'audition de la recourante, quatre mois plus tard, cette procédure n'avait pas non plus été déclenchée. Ce n'est, en définitive, que le 24 septembre 2021, soit presque cinq mois après que le Ministère public a formellement décidé – par mandat d'enquête donné à la police – d'exploiter ces données, qu'il a transmis sa demande d'autorisation au TMC. Ce faisant, le Ministère public a agi tardivement (consid. 3.3). 
  • Partant, le recours a été partiellement admis. L'inexploitabilité des découvertes fortuites à l'encontre de la Recourante a été constaté et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur les conséquences procédurales qui résultent de cette inexploitabilité (conservation séparée au sens de l'art. 278 al. 4 CPP, tri, caviardage, etc.) dès lors que ces écoutes téléphoniques litigieuses ont déjà eu lieu et qu'elles découlent des mesures de surveillance préalablement autorisées pour ce qui est des autres co-prévenus. Pour les mêmes motifs, le Tribunal fédéral n'a pas ordonné la destruction des écoutes litigieuses, le retrait du dossier de celles-ci et/ou leur inexploitabilité (consid. 3.3 et 4). 

TF 1B_641/2022 du 12 janvier 2023 | Refus illicite de l'exécution anticipée (art. 236 CPP) 

  • Depuis 2013, le Ministère public de Soleure mène une vaste enquête pénale contre le Recourant pour escroquerie par métier, fraude et de nombreux autres délits, le montant total du dommage présumé s'élevant à plus de deux millions de francs. Sur le point d'être close, la procédure pénale a été, à plusieurs reprises, étendue. Le Recourant a été arrêté et mis en détention provisoire. Le Ministère public a requis une prolongation de la détention laquelle a été contestée et a donné lieu à de multiples décisions, y compris du Tribunal fédéral. Par requête du 7 octobre 2022, le Recourant a demandé l'autorisation de commencer à purger sa peine de manière anticipée, laquelle lui a été refusée par décision du 17 octobre 2022 en raison de l'existence d'un risque de collusion. Le Recourant a saisi le Tribunal fédéral. Il a demandé l'octroi d'une exécution anticipée de la peine. 
  • Le Recourant a fait valoir que le refus de l'exécution anticipée de la peine viole l'art. 236 CPP.
  • Selon l'art. 236 al. 1 CPP, la direction de la procédure peut autoriser le prévenu à exécuter de manière anticipée une peine privative de liberté ou une mesure entraînant une privation de liberté si le stade de la procédure le permet. Dès l'entrée du prévenu dans l'établissement, l'exécution de la peine ou de la mesure commence et le prévenu est soumis au régime de l'exécution, sauf si le but de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté s'y oppose (art. 236 al. 4)
    (consid. 2.1). 
  • De par sa nature, l'exécution anticipée de la peine constitue une mesure de contrainte pénale à la frontière entre la poursuite pénale et l'exécution de la peine. L'exécution anticipée de la peine a pour but de permettre au prévenu de bénéficier d'un régime de détention adapté à sa situation personnelle avant même qu'un jugement pénal définitif ne soit prononcé et de lui offrir de meilleures chances de réinsertion sociale (consid. 2.1). 
  • Selon la jurisprudence fédérale, l'exécution anticipée de la peine ne peut être accordée, même au stade avancé de la procédure mentionné, s'il existe un risque élevé de collusion (consid. 2.1).
  • Le Tribunal fédéral a jugé que la motivation de l'instance précédente s'agissant de l'existence d'un risque de collusion n'était pas convaincante
    (consid. 2.3) 
  • En particulier, notre Haute Cour a jugé pour le moins problématique que l'instance précédente se soit contentée de constater, sans plus de motivation, que les circonstances n'avaient pas changé depuis les décisions précédentes.
  • Dans son arrêt du 22 juillet 2022
    (TF 1B_357/2022), le Tribunal fédéral avait constaté de manière contraignante (cf. art. 61 LTF) que le motif de détention particulier du risque de collusion n'existait pas. Comme il ne ressortirait ni de la décision attaquée ni des arrêts auxquels elle renvoyait qu'il y aurait eu un changement de circonstances, cette décision conservait sa validité
    (consid. 2.3.2). 
  • In casu, si le motif de détention particulier du risque de collusion n'est pas donné, l'autorisation d'exécution anticipée de la peine ne peut pas non plus être refusée en raison de l'existence d'un risque de collusion (consid. 2.3.2). 
  • En conséquence, le Tribunal fédéral a considéré que la décision attaquée a violé l'art. 236 CPP
    (consid. 2.3.2). 
  • Au vu de ce qui précède, le recours a été admis,
    la décision attaquée annulée et l'affaire renvoyée au Ministère public pour qu'il statue à nouveau sur l'octroi de l'exécution anticipée de la peine
    (consid. 3). 
  1. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_706/2022 du 30 novembre 2022 | Blanchiment d'argent qualifié (art. 305bis ch. 2 CP), infraction par métier à la loi sur les produits thérapeutiques (art. 86 LPTh) et infraction par métier à la loi sur l'encouragement du sport (art. 22 LESp) 

  • Il est reproché au Recourant d'avoir fabriqué, stocké et vendu des produits dopants au sens de la LESp, principalement des stéroïdes anabolisants et des hormones de croissance, ainsi que d'autres substances relevant de la LPTh, puis d'avoir blanchi et dissimulé ses recettes au sens de l'art. 305bis 2 CP (consid. 1).
  • Le Tribunal fédéral a rejeté l'ensemble des griefs du Recourant relatifs à l'absence de soupçons suffisants pour justifier l'ouverture de la procédure pénale. Il a considéré que les constatations de l'Administration fédérale des douanes relatives à la contrebande de substances et à la fabrication de produits pharmaceutiques illégaux à grande échelle constituaient à elles seules un soupçon suffisant pour justifier l'ouverture d'une enquête douanière, d'une enquête en matière de TVA ainsi que d'une enquête pénale. En conséquence, les diverses mesures de surveillance ordonnées au cours de la procédure étaient admissibles, notre Haute Cour ayant confirmé leur légalité au cas par cas. Compte tenu de l'ampleur de la contrebande, il existait finalement de facto un soupçon d'infractions graves au sens de la LESp et de la LPTh (consid. 2.2). 
  • Le Recourant a ensuite contesté les divers verdicts de culpabilité en alléguant que l'instance inférieure était tombée dans l'arbitraire et avait appliqué de manière erronée la LESp et la LPTh (consid. 3). 
  • Le Tribunal fédéral a rappelé que depuis la révision totale de la LESp au 1er octobre 2012, l'application de l'art. 22 LESp réprimant pénalement le dopage n'est plus limitée aux compétitions. Au contraire, le législateur établit désormais une punissabilité générale du dopage dans le sport. Il a donc étendu la punissabilité au sport de masse, dans la mesure où les actes punissables ne sont pas commis dans le but d'une consommation personnelle (consid. 3.1.1).
  • In casu, le Recourant – ancien directeur d'un laboratoire d'analyse de performance – avait fabriqué, stocké et distribué les médicaments et les produits dopants dans le but de favoriser le développement musculaire et d'améliorer la condition physique des consommateurs finaux. Il a donc agi à des fins de dopage, de manière intentionnelle et par métier (consid. 3.2.1).
  • En outre, le Tribunal fédéral a considéré que tous les produits distribués par le Recourant sans autorisation étaient soit des médicaments au sens de la LPTh, soit des produits et substances interdits au sens de l'OESPA (consid. 3.2.2).
  • In casu, le Recourant reprochait à l'instance précédente d'avoir considéré les mêmes substances comme des médicaments relevant de la LPTh avant la révision de la LESp de 2012 et comme des produits dopants relevant de la LESp après cette date. Selon le Tribunal fédéral, il n'apparaît de la loin pas que la motivation de l'auteur (à des fins de dopage) soit déterminante pour qu'une substance soit soumise à la LPTh. La dénomination d'une substance comme médicament dépend de critères objectifs. Notre Haute Cour a donc déclaré que l'application de la LESp aux substances litigieuses, telle que décidée par l'instance précédente, était conforme au droit fédéral
    (consid. 3.3.3).
  • Le Recourant contestait finalement sa condamnation pour blanchiment d'argent aggravé au sens de l'art. 305bis 2 CP (consid. 4).
  • Le Tribunal fédéral a conclu que le Recourant avait bien commis un crime, du moins en ce qui concerne les infractions par métier à la LESp, et que les valeurs patrimoniales déterminées par l'instance précédente étaient un gain provenant de ce crime. L'infraction par métier dans le domaine du dopage réprimée par l'art. 22 al. 2 LESp étant un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP, elle pouvait donc être une infraction préalable à celle de blanchiment d'argent. Notre Haute Cour a ainsi confirmé le dernier verdict de culpabilité
    (consid. 4.3.2).
  • Partant, le recours a été rejeté (consid. 6).
  1. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

  1. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 | Mainlevée provisoire et droit applicable aux moyens de preuves libératoires du débiteur (art. 82 al. 2 LP) 

  • Le Tribunal fédéral a commencé par rappeler que les conditions d'octroi de la mainlevée provisoire de l'opposition – en particulier l'exigence d'une reconnaissance de dette –ainsi que les éléments d'un tel acte ressortent de la lex fori En revanche, les questions de droit matériel qui touchent à l'engagement du poursuivi sont résolues par la loi que désignent les règles de conflit du droit international privé suisse. Dans le cadre de la mainlevée provisoire, la lex causae est donc déterminée par la LDIP. La loi étrangère régit ainsi notamment la naissance de la prétention, la validité du contrat, le montant de la prétention, dont les intérêts ; elle régit aussi les moyens libératoires du débiteur (art. 82 al. 2 LP), telles que, notamment, la prescription et la péremption (consid. 4.1.1).
  • In casu, il était incontesté que le droit suisse était applicable pour déterminer si le document produit constituait une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP (consid. 4.1.3).
  • En revanche, au motif que cette reconnaissance ne mentionnait pas sa cause et que le poursuivant ne se prévalait que de ce titre à l'exclusion de tout contrat, tant l'autorité cantonale que la Recourante avaient estimé qu'il fallait alors déterminer le droit applicable à la reconnaissance de dette elle-même pour juger des moyens libératoires de la poursuivie (consid. 4.1.3).
  • Or, la Recourante ne prétendait pas qu'en droit français – qu'elle estimait applicable au rapport d'obligation – la reconnaissance de dette donnerait naissance à une nouvelle obligation. Au contraire, elle avait affirmé que la reconnaissance de dette était déclaratoire, qu'elle se rapportait aux prêts et qu'elle n'était pas destinée à emporter novation. S'agissant des moyens libératoires de la poursuivie, le Tribunal fédéral a donc rétorqué que seule se posait la question du droit applicable au rapport de base liant les parties (consid. 4.1.3).
  • Partant, le grief de la violation de l'art. 82 LP a été rejeté par notre Haute Cour en tant qu'il portait sur le droit applicable à la reconnaissance de dette (consid. 4.1.3).
  • Le Tribunal fédéral a ensuite rappelé qu'en vertu de l'art. 148 al. 1 LDIP, le droit applicable à la créance en régit la prescription et l'extinction (consid. 4.2.2).
  • In casu, au vu des faits retenus dans l'arrêt attaqué, il apparaissait que les accords sous seing privé étaient à l'origine de la reconnaissance de dette. Assimilables à des contrats de prêt, lesdits accords étaient régis par le droit français, le prêteur [soit l'Intimé] ayant sa résidence habituelle en France (consid. 4.2.3).
  • Il n'en demeure pas moins que l'autorité cantonale a constaté que la Recourante n'avait pas établi la prescription dont elle se prévalait au regard du droit français, alors qu'il s'agissait d'un moyen libératoire qu'il lui incombait de rendre vraisemblable, relevant pour le surplus que rien n'empêchait de toute façon un débiteur de reconnaître une dette prescrite (consid. 4.2.3).
  • Le Tribunal fédéral a conclu que le fait que les juges cantonaux aient, au vu d'une telle argumentation, considéré que la Recourante n'avait pas établi au degré de la preuve requis le moyen libératoire qu'elle invoquait ne prêtait pas le flanc à la critique. Cela d'autant qu'il ne résultait pas de l'arrêt entrepris – ni au demeurant de l'acte de recours cantonal – que la Recourante ait produit des extraits topiques de jurisprudence et de doctrine ou un avis de droit en lien avec la question de la prescription de la créance de base selon le droit français, ce que la Recourante aurait été avisée de faire tant il est vrai qu'en procédure de mainlevée, le juge n'a pas à constater d'office le contenu du droit étranger, l'art. 16 al. 1 1ère LDIP n'étant pas applicable (consid. 4.2.3).
  • Partant, le recours a été rejeté par le Tribunal fédéral (consid. 5).

TF 5A_790/2021  du 7 décembre 2022 | Délai pour introduire une action en contestation de l'état de collocation (art. 250 al. 2 LP) – règles applicables à la suspensions des délais
(art. 63 LP, art. 145 CPC)
 

  • est un créancier colloqué dans la procédure de faillite de la société C. L'état de collocation a été déposé publiquement du 17 mars 2020 au 6 avril 2020, et publié dans la FOSC dès le 13 mars 2020. Le 4 mai 2020, B. a déposé une action en contestation de l'état de collocation contre A. SA auprès du Bezirksgerich de Münchwilen. 
  • Le Tribunal fédéral doit déterminer si l'action a été déposée dans le délai fixé par l'art. 250 al. 2 LP, à savoir dans les 20 jours qui suivent la publication du dépôt de l'état de collocation.
  • A cette fin, notre Haute Cour a dû déterminer si le délai de l'article 250 al. 2 LP est soumis aux règles de l'art. 145 al. 1 CPC ou de l'art. 63 LP. Il sied de préciser que les faits se sont déroulés durant la premier confinement causé par la pandémie de COVID-19, si bien que la réglementation d'urgence était susceptible de trouver application.
  • A cet égard, le Tribunal fédéral a relevé que le rapport entre le droit des délais du CPC et celui de la LP, et donc en particulier la portée de l'art. 145 al. 4 LP, était controversé en doctrine. Cette incertitude se reflétait également dans la jurisprudence cantonale (consid. 3).
  • Selon la jurisprudence fédérale, l'application de l'art. 63 LP présuppose l'existence d'un acte de poursuite au sens de l'art. 56 LP. Les actes des organes de la faillite ne constituent pas des actes de poursuite au sens de l'art. 56 LP, de sorte que les dispositions des art. 56 et 63 LP ne sont pas applicables. Ainis, le dépôt de l'état de collocation par l'office des faillites, qui déclenche le délai de l'action en contestation de l'état de collocation, n'est pas un acte de poursuite, si bien que la prolongation du délai fondée sur l'art. 63 LP pour agir en contestation de l'état de collocation ne pouvait trouver application (consid. 4.1).
  • Le Tribunal fédéral a donc considéré que les féries judiciaires prévus à l'art. 145 al. 1 CPC étaient applicables au cas d'espèce (consid. 4.2).
  • De ce fait, il était nécessaire d'appliquer l'art. 145 al. 1 LP au délai prévu par l'art. 250 al. 2 LP pour introduire une action en contestation de l'état de collocation. Le délai avait commencé à courir le 17 mars 2020. En application de l'art. 145 al. 1 let. a CPC, le délai avait été suspendu pendant les fêtes de Pâques. Au lieu de la période prévue par la loi, à savoir du septième jour avant Pâques (5 avril 2020) au septième jour après Pâques (19 avril 2020), les suspensions avaient duré cette année-là, conformément à l'art. 1 al. 1 et l'art. 2 de l'ordonnance du 20 avril 2020 (COVID-19) (RO 2020 849), du 21 mars 2020 au 19 avril 2020. Le délai de vingt jours avait donc expiré le 6 mai 2020, si bien que l'action déposée le 4 mai 2020 l'avait été dans les délais (consid. 2 et 4.4).

TF 5A_452/2021 2  du 14 décembre 2022 | Légitimation à recourir des tiers créanciers non parties à la procédure d'ouverture de la faillite (art. 191 LP) 

  • Le 8 mars 2021, B. a requis du Bezirksgericht de Meilen sa faillite en se déclarant insolvable conformément à l'art. 191 LP. Par jugement du 12 mars 2021, le tribunal a ouvert la faillite de B. Le 25 mars 2021, la masse en faillite ancillaire de A., tiers créancier de B., non-partie à la procédure de première instance, a formé un recours contre l'ouverture de la faillite. L'Obergericht zurichois n'est pas entré en matière, au motif que ladite masse ne bénéficiait pas de la qualité pour recourir. 
  • Dans le cadre de son recours devant le Tribunal fédéral, le tiers créancier a argué que ses droits n'étaient pas simplement touchés par réflexe, mais directement et suffisamment fortement pour justifier une contestation de la décision. Sur cette base, il a soutenu que le grief soulevé, à savoir l'absence de compétence territoriale ou internationale pour ordonner la faillite, donnait droit à un recours selon le CPC.
  • Le Tribunal fédéral a rappelé s'être penché à plusieurs reprises sur la légitimation à recourir des créanciers qui ne sont pas parties à la procédure d'ouverture de la faillite (consid. 3.2) et a également mis en évidence que les pratiques cantonales et la doctrine n'étaient pas uniformes sur le sujet (consid. 3.3).
  • En particulier, il a cité un arrêt du 25 avril 2013 (TF 5A_43/2013) dans lequel il s'était prononcé avec un pouvoir de cognition illimité sur la question de savoir si les tiers créanciers qui n'ont pas eux-mêmes introduit la réquisition de faillite peuvent recourir contre le prononcé de la faillite. Il a nié la légitimation à recourir en se référant au principe que l'ouverture de la faillite n'a que des effets réflexes sur les droits des créanciers et que l'art. 174 al. 1 LP, auquel renvoie l'art. 194 LP, parle expressément des « parties » (consid. 3.2.3). 
  • Notre Haute Cour a toutefois précisé ensuite que les règles relatives au lieu d'ouverture de la faillite sont établies (également) dans l'intérêt des créanciers et sont de nature contraignante. Il existe donc une réserve quant à l'absence de droit de recours : étant donné que, par nature, aucune poursuite préalable n'a lieu dans la procédure de l'art. 191 LP et qu'aucune commination de faillite n'est prononcée, il peut être justifié de permettre aux tiers créanciers de faire valoir leur intérêt à ce que la faillite se déroule au bon endroit par la voie d'un recours (consid. 3.4.1).
  • Dans le cas d'une déclaration d'insolvabilité qui n'a pas été faite au bon endroit, il s'agit d'intérêts importants du tiers créancier ; l'impossibilité d'ouvrir la faillite au lieu compétent peut représenter un grave préjudice pour les créanciers. Rien ne s'oppose à ce que l'on autorise le grief de compétence, afin de faire prévaloir dans cette mesure les intérêts des créanciers dans le cas de la faillite privée. En revanche, il n'y a pas lieu de discuter ici de ce qui vaut pour le grief de l'abus de droit ou de ce qu'il en est dans les procédures dans lesquelles l'ouverture de la faillite a été précédée d'une réquisition de faillite du créancier poursuivant (consid. 3.4.3).
  • Au vu de ce qui précède, notre Haute Cour a considéré que la Recourante était en droit, en tant que tiers créancier, de contester la faillite ouverte à l'encontre de B. sur la base de l'art. 191 LP en faisant valoir que la faillite n'a pas été ouverte au bon endroit (consid. 3.5).
  • Partant, le recours a été admis et l'affaire renvoyée à l'instance précédente (consid. 4).
  1. ENTRAIDE INTERNATIONALE

 Footnotes

1. Soumis à publication

2. Soumis à publication

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.