Au cours de ces dernières années, le contentieux lié aux clauses d'indexation a nourri une large part du courant jurisprudentiel relatif aux baux commerciaux. Depuis les premiers soubresauts générés par les contentieux initiés par certains preneurs et leurs conseils particulièrement zélés, la jurisprudence a eu l'occasion de fixer certains principes d'interprétation de la clause d'indexation.

En effet, la rédaction de la clause d'indexation (ou clause d'échelle mobile) peut s'avérer être un exercice délicat et la liberté contractuelle y est notamment limitée par certaines dispositions légales telles que celles de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier.

Pour rappel, ce texte impose notamment et en substance que la durée séparant deux indexations soit identique à celle séparant les indices utilisés pour déterminer le loyer résultant de l'indexation.

Ainsi les premiers litiges notables se sont noués autour de clause comportant un indice de base fixe et, dès 2010, les premiers jugements hostiles à ce type de clause ont été rendus (notamment TGI Paris, 18ème ch., 2ème sect., 5 janvier 2010). Ces derniers ont été rapidement suivis par des jugements en sens contraire et la cour d'appel de Paris a précisé que si le texte légal n'interdit pas de prendre en considération un indice de base fixe, l'organisation contractuelle d'une distorsion entre la période de variation de l'indice et la période s'écoulant entre deux révisions est quant à elle prohibée (CA Paris, 12 septembre 2012, n° 10/19195).

Finalement c'est bien cette notion de distorsion qui a été retenue par la Cour de cassation comme critère de détermination des clauses prohibées (Cass. 3ème civ., 16 octobre 2013, n° 12-16335).

C'est dans ce contexte de formation de l'édifice jurisprudentiel que la Cour de cassation apporte une nouvelle pierre.

Dans cette nouvelle affaire, un bail qui avait pris effet le 1er septembre 1999 prévoyait que le loyer de base serait indexé le 1er janvier suivant puis ensuite à la même date en fonction des variations de l'indice du coût de la construction : dès lors, les indices pris en compte se trouvaient séparés d'une année tandis que seulement quatre mois s'étaient écoulés entre la prise d'effet du bail et la date d'indexation. Le preneur, considérant donc que la clause instituait une distorsion relative à l'indexation réalisée dès le 1er janvier 2000, a assigné le bailleur en restitution d'un tropperçu de loyer.

Le litige a été porté devant la cour d'appel dont l'arrêt a bien reconnu la distorsion en question mais, eu égard à ses effets minimes, d'une part, et à un prétendu pouvoir du juge pour en apprécier la gravité, d'autre part, a décidé de ne pas appliquer la sanction de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier.

Bien entendu, le preneur s'est pourvu en cassation. La Haute juridiction a cassé l'arrêt d'appel en raison de la violation de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier. La Cour de cassation vient donc couper court à toute tentative du juge de s'arroger un quelconque pouvoir d'appréciation de la gravité des effets de la distorsion relative à l'indexation du loyer. Les effets de la réputation non-écrite prévue par le Code monétaire et financier ne sauraient donc souffrir aucun tempérament judiciaire.

Cette solution est salutaire à plus d'un titre. En premier lieu, elle a le mérite de répondre a priori à une interrogation que certains praticiens souhaitaient manifestement voir lever. En second lieu, elle semble gage de sécurité juridique dans la mesure où elle vient consolider la jurisprudence actuelle relative aux effets d'une distorsion de l'indexation.

Enfin, on peut également considérer que cette décision était nécessaire afin d'empêcher le juge de s'octroyer un pouvoir d'appréciation de l'économie du contrat, un tel pouvoir n'étant que rarement souhaitable ou, le cas échéant, spécifiquement institué. Aussi, la logique même adoptée par la cour d'appel appelait quelques réserves : on comprendrait d'autant moins la nécessité de ne pas appliquer la sanction prévue par le texte légal aux motifs que les effets de la distorsion sont minimes puisque, par hypothèse, les effets de ladite sanction, à savoir la restitution d'un trop-perçu de loyers, devraient eux-mêmes demeurer minimes. A noter toutefois la faible publication à laquelle l'arrêt de la Cour de cassation est destiné, les praticiens apprécieront.

Une fois de plus, on ne saurait trop insister sur la nécessité, à la fois pour les preneurs et les bailleurs, de se faire assister par des conseils à la fois rompus aux exercices de rédaction et de négociation d'un bail commercial et, autant que possible, à jour de l'actualité jurisprudentielle.

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