LE CLIMAT TUE

Le changement climatique n'en finit plus de faire des victimes. Notamment chez les journalistes. Il y a eu d'abord le cas de Eric Holthaus qui, lisant le 5e rapport du GIEC dans l'avion, le 27 septembre 2013, a pleuré, immédiatement tweeté son chagrin et décidé de ne plus remettre les pieds à bord d'un aéronef. Depuis, il mesure l'impact positif de sa décision sur la planète. Franchement, l'épisode laisse sans voix. D'abord lire un rapport du GIEC plutôt que toute autre publication, comme le magazine de la compagnie aérienne par exemple, c'est plus que de la conscience professionnelle : une abnégation, puisque, de l'avis de ceux qui s'y sont risqués, on n'y comprend rien. Tous les 6 ans – ce qui est un délai raisonnable quand on travaille sur des données relatives à des milliers d'années (surtout quand on n'oublie pas celles qui faisaient du Groenland, mot à mot, un pays vert) – le GIEC publie des rapports de plusieurs milliers de page réunis en trois forts volumes (éléments scientifiques, impacts et adaptation, atténuation du changement climatique), chacun accompagnés d'un « résumé à l'intention des décideurs ». Mais, même ces textes sont abscons. Selon le Centre for Climate Change Economics and Policy de l'Université de Leeds « Les décideurs politiques doivent avoir l'équivalent d'un doctorat en science du climat pour commencer à saisir pleinement le sens des rapports ». Et ces chercheurs, qui ne sont pas nés de la dernière pluie, ajoutent que « même des textes d'Albert Einstein » sont plus limpides. On pourrait trouver là une autre explication des larmes de M. Holthaus : l'incompréhension, le regret de ne pas avoir terminé un doctorat en climatologie au MIT ? Mais on ne comprend toujours pas sa décision de ne plus prendre l'avion puisque, avec ou sans lui, le trafic aérien enregistre un doublement du nombre de passagers tous les 15 ans. En 2013, trois milliards d'inconscients ont préféré le magazine de la compagnie aérienne aux rapports du GIEC. Franchement, c'est à n'y rien comprendre.

Autre victime récente parmi les journalistes, Philippe Verdier, présentateur de la météo sur le petit écran, auteur de « Climat Investigation » (Ed. Ring), licencié pour avoir, sans mettre de distance entre son employeur et lui, non pas nié le changement climatique mais seulement, émis des doutes sur la fabrication du consensus politique et dénoncé son caractère impératif. Aucun doctorat ne paraît nécessaire pour aborder son ouvrage, ce qui indéniablement, l'a desservi dans le procès en sorcellerie dont il a été victime. Il est vrai qu'auparavant d'autres scientifiques avaient été conduits au bûcher : Claude Allègre et Vincent Courtillot, notamment. Quant à Emmanuel Le Roy Ladurie, il va dans dire que personne, parmi les procureurs de la pluie et du beau temps, n'a lu son Histoire du Climat depuis l'an mil (Flammarion, 1967).

Bien évidemment, on ne se prononcera pas sur le fond (ou la fonte) de ce sujet grave, mais on ne peut manquer d'être frappé de la violence avec laquelle le moindre doute est traqué, dénoncé, vilipendé, réprimé. 2015 est une sale année pour Voltaire : je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je vous battrai à mort pour que vous ne puissiez le dire...

SOURCES

Jurisprudence

PBEA, illégalité d'un acte administratif et jurisprudence Danthony. Le maire de la commune de Cabriès avait interrogé le service des domaines sur la valeur vénale de parcelles, objet d'un bail emphytéotique administratif envisagé pour la construction d'un groupe scolaire. Trois jours plus tard, le conseil municipal avait approuvé le bail et la convention de mise à disposition de la commune de l'école à construire et autorisé le maire à les signer sans connaître la teneur de l'avis de France Domaine. Une association avait alors demandé au TA d'annuler cette délibération au motif qu'elle était intervenue au terme d'une procédure irrégulière. Les juges du fond ayant fait droit à cette demande, une des sociétés du groupement retenu s'est pourvue en cassation. Le CE rappelle que "si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie". Il ajoute que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. Si cette consultation ne présente pas le caractère d'une garantie, en l'espèce, « il appartient [...] au juge saisi d'une délibération prise en méconnaissance de cette obligation de rechercher si cette méconnaissance a eu une incidence sur le sens de la délibération attaquée ». Ainsi la CAA avait commis une erreur de droit en omettant cet examen (CE, 23 octobre 2015, Société CFA Méditerranée, n°369113).

Extension de la possibilité de jonction des requêtes. Dans le cadre d'un litige opposant le ministre chargé du budget et un contribuable ayant déposé deux requêtes distinctes. Le ministre s'est pourvu en cassation et invoquait l'erreur qu'auraient commise les juges du fond qui avaient joint les deux requêtes. Le ministre se prévalait de la jurisprudence Moulin-Jacquot selon laquelle il est interdit au juge de joindre les requêtes de deux contribuables distincts quel que soient les liens de fait ou de droit existants entre les impositions contestées. Le Conseil d'Etat lève cette interdiction en jugeant que "dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des contribuables ou des impositions distincts; que la jonction est, par elle même, insusceptible d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peut, par suite, être contestée en tant que telle devant le juge d'appel ou devant le juge de cassation" (CE, 23 octobre 2015, Ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, n°370251).

Responsabilité décennale d'un fabricant. Absence de responsabilité solidaire d'un fournisseur. Une commune avait confié à une société l'aménagement d'une place et choisi l'État comme maître d'Suvre. Des désordres étaient apparus et la commune avait alors formé un recours tendant à ce que les responsabilités de ladite société, du maître d'Suvre et de l'entreprise ayant fourni des matériaux à la première société, soient engagées. En cassation, le Conseil d'État juge que « conformément aux principes régissant la responsabilité décennale des constructeurs, la personne publique maître de l'ouvrage peut rechercher devant le juge administratif la responsabilité des constructeurs pendant le délai d'épreuve de dix ans, ainsi que, sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil précité, la responsabilité solidaire du fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance ». En l'espèce, la CAA n'avait pas commis d'erreur de droit puisque la responsabilité de la société ayant fourni les matériaux ne pouvait être solidairement recherchée devant le juge administratif sur le fondement de l'article 1792-4 du Code civil. En effet, ladite société était seulement fournisseur et non sous-traitant. Elle avait livré un « simple matériau qui ne pouvait être qualifié d'ouvrage, de partie d'ouvrage, ou d'éléments d'équipement au sens des dispositions » de l'article 1792-4 du Code civil (CE, 21 octobre 2015, Commune de Tracy-sur-Loire, n°385779).

Appel incident du pouvoir adjudicateur dans le cadre d'un recours en contestation de la validité du contrat. La région PACA avait mené une procédure en vue de l'attribution d'un marché de location de longue durée de véhicules. Sur la demande d'un concurrent évincé, le TA de Marseille avait annulé ce marché et condamné la région à lui verser la somme de 99 200 € en réparation du préjudice subi. La société avait fait appel de ce jugement en tant qu'il rejetait le surplus de ses conclusions indemnitaires et la région avait formé un appel incident contre sa condamnation et contre l'annulation du marché. L'arrêt d'appel de la CAA de Marseille avait porté à 717 440 € le montant de l'indemnité à payer à la société évincée et avait rejeté comme irrecevables les conclusions de l'appel incident de la région contre l'annulation du marché au motif qu'elles soulevaient un litige distinct de l'appel principal. Le Conseil d'Etat a, au contraire, jugé que lorsqu'une juridiction se prononce sur les différentes conclusions dans le cadre d'un recours contestant la validité du contrat – qu'il s'agisse d'annuler totalement ou partiellement le contrat, d'en prononcer la résiliation ou de modifier certaines de ses clauses, ou encore de décider la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation, ou bien d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés – ces mesures se rattachent toutes à un même litige. Ainsi, l'appel incident d'un pouvoir adjudicateur contestant l'annulation d'un marché par le juge du contrat ne soulève pas un litige distinct de l'appel du concurrent évincé portant sur la réparation du préjudice résultant de son éviction (CE, 21 octobre 2015, Région Provence-Alpes-Côte-D'azur, n°384787)

Référé précontractuel. Une société dont l'offre avait été rejetée par la communauté urbaine du Grand Dijon avait demandé au juge du référé précontractuel d'annuler la procédure lancée par la communauté urbaine en vue de la passation d'un marché portant sur la réalisation d'enquêtes de déplacement préalables aux projets d'investissement liés à l'éco-mobilité. Le TA avait fait droit à cette demande. En l'espèce, le règlement de la consultation excluait "les variantes et options". Les candidats devaient proposer deux propositions alternatives de saisie des données, l'une sur support écrit et l'autre sur support numérique. Le CE annule l'ordonnance au motif que le juge des référés du TA a dénaturé les pièces du dossier en considérant que la communauté urbaine n'avait pas porté à la connaissance des candidats le fait que les deux solutions feraient l'objet d'une appréciation séparée, selon les mêmes critères, et que le pouvoir adjudicateur se réservait la possibilité de sélectionner uniquement l'une de ces deux solutions. La société soutenait également que les règles de la consultation avaient été méconnues, dès lors qu'avait été retenue la " solution 2 " de saisie des données sur support numérique alors qu'étaient exclues les variantes et les options, mais le CE a considéré que cette proposition, demandée obligatoirement au candidat, devait être regardée comme une solution alternative à la saisie sur support papier et ne pouvait être assimilée ni à une option, ni à une variante (CE, 21 octobre 2015, Communauté urbaine du Grand Dijon, n°391311).

Appartenance au domaine public. Des particuliers qui disposaient de conventions d'occupation sans limitation de durée sur un port intérieur fluvial avaient demandé l'annulation des arrêtés par lesquels le président de l'EPCI gestionnaire leur avait désormais accordé des autorisations annuelles d'occupation du domaine public. La CAA ayant annulé les jugements du TA et les arrêtés contestés, l'EPCI s'est pourvu en cassation. Le Conseil d'État a rappelé les critères d'appartenance au domaine public et a jugé que « lorsque le juge administratif relève qu'un port intérieur, réalisé antérieurement à l'entrée en vigueur du CGPPP, n'appartenait pas au domaine public fluvial lors de sa création et n'a fait l'objet ensuite d'aucune décision de classement dans le domaine public fluvial de ces établissements, il lui incombe, pour déterminer si le port appartenait au domaine public de ces EPCI, de vérifier s'il était affecté à l'usage direct du public ou s'il était affecté à un service public et spécialement aménagé en vue de ce service public ». En l'espèce, la CAA s'était bornée à relever que le financement du port avait été assuré par la vente à environ 150 particuliers de concessions d'emplacements, d'une durée illimitée, transmissibles et cessibles et que son accès était interdit aux personnes qui ne sont ni concessionnaires ni locataires d'un emplacement. La CAA avait ainsi commis une erreur de droit en se fondant sur de telles circonstances qui ne pouvaient par elles-mêmes faire obstacle à ce que le port soit affecté à un service public (CE, 21 octobre 2015, n°367019).

Gouvernement

Egalité d'accès aux AAI et ordres professionnels. La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a présenté les projets de loi ratifiant les ordonnances n° 2015-948 du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des ordres professionnels et n° 2015-950 du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration des mutuelles (Conseil des ministres du 28 octobre 2015).

Entreprises riveraines de sites à risque. L'ordonnance relative aux plans de prévention des risques technologiques présentée par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a été publiée au JO. Elle consacre la mise en Suvre de solutions alternatives aux obligations de travaux de renforcement pour les entreprises situées dans le périmètre de sites à risques (Ordonnance n°2015-1324 du 22 octobre 2015, JO 23 octobre 2015).

PRATIQUE

Le Nouveau Code Des Relations Entre Le Public Et L'administration

Les règles gouvernant les relations entre l'administration et les usagers, qui étaient jusqu'à présent éparses dans la législation, seront régies par un code à compter du 1er janvier 2016. Les parties législative et règlementaire du Code des relations entre le public et l'administration (CRPA) ont été publiées simultanément au JO du 25 octobre 2015 (ordonnance n°2015-1341 du 23 octobre 2015 et décret n°2015-1342 du 23 octobre 2015). Le nouveau code est construit en 5 livres relatifs respectivement aux échanges avec l'administration, aux actes unilatéraux pris par l'administration, à l'accès aux documents administratifs et la réutilisation des informations publiques, au règlement de différends avec l'administration et enfin aux dispositions relatives à l'outre-mer. Il s'agit d'une codification à droit constant, pour l'essentiel, des règles transversales législatives et jurisprudentielles régissant les rapports du public (personnes physiques et morales de droit privé) avec l'administration et les étapes de ce que l'on peut appeler le dialogue administratif. Le code reprend les règles principales des grandes lois relatives aux droits des administrés (communication des documents administratifs, motivation des décisions administratives, recours administratifs et juridictionnels,...).

Destiné à être la lex generalis des relations du public avec l'administration, la codification visait un objectif d'accessibilité. Le code a donc été conçu pour que le citoyen non-juriste puisse avoir accès à la règle qu'il cherche.

L'entrée en vigueur du code est prévue au 1er janvier 2016 sauf pour quelques règles dont l'entrée en vigueur a été reportée au 1er juin 2016 : il s'agit des règles relatives au retrait et à l'abrogation des actes administratifs. En effet, le code procède entre autres à une simplification de ce régime de retrait et d'abrogation, mettant ainsi un terme à l'application de la jurisprudence Ternon (CRPA, articles L.240-1 et suivants).

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