1- Le dispositif INSTEX a pour but de faciliter le commerce « légitime » avec l'Iran, en offrant aux opérateurs qui souhaitent commercer avec ce pays un outil propre à suppléer à la quasi-disparition des canaux bancaires traditionnels.

Il ne constitue pas un établissement de crédit, ne dispose pas d'une licence bancaire et n'a pas pour objet de financer des opérations, mais uniquement de faciliter leur paiement. Dans ce but, il fonctionnera sur la base d'un mécanisme de compensation, reposant sur un équilibre entre les importateurs et les exportateurs européens, les derniers se faisant payer par les premiers.

2- Sur un plan formel, INSTEX est constitué sous la forme d'une société de droit privé dont le siège est en France, détenue à parité par trois Etats membres de l'UE (France, Allemagne, Royaume-Uni), qui se partagent sa gouvernance, dans un esprit de partage des responsabilités. Elle a vocation à s'ouvrir, comme le prévoient ses statuts, à d'autres Etats membres de l'UE qui le souhaiteraient.

Quoique désormais enregistrée, la société n'est toutefois pas encore opérationnelle. Son démarrage effectif suppose notamment la mise en place, du côté iranien, d'une structure miroir ; les discussions sont en cours avec Téhéran dans cet objectif. Des procédures doivent en outre être précisées afin de garantir que les opérations couvertes respectent les règles applicables du droit de l'UE, notamment en matière de lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme et de biens à double-usage.

3- Le champ du commerce « légitime » visé par la déclaration conjointe des trois gouvernements n'est pas précisément défini ; aucune référence n'est faite à cet égard aux secteurs faisant l'objet de sanctions par les Etats-Unis. Les statuts de la société permettent de traiter toute opération commerciale respectant le droit de l'UE et les règles internationales. Mais la déclaration souligne que INSTEX aura pour priorité initiale les secteurs les plus essentiels pour la population iranienne, tes que la pharmacie, les équipements médicaux et les denrées alimentaires. On sait que le commerce dans ces secteurs, quoique exonérés parles sanctions américaines, est aujourd'hui de facto entravé par l'attrition des canaux de paiement.

Le pétrole n'est pas mentionné par la déclaration, mais il est prévu que des discussions soient menées avec les Etats importateurs car les recettes générées par les ventes de pétrole seront un moyen essentiel pour alimenter le fonctionnement du mécanisme.

4- Il est important de souligner que INSTEX n'a pas pour objet de garantir une protection juridique aux opérateurs dans leur commerce avec l'Iran, mais de leur fournir un appui et des facilités lorsqu'ils sont exposés à l'absence de solutions de paiement. Toutefois, la validation de leurs transactions par INSTEX attestera de leur conformité aux règles européennes et internationales reconnues. Elle ne suffira pas cependant à leur conférer une immunité juridique au regard des dispositions extraterritoriales du droit américain.

5- La création de ce dispositif et sa présentation publique répondent en premier lieu à un objectif politique. Elles attestent de la volonté des Européens de maintenir leurs engagements au titre du JCPOA, pour autant que l'Iran continue à faire de même, et témoignent de leurs efforts pour permettre la poursuite des échanges commerciaux avec ce pays conformément aux engagements réciproques. INSTEX poursuit ainsi la démarche illustrée par le règlement européen 2271/96 dit de blocage. L'initiative a reçu à ce titre un accueil positif et prudent de la part des autorités iraniennes, qui en relèvent les limites et le caractère non encore opérationnelle à ce stade.

De manière symétrique, cette annonce a suscité des réactions de vigilance de la part des Etats-Unis, le Département d'Etat rappelant que les "entities that continue to engage in sanctionable activity involving Iran risk severe consequences that could include losing access to the U.S. financial system and the ability to do business with the United States or U.S. companies", en ajoutant que « we do not expect the SPV will in any way impact our maximum economic pressure campaign".

On peut anticiper que l'attitude des importateurs de pétrole, et leur participation au dispositif, seront des éléments clés du point de vue à la fois de l'effectivité du mécanisme de compensation et de l'attitude des Etats-Unis.

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