Sensibiliser les maîtres d'ouvrage à explorer le potentiel d'évolution de leurs ouvrages, plutôt que de les sanctionner à défaut d'une telle démarche, telle est pour l'heure la philosophie du projet de loi voté par l'Assemblée nationale en première lecture et bientôt discuté au Sénat.

Après avoir été voté solennellement par l'Assemblée nationale le 4 mai 2021, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets sera débattu en séance publique au Sénat à partir du 15 juin, avant d'être définitivement adopté en septembre 2021.

Parmi les dispositions pouvant affecter leur activité, les professionnels de l'immobilier et de la construction noteront l'incitation faite par le projet de loi à la conception de bâtiments réversibles et évolutifs, afin notamment de faire face à la pénurie de logements et d'économiser les ressources. Pour mémoire, la réversibilité s'entend de la capacité de changer l'usage d'un bâtiment, et l'évolutivité de la possibilité de changer la configuration d'un bâtiment sans en changer l'usage.

Le projet de loi (article 54) prévoit à compter du 1er janvier 2023 la réalisation de deux études  : la première relative au changement de destination et à l'évolution future d'un bâtiment à construire, et la seconde relative au potentiel changement de destination et d'évolution d'un bâtiment à démolir. L'absence de réalisation de ces études n'empêchera pas la réalisation des opérations souhaitées par le maître d'ouvrage, mais entraînera une sanction administrative dans le cadre de la police de la construction.

Etude préalable à la construction

Le futur article L. 122-1-1 du Code de la construction et de l'habitation (CCH) imposera ainsi, préalablement à la construction de certaines catégories de bâtiment ou préalablement à une opération de surélévation, la réalisation d'une étude du potentiel de changement de destination et d'évolution du bâtiment, y compris par sa surélévation. La personne chargée de mener à bien cette étude remettra au maître d'ouvrage un document attestant de sa réalisation. Cette attestation devra être transmise aux services de l'Etat compétents avant le dépôt de la demande de permis de construire.

Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application de cette mesure et notamment les catégories de bâtiments concernés, le contenu de l'étude et de l'attestation ainsi que la compétence des personnes chargées de la réalisation de l'étude.

Toutefois, ni l'étude, ni le document attestant de sa réalisation ne constitueront un préalable à l'obtention du permis de construire. Les services instructeurs ne sanctionnant que le respect des règles d'urbanisme, il n'auront pas à prendre en compte ces documents qui n'auront pas à être joints à la demande de permis de construire.

Etude préalable à la démolition

S'agissant des opérations de démolition et de rénovation lourde susceptibles de produire une certaine quantité et nature de déchets, l'article L. 126-34 du CCH impose la réalisation d'un diagnostic relatif à la gestion des déchets générés. Ce diagnostic est une obligation légale à la charge du maître d'ouvrage permettant de recueillir, avant une démolition, des informations sur le réemploi ou la valorisation des produits, matériaux et déchets engendrés par des travaux de démolition ou de réhabilitation.

Le futur article L. 126-35-1 du Code de la construction et de l'habitation, prévoira que pour tout bâtiment soumis à la réalisation du diagnostic susmentionné, le maître d'ouvrage devra faire réaliser une étude évaluant le potentiel de changement de destination et d'évolution du bâtiment, y compris par sa surélévation.  L'étude est jointe au diagnostic « produits, matériaux et déchets ».

Un décret viendra préciser le périmètre des bâtiments visé par cette obligation (il s'agira certainement du même périmètre que celui du diagnostic déchets, c'est-à-dire 1 000 m²), le contenu de l'étude ainsi que les personnes chargées de sa réalisation.

La question de la sanction en cas de non-réalisation des études

Le défaut de réalisation de ces études ne fera pas obstacle à la délivrance du permis de construire ou à la réalisation des travaux de démolition. De même, le projet de loi ne prévoit pas de contrôler le contenu de ces études. Ces dernières auront, du moins dans un premier temps, pour seul objet de sensibiliser les maîtres d'ouvrage à l'éco-conception des bâtiments.

L'absence d'impact de la réalisation ou non de ces études quant au projet envisagé a été vivement critiqué lors des débats parlementaires, notamment par Sylvia Pinel qui a reproché la mise en place d'études coûteuses n'allant pas dans le sens de la simplification des normes de construction.

Il ressort toutefois des débats parlementaires que la sanction du défaut de réalisation de ces études devrait être prévue dans le nouveau régime de police administrative portant sur le contrôle des règles de construction qui sera créé par ordonnance en application de l'article 45 du projet de loi...

Originally Published by Le Moniteur

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