Dans sa décision infirmant celle de la Cour canadienne de l'impôt, la Cour d'appel fédérale a jugé que, relativement à un arrangement de financement complexe prévoyant des commissions de courtage à l'occasion de la vente de titres de fonds communs de placement à des investisseurs, les fonds communs de placement ont bénéficié d'une fourniture exonérée de TPS d'un service financier effectuée par une entité à but unique constituée par une banque américaine.

La principale question dans l'affaire SLFI Group c. Canada, 2019 CAF 217 était de savoir si les fonds communs de placement étaient tenus d'établir eux-mêmes les cotisations de TPS à l'égard des services qui leur ont été fournis aux termes de l'entente de financement en vertu des règles sur la « fourniture taxable importée » de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA »), au motif que ces services étaient en fait taxables, mais qu'ils ont été fournis à l'étranger.

Contexte

Les appelants étaient un groupe de 72 fonds communs de placement (les « Fonds ») et leur gestionnaire, Invesco Canada Ltd. (le « gestionnaire »). Le litige portait sur le mode de financement de certains paiements de commissions et, en particulier, sur les conséquences fiscales de l'entente de financement. Lorsque les titres des Fonds ont été vendus à des investisseurs tiers, ces derniers ont bénéficié d'une option de paiement différé qui leur permettait d'éviter complètement de payer les commissions s'ils conservaient leurs placements dans les Fonds pendant une certaine période. Puisque quelqu'un devait tout de même payer la commission au moment de la vente, le gestionnaire s'est chargé de le faire à la place des investisseurs.

Initialement, le gestionnaire a financé les paiements, en plus de les effectuer. Toutefois, le 1er avril 2002, les Fonds ont conclu une entente de financement complexe avec Citibank, N.A., une banque américaine (« Citibank »), aux termes de laquelle cette dernière a établi une nouvelle entité à vocation unique située aux États-Unis (« FundCo ») qui a convenu d'effectuer des paiements quotidiens correspondant aux commissions différées des courtiers. En contrepartie, les Fonds ont accepté de verser certains honoraires à FundCo (les « honoraires »). Les droits sur les honoraires ont ensuite été transférés à Citibank par FundCo. Une autre entité, Citicorp, a agi à titre de mandataire pour Citibank et FundCo dans le cadre de l'entente.

La transaction a été structurée de cette manière principalement pour se conformer à la réglementation sur les valeurs mobilières et pour éviter certaines contraintes commerciales.

Décision de la Cour canadienne de l'impôt

Pendant des années, le gestionnaire a établi lui-même les cotisations de TPS (pour le compte des Fonds qui n'étaient pas inscrits à ce moment-là) dans le cadre de l'entente de financement pour ce qui est d'une partie des honoraires (à titre de fourniture taxable importée en vertu de la partie IV de la LTA) et a inclus la taxe dans ses déclarations de TPS. Toutefois, du 1er février 2007 au 30 juin 2010, le gestionnaire a systématiquement présenté des demandes de remboursement, au nom des Fonds, visant de la taxe payée par erreur après l'établissement par l'ARC d'avis de cotisation pour chaque période de déclaration. L'argument du gestionnaire était que la TPS avait été établie par autocotisation et payée par erreur. L'ARC a ensuite refusé toutes les demandes de remboursement et, dans la mesure où le gestionnaire n'avait pas établi lui-même les cotisations de TPS pour les autres périodes pertinentes, a également établi une nouvelle cotisation pour les Fonds pour un montant total de près de 45 millions de dollars en se fondant sur le fait que les Fonds avaient acquis une fourniture taxable importée et que la taxe prévue à la partie IV de la LTA devait être établie par autocotisation pour chaque période fiscale pertinente.

Dans une décision rendue en 2017, la Cour canadienne de l'impôt (la « CCI ») a rejeté l'appel des Fonds concernant la nouvelle cotisation. Plus particulièrement, la CCI a rejeté les deux principales thèses avancées par les Fonds : (i) il n'y avait nulle « fourniture » et (ii) en supposant qu'il y en avait une, il s'agissait de la fourniture d'un « service financier ». (par. 28)

La CCI a déterminé qu'il y avait en fait fourniture de trois services principaux aux Fonds :

  • organiser le paiement des sommes de financement;
  • recevoir, traiter et transmettre les avis de financement;
  • déposer des sommes de financement dans un compte de fiducie afin de payer les commissions des courtiers. (par. 30)

La CCI a ensuite conclu qu'il y avait une fourniture unique dont l'élément dominant était le paiement quotidien des sommes de financement. (par. 31)

Bien que la CCI ait convenu que la fourniture unique était, en théorie, visée par l'alinéa a) de la définition de l'expression « service financier » au paragraphe 123(1) de la LTA et qu'elle devrait donc (du moins à première vue) être une fourniture exonérée de taxe, elle a néanmoins conclu que la fourniture était exclue de la définition de « service financier » à l'alinéa q) en raison de son caractère de « service de gestion ou d'administration » fourni à un régime de placement. À cet égard, la CCI a conclu que le paiement des commissions (y compris l'organisation de tels paiements) constituait des fonctions de gestion du gestionnaire et que la délégation de cette fonction (au groupe Citibank, dans ce cas) n'en avait pas changé la nature.

Par conséquent, la CCI a conclu que les services fournis par FundCo constituaient une « fourniture taxable importée » pour laquelle ils devaient établir eux-mêmes les cotisations de TPS (par. 33 et par. 34)

Décision de la Cour d'appel fédérale

En appel, la Cour d'appel fédérale (la « CAF ») a déterminé que la CCI avait commis une erreur manifeste et dominante en concluant que le gestionnaire avait délégué un service de gestion ou d'administration à FundCo, étant donné que, à son avis, le service fourni aux Fonds était un service financier habituellement fourni par les institutions financières. Par conséquent, il n'y a eu aucune fourniture taxable importée sur laquelle les Fonds ont été obligés d'établir eux-mêmes les cotisations de TPS. (par. 37)

Malgré cette conclusion, la CAF a rejeté les demandes de remboursement que le gestionnaire avait présentées pour la période allant du 1er février 2007 au 30 juin 2010. Cet aspect de la décision était fondé sur les exclusions prévues aux alinéas 261(2)a) et b) de la LTA qui interdisent les remboursements lorsque des cotisations ont été établies par les autorités fiscales. Comme l'a déclaré la CAF :

« La raison de cette exclusion est vraisemblablement que les contribuables peuvent interjeter appel de cotisations en présentant des avis d'opposition et qu'il n'est pas approprié de fournir un mécanisme d'appel par le biais de demandes de remboursement. » (par. 75)

Le reste de la présente section examine plus en détail le raisonnement de la CAF en ce qui concerne la conclusion selon laquelle il n'y a pas eu de fourniture taxable importée ainsi que le refus des demandes de remboursement.

Fourniture taxable importée

La CAF a d'abord déclaré que la CCI n'avait pas commis d'erreur dominante en concluant qu'il y avait eu fourniture, par opposition à un service consistant à fournir de l'argent. (par. 38)

La deuxième question est celle de savoir si la CAF a commis une erreur en concluant que les Fonds n'ont pas reçu un « service financier », au sens de la LTA. Comme l'a formulé la CCI, la première partie de l'analyse consiste à déterminer quels services ont été fournis aux Fonds, s'il s'agissait d'une fourniture unique, et, le cas échéant, quel était l'élément dominant de la fourniture. L'analyse de la CAF sur cette deuxième question était la suivante :

  • La CAF a convenu avec la CCI que les trois principaux services fournis aux Fonds étaient les suivants :
    1. l'organisation du paiement des sommes de financement;
    2. le dépôt des sommes de financement; et
    3. la transmission des avis de financement à Citibank;

et que ces trois éléments constituaient une fourniture unique, dont l'élément dominant était le paiement, sur une base quotidienne, des sommes de financement. (par. 41)

  • La CAF a conclu que FundCo a clairement fourni un service d'« organisation » du paiement des sommes de financement, ce qui constitue un « service financier », au sens de l'alinéa l) de la définition de l'expression « service financier » de la LTA. (par. 44)

La troisième question pour la CAF était de savoir si la CCI avait commis une erreur en concluant que le service n'était pas visé par la définition de l'expression « service financier » en étant exclu en vertu de l'alinéa q) comme un « service de gestion ou d'administration ». (par. 45)

La CAF a constaté une erreur manifeste lorsque la CCI a conclu que le paiement de commissions, même s'il faisait partie intégrante des activités et des opérations quotidiennes des Fonds, constituait des fonctions de gestion que le gestionnaire avait déléguées au groupe Citibank. Bien qu'il soit incontestablement vrai qu'en vertu de la réglementation sur les valeurs mobilières, le gestionnaire était tenu de s'assurer que les activités des Fonds se déroulaient correctement, cela ne signifiait pas, toutefois, que le gestionnaire devait personnellement fournir tous les services exigés par les Fonds. Par conséquent, lorsque les Fonds ont conclu l'entente de financement avec FundCo, les services relatifs à la nouvelle entente de financement ne figuraient pas parmi les services que le gestionnaire était tenu de fournir (les Fonds en ont eux-mêmes assumé l'entière responsabilité). De plus, même si les Fonds n'avaient pas d'employés, ils avaient des dirigeants et des fiduciaires ayant le pouvoir d'agir en leur nom. (par. 50)

La CAF a relevé une autre erreur dominante, à savoir que la CCI a jugé pertinent que le gestionnaire avait déjà financé les commissions. Ce fait, en soi, n'était pas pertinent; les relations antérieures que les Fonds peuvent avoir ou ne pas avoir eues avec le gestionnaire n'auraient pas dû être prises en considération au moment d'évaluer une entente avec une autre partie. (par. 59)

Enfin, la CAF a expressément confirmé que l'exclusion de « service de gestion ou d'administration » prévue à l'alinéa q) de la définition de l'expression « service financier » de la LTA vise les cas où la TPS/TVH est évitée en permettant à un gestionnaire de dégrouper ses services et de fournir des services strictement financiers aux termes d'une entente distincte. De l'avis de la CAF, cette règle anti-évitement n'est pas conçue pour s'appliquer lorsqu'une personne qui ne fournit pas de services de gestion fournit un service financier, comme ce fut le cas pour FundCo. Par conséquent, l'exclusion prévue à l'alinéa q) ne s'appliquait pas et les Fonds ont reçu une fourniture exonérée d'un service financier par FundCo. (par. 71)

Demandes de remboursement

Les demandes de remboursement ont été déposées en vertu du paragraphe 261(1) de la LTA. Cette disposition permet de demander un remboursement de la TPS/TVH qui est versée aux autorités fiscales à la suite d'une erreur ou autrement. Toutefois, la Couronne a soutenu que les demandes de remboursement devraient être rejetées en raison des exclusions particulières prévues aux alinéas 261(2)a) et b) de la LTA. En résumé, ces exclusions sont censées empêcher un contribuable de demander un remboursement si une cotisation officielle a été établie par les autorités fiscales relativement au montant réclamé. En d'autres termes, le mécanisme d'appel approprié dans un cas comme celui-ci serait de déposer un avis d'opposition plutôt qu'une demande de remboursement.

Malheureusement pour les Fonds, le gestionnaire aurait dû déposer un avis d'opposition pour préserver le droit de recouvrer l'impôt, ce qui n'a pas été fait après que l'ARC a établi les cotisations pour chaque période fiscale pertinente. Par conséquent, la CAF a rejeté les demandes de remboursement présentées par le gestionnaire pour la période allant du 1er février 2007 au 30 juin 2010.

Ce que vous devez retenir

La décision offre des possibilités de planification intéressantes pour les régimes de placement et les fonds en ce qui concerne le « dégroupage » des services qui sont actuellement fournis par un gestionnaire de fonds afin de réduire les pertes de TPS/TVH.

Bien qu'il semble clair que la LTA ne permettrait pas à un gestionnaire de fonds de dégrouper ses services et d'offrir une combinaison de services financiers et non financiers dans le cadre d'ententes distinctes, il semble maintenant possible de conclure des ententes distinctes avec un tiers, comme une institution financière, qui ne fournit pas par ailleurs de services de gestion à l'entité de placement, afin de « déléguer » certains services purement financiers qui sont normalement fournis par le gestionnaire du fonds. Il va de soi que toute entente de ce type exigerait qu'une attention particulière soit portée aux caractéristiques spécifiques de la situation visée.

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