Le 15 août 2018, la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement dans lequel elle concluait que la demanderesse, un transporteur par autobus effectuant du transport scolaire et nolisé, relève de la compétence provinciale. Les principaux motifs de la Cour à cet égard sont qu'il n'y a aucune régularité dans le service interprovincial offert par l'entreprise, ce qui empêche de la considérer comme une entreprise de compétence fédérale. Dans cette décision, la question de la compétence provinciale ou fédérale de l'entreprise se posait dans le contexte de l'application de la législation en matière de relations de travail. Cette décision, qui est actuellement en appel devant la Cour d'appel du Québec (demande pour permission d'appeler accueillie le 5 octobre 2018), fournit une occasion de revoir les critères développés par les tribunaux pour déterminer si une entreprise de transport est assujettie à la compétence provinciale ou fédérale.

Au Canada, le partage des compétences entre le Parlement fédéral et les législatures de chaque province est régi par la Loi constitutionnelle de 1867. En vertu de l'alinéa 92(10)a) de cette loi, une entreprise de transport de nature extraprovinciale relève de la compétence fédérale, alors qu'une entreprise de transport intra-provincial relève de la compétence provinciale. Cette distinction présente une importance fondamentale puisqu'elle permet de déterminer si les activités d'une entreprise sont soumises aux lois fédérales ou plutôt à celles de chaque province. L'enjeu réside notamment dans l'application des lois en matière de travail au sein de l'entreprise, car une entreprise de compétence fédérale n'est pas assujettie à la législation provinciale en matière de relations de travail et de conditions de travail. Au Québec, une entreprise de compétence fédérale n'est donc pas assujettie à la Loi sur les normes du travail ni aux dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail notamment en matière de retrait préventif (maternité), mais plutôt au Code canadien du travail, dont les dispositions sont moins généreuses envers les employés que les lois du Québec. Une telle entreprise est néanmoins assujettie à la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles qui instaure au Québec un régime d'indemnisation pour les victimes d'accidents de travail. Notons également qu'une entreprise de compétence fédérale n'est pas assujettie aux dispositions de la Charte de la langue française traitant des obligations liées à la langue dans les relations employeur-employé.

Ceci étant, toute entreprise qui offre un service de transport extraprovincial ne sera pas automatiquement considérée comme une entreprise de compétence fédérale. En effet, afin que la compétence fédérale d'une entreprise de transport soit reconnue, les mouvements extra-provinciaux qu'elle effectue doivent répondre au critère de « régularité et continuité » développé par les tribunaux. De façon générale, les activités extraprovinciales d'une entreprise seront considérées comme étant sur une base régulière et continue si le transporteur demeure prêt à offrir à ses clients un service de transport extraprovincial en tout temps. Si c'est le cas, les tribunaux du Québec reconnaissent que certains éléments ont peu d'importance, dont : i) le pourcentage du transport extraprovincial dans les activités de l'entreprise; ii) le caractère accessoire du transport extraprovincial par rapport à l'activité principale de l'entreprise; iii) le caractère saisonnier du transport extraprovincial, et iv) le fait que le transport extraprovincial connaisse des périodes de pointe à certains moments et qu'il soit interrompu à d'autres. À titre d'exemple, il fut décidé qu'une entreprise de transport dont seulement 6 % des déplacements étaient extra-provinciaux constituait néanmoins une entreprise de compétence fédérale, puisque ces déplacements étaient effectués sur une base régulière et continue.

L'état actuel du droit est ainsi qu'une entreprise de transport sera assujettie à la compétence fédérale si elle effectue des activités interprovinciales de façon régulière et continue, sans qu'il n'existe de pourcentage minimal ou de fréquence minimale à satisfaire. Les transporteurs de marchandises et de passagers porteront une attention particulière à l'arrêt à être rendu par la Cour d'appel du Québec dans le dossier dont elle est actuellement saisie.

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