Perspectives de la capitale

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « CRTC ») a publié son rapport tant attendu portant sur l'avenir de la distribution de la programmation au Canada. Intitulé « Emboîter le pas au changement : L'avenir de la distribution de la programmation au Canada »1, ce rapport donne un aperçu des changements qui se produisent au sein du marché en matière de technologie, de concurrence et de comportement des consommateurs. Des changements au cadre législatif et réglementaire sont également proposés au soutien de la production, de la distribution et de la promotion de la programmation canadienne à l'avenir.

Le rapport découle du décret publié en septembre 20172 par le gouvernement fédéral dans lequel ce dernier exigeait que le CRTC examine les trois questions suivantes :

  1. les modèles de distribution de programmation susceptibles d'exister à l'avenir;
  2. la façon dont les Canadiens accéderont à cette programmation et l'intermédiaire par lequel ils pourront y accéder;
  3. la mesure dans laquelle ces modèles pourront garantir un marché intérieur dynamique capable de soutenir en continu la création, la production et la distribution d'une programmation canadienne, dans les deux langues officielles, y compris une programmation originale dans les domaines du divertissement et de l'information.

Le gouvernement fédéral a demandé ce rapport dans le cadre de son examen plus général de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications qui avait été annoncé dans le budget fédéral de 2017.

Il n'est pas surprenant que le CRTC ait conclu que « [d]ans l'avenir, les Canadiens vont dépendre de plus en plus de l'Internet pour découvrir et consommer de la musique, du divertissement, des nouvelles et de l'information » et que la télévision et la radio traditionnelles joueront un rôle moins important que dans le passé, « car [elles] seront graduellement dépassé[e]s par les services en ligne ». Compte tenu des changements survenus au cours des vingt dernières années, il n'y a aucun doute que les Canadiens et Canadiennes ont accès à leurs programmes audio et vidéo depuis des plateformes en ligne et que ces plateformes vont prendre de plus en plus d'importance.

Le CRTC a également souligné que les possibilités liées à ce nouvel environnement et ses risques requièrent de nouvelles stratégies et directions, et que les approches auxquelles on a eu recours dans le passé ne pourront pas être utilisées pour relever les défis et tirer parti des occasions que présente le monde nouveau.

Le CRTC a formulé des propositions intéressantes et quelque peu controversées à l'égard de la question de savoir comment le Canada peut tirer parti des nouveaux modèles de distribution pour veiller à ce que le marché national de la programmation canadienne demeure dynamique. Ces propositions s'inscrivent dans deux grandes catégories : les changements législatifs et les changements réglementaires. Selon le CRTC, les propositions liées aux changements législatifs passent par la modification de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications, tandis que les changements réglementaires sont des changements que le CRTC peut mettre en place lui-même au cours des prochaines années.

Le premier changement législatif proposé est de remplacer le modèle actuel d'octroi de licences de diffusion par des accords de service détaillés et contraignants. Ces nouveaux accords s'appliqueraient aux services audio et vidéo tant canadiens que non canadiens, y compris les radiodiffuseurs traditionnels et les fournisseurs de nouveaux services numériques. Ces accords prévoiraient des mesures incitatives pour encourager la participation des parties au nouveau système et exigeraient que ces dernières s'engagent à assurer la réalisation des objectifs culturels qu'a le Canada depuis longtemps.

Le deuxième changement législatif comporte la restructuration de la stratégie de financement du Canada relative à la production de la programmation canadienne. En particulier, le CRTC propose de réviser et d'élargir le modèle de financement actuel pour qu'il comprenne la participation des fournisseurs de services télévisuels, les stations de radio et les fournisseurs de services sans fil et d'Internet (FSI). Il serait nécessaire de modifier la législation pour inclure les fournisseurs de services sans fil et les FSI dans ce modèle de financement de programmes3. Selon le CRTC, un fonds intégré pourrait être neutre sur le plan des revenus et ne pas nécessiter que les consommateurs canadiens assument des coûts supplémentaires.

Le troisième changement législatif a trait à l'élaboration de nouvelles stratégies en vue i) de favoriser l'exportation de contenu canadien, ii) de financer des programmes de recherche et investir dans de nouvelles technologies; iii) de créer un leadership inclusif pour des postes de création clés et iv) d'améliorer la collecte de données afin de pouvoir gérer et surveiller la monétisation des droits relatifs au contenu.

Pour ce qui est des cadres réglementaires qui relèvent de la compétence du CRTC, ce dernier propose qu'un certain nombre de changements potentiels soient envisagés, notamment ceux qui suivent :

  • réexaminer l'approche réglementaire par rapport à la radio en vue d'innover, de manière à faire en sorte que ce secteur puisse continuer à apporter une contribution notable à la promotion et à la présentation de la musique et des artistes canadiens dans l'environnement numérique;
  • examiner des façons de soutenir la production de nouvelles télévisées en fournissant un accès accru aux revenus d'abonnement;
  • réexaminer le rôle et l'efficacité de l'approche réglementaire existante par rapport aux entreprises de distribution de radiodiffusion en ligne;
  • envisager l'adoption d'approches par groupe par rapport à l'attribution de licences aux stations de radio et aux entreprises de distribution de radiodiffusion similaires à celles utilisées pour les services de programmation de télévision;
  • envisager de nouvelles approches et technologies pour l'identification et le suivi du contenu, de manière à mieux analyser les données;
  • actualiser les définitions relatives aux dépenses en émissions canadiennes en fonction de l'environnement numérique.

Bien que les recommandations du CRTC ne fournissent pas beaucoup de détail sur les changements législatifs et réglementaires et soient quelque peu controversées, le rapport offre au gouvernement fédéral une vision de l'avenir qui repose sur la recherche aux fins de l'examen et de la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications.

Scott M. Prescott est associé et codirecteur associé du bureau d'Ottawa de Fasken où il axe sa pratique sur le droit des communications et le droit administratif. Il est un expert des cadres juridique, réglementaire et politique régissant le secteur de la radiodiffusion et des télécommunications au Canada.

Footnotes

1 CRTC, « Emboîter le pas au changement : L'avenir de la distribution de la programmation au Canada », 31 mai 2018.

2 Décret C.P. 2017-1195.

3 Dans l'arrêt Renvoi relatif à la Loi sur la radiodiffusion [2012] 1 R.C.S. 142, 2012 CSC 4 (CanLII), la Cour suprême du Canada a statué que les FSI n'exploitent pas des « entreprises de radiodiffusion » assujetties à la Loi sur la radiodiffusion lorsqu'ils fournissent l'accès par Internet à la « radiodiffusion » demandée par les utilisateurs finaux.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.