Le 19 septembre, la Cour suprême du Canada a publié trois arrêts connexes, soit Banque de Montréal c. Marcotte, Banque Amex du Canada c. Adams et Marcotte c. Fédération des Caisses Desjardins du Québec (collectivement, les « arrêts Marcotte »), dans lesquels elle se prononce sur l'application des articles 12 et 272 de la Loi sur la protection du consommateur (la « L.p.c. ») du Québec aux institutions financières émettrices de cartes de crédit au Québec, sans se prononcer sur la question générale de l'application du reste de la L.p.c. aux banques. Les questions propres au Québec, relatives à la L.p.c. et aux recours collectifs, dont traitent les arrêts Marcotte pourraient avoir des conséquences de grande portée dont il est brièvement question ci-après.

Les demandeurs à l'origine de cette bataille juridique, commencée il y a plus de 10 ans, ont connu un succès mitigé. La Cour suprême a jugé que certains défendeurs avaient violé l'article 12 de la L.p.c. en ne mentionnant pas, dans le contrat, les frais de conversion imposés sur les opérations effectuées en devises avec la carte de crédit. Elle les a obligés à rembourser les frais de conversion non mentionnés et a condamné certains à des dommages-intérêts punitifs. La Cour suprême a par contre conclu que l'information communiquée par d'autres défendeurs avait été adéquate.

En résumé, les conclusions des arrêts Marcotte sont les suivantes :

  • Question constitutionnelle La mention obligatoire des frais et les recours civils respectivement prévus aux articles 12 et 272 de la L.p.c.  ne nuisent aucunement aux activités qui sont « vitale[s] ou essentielle[s] à l'entreprise bancaire » (l'argument d'exclusivité des compétences). Ces dispositions peuvent s'appliquer étant donné qu'elles ne sont pas incompatibles avec la Loi sur les banques et qu'elles n'empêchent aucunement « la réalisation de l'objectif de la loi fédérale » (l'argument de la prépondérance fédérale). Toutefois, la Cour suprême laisse la porte ouverte à une contestation par les banques de l'application d'autres dispositions de la L.p.c., comme celles régissant expressément la mention et le calcul des frais de crédit.
  • Recours collectifs - Les arrêts Marcotte mettent fin au débat jurisprudentiel qui avait cours au Québec concernant l'obligation d'avoir un « intérêt suffisant », imposée aux représentants souhaitant intenter un recours collectif. Tant que le représentant du groupe peut assurer une représentation adéquate du groupe et que les actions contre chaque défendeur « soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes », il est loisible au juge d'autoriser un recours collectif contre un certain nombre de défendeurs contre lesquels le représentant du groupe n'a pas de cause d'action directe. Ainsi, la Cour suprême écarte dans les faits l'arrêt de la Cour d'appel du Québec rendu en 2006 dans l'affaire Agropur. Cette interprétation large pourrait susciter à l'avenir une augmentation du nombre de recours collectifs visant plus d'un défendeur.
  • Frais de conversion - De l'avis de la Cour suprême, les frais de conversion ne sont pas des frais que le consommateur « doit payer » pour avoir accès au crédit. Il y a lieu de les assimiler à du capital net plutôt qu'à des frais de crédit. Par conséquent, l'argument des demandeurs concernant l'insuffisance de l'indication des frais de crédit, en contravention à la L.p.c., n'est pas pertinent. Toutefois, puisque l'article 12 de la L.p.c. oblige la mention, dans un contrat à la consommation, des « frais » pouvant être réclamés et que certaines des institutions financières n'ont tout simplement pas indiqué les frais de conversion dans les contrats de carte de crédit, ces institutions financières ont quand même commis une faute par manque d'indication. Cette conclusion de la Cour suprême selon laquelle tous les frais liés à un contrat de crédit sont soit du capital net, soit des frais de crédit pourrait à l'avenir mener à une interprétation plus large de la notion de « capital net ».
  • Recours approprié en vertu de la L.p.c. - Le type de recours applicable en cas de violation de la L.p.c. est très important puisque l'article 271 autorise une défense fondée sur l'absence de préjudice tandis que l'article 272 crée une présomption irréfragable de préjudice. Les violations visées par l'article 271 incluent l'omission de mentionner une modalité de paiement ou d'indiquer les frais de crédit ou leur mode de calcul, alors que l'article 272 vise les manquements substantiels à la L.p.c. Compte tenu des faits dans les arrêts Marcotte, la Cour suprême conclut que l'omission de mentionner les frais de conversion en violation de l'article 12 constitue une « violation de fond qui va à l'encontre de l'objectif de la L.p.c. visant à permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés », de sorte que le recours prévu à l'article 272 est approprié. Aux termes de cet article, il n'y a pas lieu de tenir compte de la compétitivité des frais de conversion utilisés (qui tendrait à établir l'absence de préjudice). La Cour suprême refuse d'aborder la question de savoir si les articles 271 et 272 s'excluent mutuellement.
  • Dommages-intérêts punitifs - En appliquant l'article 272 qui, contrairement à l'article 271, prévoit des dommages-intérêts punitifs, la Cour suprême réitère sa position suivant laquelle des dommages-intérêts punitifs seront accordés en cas d'« actes intentionnels, malveillants ou vexatoires » commis en violation de la L.p.c., ou de conduite du commerçant ou fabricant marquée « d'ignorance, d'insouciance ou de négligence sérieuse à l'égard des droits du consommateur et de ...[ses] obligations envers lui sous le régime de la L.p.c. ». La Cour conclut également que le seuil à partir duquel des dommages-intérêts punitifs sont accordés n'est pas plus élevé en cas de recours collectif qu'en cas de recours individuel. La Cour suprême rétablit la condamnation aux dommages-intérêts punitifs accordant 25,00 $ par membre du groupe, prononcée dans le jugement de première instance contre certains défendeurs.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.