Au cours de la dernière année, les tribunaux ont rendu plusieurs décisions importantes pour le droit canadien des marques de commerce. Qu'il s'agisse de réclamations pour diminution de la valeur de l'achalandage, d'objections fondées sur la mauvaise foi ou de l'absence de caractère distinctif, de nombreuses décisions ont mis en évidence des difficultés auxquelles les titulaires de marques de commerce peuvent être confrontés pour faire valoir leurs droits.

Ce bulletin revient sur quelques décisions importantes rendues en 2021 au Canada dans le domaine des marques de commerce.

  • Marques parodiques et diminution de la valeur de l'achalandage : Subway IP LLC c. Budway, Cannabis & Wellness Store 2021 CF 583

La légalisation du cannabis au Canada a eu un effet secondaire involontaire sur les réclamations relatives à la diminution de l'achalandage en vertu de la loi canadienne sur les marques de commerce. L'affaire Subway IP LLC c. Budway, Cannabis & Wellness Store2021 CF 583, illustre bien cette situation. La Cour fédérale a statué que l'adoption d'une marque de commerce parodique diminuait la valeur de l'achalandage associée à une marque bien connue.

Budway, Cannabis & Wellness Store (« Budway ») exploitait un magasin de vente au détail de cannabis et de produits connexes. Le magasin utilisait la marque de commerce BUDWAY, dont la prononciation et l'apparence sont très semblables à la marque bien connue de restauration rapide SUBWAY.

La Cour a conclu que l'emploi de la marque de commerce BUDWAY constituait une violation des marques déposées de Subway, équivalait à une commercialisation trompeuse et entraînait la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à ces marques. Le juge McHaffie a estimé que la marque BUDWAY était suffisamment semblable aux marques de commerce déposées de Subway pour évoquer un lien dans l'esprit des consommateurs, ce qui a eu pour effet de diminuer la valeur de l'achalandage associée à la marque Subway.

À la lumière de ces conclusions, Budway s'est vu interdire de manière permanente d'utiliser la marque de commerce ou le nom commercial BUDWAY, et Subway a obtenu des dommages-intérêts d'un montant de 15 000 $, auxquels s'ajoutent des dépens d'un montant de 25 000 $.

Cette affaire met en évidence les obstacles potentiels auxquels peuvent être confrontés les propriétaires de marque de commerce parodiques.

  • L'importance de considérer l'emploi antérieur avant d'enregistrer une marque : Norsteel Building Systems Ltd. c. Toti Holdings Inc. 2021 CF 927

L'affaire Norsteel Building Systems Ltd. c. Toti Holdings Inc.2021 CF 927, compte également parmi les affaires notables entendues en 2021 dans le domaine des marques de commerce. Elle rappelle l'importance de prendre en compte l'emploi antérieur de marques non déposées avant d'obtenir leur enregistrement.

Cette affaire concerne l'enregistrement de la marque de commerce NORSTEEL, qui appartient à la société Toti Holdings Inc. (« Toti »). Avant que Toti obtienne l'enregistrement de la marque de commerce en mars 2017, la société Norsteel Building Systems Ltd. (« NBS ») utilisait les marques NORSTEEL et NORSTEEL BUILDING SYSTEMS depuis plusieurs années. En octobre 2017, NBS a tenté d'enregistrer ces deux marques, mais le registraire s'y est opposé en raison de la marque de commerce de Toti.

NBS a donc présenté une demande en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi sur les marques de commerce (la « Loi  ») pour faire radier l'enregistrement de Toti. La Cour a conclu que l'enregistrement de la marque de commerce de Toti était invalide suivant l'alinéa 18(1)b) de la Loi, puisque NBS utilisait la marque de commerce et le nom commercial NORSTEEL depuis plusieurs années avant que Toti dépose sa demande. Par conséquent, Toti n'était pas la personne ayant droit d'obtenir l'enregistrement.

Fait intéressant, la Cour s'est également prononcée sur la mauvaise foi. La demanderesse a fait valoir que l'enregistrement NORSTEEL était invalide parce que la demande avait été produite de mauvaise foi. La Cour a toutefois refusé d'invalider l'enregistrement pour ce motif, déclarant que Toti « a, au mieux, fait montre d'aveuglement volontaire quant à la question de savoir si elle avait le droit de produire une demande compte tenu de sa concurrente », mais que l'absence de recherches ne suffisait pas pour conclure à de la mauvaise foi. On peut donc en déduire que le seuil à atteindre pour baser une demande sur ce motif est élevé.

  • Les enregistrements de marques constituent une défense complète contre une demande de dommages-intérêts : Group III International Ltd. c. Travelway Group International Ltd 2020 CAF 210

Le 29 septembre 2021, la Cour suprême du Canada a mis fin à une saga qui a duré près de dix ans en rejetant une demande d'autorisation d'appel dans l'affaire Travelway Group International Inc. c. Group III International Ltd., et al.

Cette affaire concernait Wenger, la société suisse à l'origine du « couteau suisse », et Travelway, un distributeur canadien de bagages, qui possédaient tous deux des enregistrements de marques de commerce canadiennes arborant une croix évoquant le drapeau suisse. Dans des procédures antérieures, les enregistrements de marques de commerce de Travelway ont été invalidés pour cause de confusion avec les marques de commerce de Wenger. Wenger a demandé une compensation financière à partir du moment où le défendeur a commencé à utiliser les marques de commerce contrefaites, malgré ses enregistrements alors valides.

La Cour d'appel fédérale a toutefois stipulé qu'un propriétaire enregistré ne pouvait être tenu de payer des dommages-intérêts ou de renoncer à ses bénéfices que si une fraude, une fausse déclaration intentionnelle ou de la mauvaise foi en rapport avec l'enregistrement peut être démontrée, et ce, même s'il détient un enregistrement. Comme Wenger n'a pas produit une telle preuve, Travelway n'a pas été tenue de verser une compensation financière pour la période au cours de laquelle ses marques de commerce étaient validement enregistrées.

Il est donc important de mettre en avant les preuves de la fraude, de la fausse déclaration intentionnelle ou de la mauvaise foi dans les cas où le défendeur est titulaire d'un enregistrement. À défaut de quoi, l'enregistrement constitue une défense complète contre une demande de dommages-intérêts au Canada.

  • Portée limitée de la protection des marques utilisant des sigles : Loblaws Inc. c. Columbia Insurance Company 2021 CAF 29

Une décision récente de la Cour d'appel fédérale a mis en lumière la portée parfois limitée de la protection accordée aux sigles au Canada. Cette affaire, Loblaws Inc. c. Columbia Insurance Company2021 CAF 29, concernait deux sociétés qui utilisent le sigle « PC » en lien avec des articles de cuisine.

La demanderesse, Loblaws Inc., vendait des produits d'épicerie et des articles de cuisine en lien avec les marques de commerce « President's Choice » et « PC » depuis plus de 30 ans.

La défenderesse, The Pampered Chef, vendait des articles de cuisine. En 2015, elle a adopté une famille de marques comprenant des logos du sigle « PC ».

Loblaws a fait valoir que les marques de commerce de Pampered Chef prêtaient à confusion avec ses marques de commerce PC bien connues.

Même s'il avait conclu que les marques « PC » respectives des parties présentaient une certaine ressemblance et étaient employées dans des voies commerciales similaires, le juge de première instance avait néanmoins estimé que la confusion était improbable pour deux raisons principales. Premièrement, les deux entités ne vendent pas leurs produits par la même voie : Loblaws vend ses produits par l'intermédiaire de ses magasins de détail, tandis que Pampered Chef vend ses produits directement à ses clients. Deuxièmement, Pampered Chef employait ses marques avec le nom « Pampered Chef », ce qui les rendait distinctives des marques de Loblaws.

Cette affaire s'est rendue jusqu'en Cour d'appel fédérale, où la Cour a souscrit aux conclusions du juge de première instance et a rejeté l'appel.

La présente affaire démontre que la portée de la protection des sigles employés comme marques de commerce peut parfois être très limitée.

  • Casse-tête juridique pour des marchands du marché gris : TFI Foods Ltd. c. Every Green International Inc.,  2021 CF 241

Au Canada, la vente de produits du marché gris ne constitue pas, en soi, une contrefaçon de marque de commerce. Cependant, une affaire récente montre que les importateurs de produits du marché gris n'ont pas carte blanche au Canada, et que les propriétaires de marques de commerce pourraient avoir plus de recours qu'ils ne le croient contre les vendeurs de ce marché.

Dans l'affaire TFI Foods Ltd. c. Every Green International Inc., 2021 CF 241, la Cour a conclu qu'une étiquette indiquant faussement que le distributeur du marché gris est le distributeur exclusif peut constituer un acte de commercialisation trompeuse, car la fausse déclaration sur l'étiquette peut nuire à l'achalandage du propriétaire de la marque. De plus, en raison de la violation d'un contrat de distribution exclusive de produits de marque, une partie pourrait être tenue responsable du préjudice réel et devoir payer des dommages-intérêts punitifs.

  • Les noms de route peuvent décrire le lieu d'origine : Hidden Bench Vineyards & Winery Inc. c. Locust Lane Estate Winery Corp.,  2021 CF 156

Le risque lié au choix de marques de commerce descriptives sur le plan géographique a récemment été mis en lumière dans l'affaire Hidden Bench Vineyards & Winery Inc. c. Locust Lane Estate Winery Corp.2021 CF 156. En l'espèce, la Cour fédérale du Canada a confirmé que les noms de route peuvent donner une description claire d'un lieu d'origine en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce.

Cette affaire concernait deux entreprises qui exploitent des vignobles situés sur la route Locust Lane, en Ontario. Les deux parties employaient les mots « Locust Lane » en lien avec le vin et des services connexes.

La demanderesse, Hidden Bench, utilisait « Locust Lane » dans ce contexte depuis près de 20 ans. La défenderesse, Locust Lane Estate Winery Corp., qui avait fondé son vignoble en 2019, avait commencé à utiliser son nom pour commercialiser son vin et ses services connexes.

La demanderesse a affirmé qu'elle était propriétaire de la marque de commerce non déposée LOCUST LANE et que l'utilisation de la marque par la défenderesse constituait de la commercialisation trompeuse. La Cour a rejeté cette demande, car les marques LOCUST LANE donnaient une description claire du lieu d'origine des marchandises et des services auxquels ils sont liés. Par conséquent, ces marques ne possédaient pas de caractère distinctif inhérent.

La Cour a souligné que de prouver qu'un mot descriptif a acquis un deuxième sens qui le rend descriptif est une lourde charge. En l'espèce, la Cour a conclu que la preuve présentée par la demanderesse ne lui permettait pas de s'acquitter de la lourde charge qu'elle avait d'établir que ses marques descriptives avaient acquis un deuxième sens qui les rend distinctives des produits et services de celles de la défenderesse.

Pour 2022...

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