La prise de décisions au sein d'une entreprise n'est jamais un processus à prendre à la légère, mais dans un contexte de crise, où les dirigeants et les administrateurs doivent décider de questions complexes et urgentes, le processus suivi lors de la prise de décision devient crucial. Car il y aura un « après coronavirus » et il est fort probable que des conflits commerciaux émergent en grand nombre, une fois la poussière retombée.

Et le conseil d'administration n'y échappera pas. Un administrateur qui ne se serait pas acquitté adéquatement de son rôle de surveillance ou qui n'aurait pas satisfait à son devoir de diligence, même en période de crise, s'expose lui aussi à des poursuites.

Les priorités du conseil d'administration

Dans un contexte de crises sanitaire et économique, les priorités du conseil d'administration devraient inclure ce qui suit :

  1. Santé et sécurité des employés – Le conseil d'administration doit être soucieux de la façon dont la direction s'assure de la santé et de la sécurité de ses employés ainsi que des messages et mécanismes de communication dirigés aux employés. Il doit être tenu informé des contaminations d'employés et des mesures prises dès que possible.
  2. Assurer la continuité des affaires – Les facteurs de risque s'étant matérialisés, les entreprises doivent ajuster leurs prévisions et adopter une approche conservatrice pour survivre à la crise et pour être prêtes à redémarrer les activités une fois qu'elle se sera résorbée. Le conseil d'administration doit se satisfaire du caractère raisonnable des plans de contingence et des hypothèses utilisées par la direction pour gérer les liquidités de l'entreprise pendant la crise. Tout scénario ou plan qui pourrait sembler trop optimiste doit être remis en question. Étant donné le dynamisme de la situation, le conseil d'administration peut aussi se questionner sur la pertinence de mettre en place un comité de gestion de crise.
  3. Réputation / interaction avec les parties prenantes – Le conseil d'administration peut également s'intéresser à la manière dont l'entreprise communique avec ses clients et ses fournisseurs, qu'elle poursuive ou non ses activités pendant la crise. À titre d'exemple, si l'entreprise était en défaut d'obligation importante à l'égard d'un client ou fournisseur important, le conseil d'administration devrait en être informé.

Une gouvernance adaptée à la crise

Crise ou pas, le conseil d'administration demeure chargé de surveiller la façon dont la direction gère les activités et les affaires internes de la société. Toutefois, dans un contexte où les enjeux sont aussi élevés, le conseil d'administration se doit de suivre de plus près les décisions importantes prises par la direction, de demeurer en contact régulier avec celle-ci et de s'assurer qu'un processus est suivi pour la prise de décisions importantes, même dans l'urgence. La direction pourrait également bénéficier des conseils de ses administrateurs qui n'ont pas à éteindre les feux sur le terrain et qui ont la distance pour amener un éclairage différent dans la prise de décision.

Pendant la pandémie, tant la poursuite des activités que la cessation ou le ralentissement des opérations comportent des risques significatifs tant pour la société que pour ses parties prenantes. Il est donc primordial que les administrateurs fassent preuve de diligence et que chaque décision importante soit bien documentée.

Lorsqu'il s'agit de déterminer si les administrateurs ont satisfait ou non à leur obligation de diligence, la Cour suprême a bien dit que l'on n'exige pas d'eux la perfection. La cour ne considérera pas que les administrateurs et les dirigeants ont manqué à leur obligation de diligence s'ils ont agi avec prudence et en s'appuyant sur les renseignements dont ils disposaient. Si les décisions prises constituent des décisions d'affaires raisonnables compte tenu de ce qu'ils savaient ou auraient dû savoir, alors la défense de l'appréciation commerciale peut être invoquée et les tribunaux ne seront pas appelés à intervenir.1

Or, les faits sont très importants pour déterminer si le devoir de diligence est satisfait. C'est pourquoi une gouvernance adaptée à la crise est de mise. Ce qui inclut :

  1. s'informer davantage sur l'impact de la crise sur les activités et les affaires de la société et jouer un rôle actif en communiquant de façon régulière avec la direction de la société;
  2. obtenir l'avis d'experts au besoin;
  3. documenter les interactions entre la direction et le conseil par tous les moyens technologiques à sa disposition, particulièrement via des mises à jour régulières par courriels, vidéo-conférences ou appels téléphoniques.

Conclusion

L'importance du rôle stratégique du conseil d'administration est décuplée en période de crise où les risques pour la société et ses parties prenantes sont accrus. Dans le contexte de la crise de la Covid-19, le conseil d'administration devrait se préoccuper au premier chef de la santé et de la sécurité des employés, des questions financières afin d'assurer la continuité de l'entreprise, des risques sur la réputation et, enfin, des interactions avec les parties prenantes. Le conseil d'administration doit agir avec prudence et diligence, malgré un contexte décisionnel difficile. Et dans un contexte d'« après crise », il sera important d'être en mesure de démontrer que le conseil d'administration a été diligent malgré les circonstances difficiles.

Footnote

1. Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68.

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