Pour souligner le thème de la Journée mondiale de la propriété intellectuelle (« PI ») de cette année, La propriété intellectuelle et les jeunes : innover pour un avenir meilleur, nous aborderons dans cet article les implications en matière de propriété intellectuelle qu'ont des technologies émergentes susceptibles de façonner notre avenir collectif : A) l'intelligence artificielle, B) le métavers, C) les jetons non fongibles et D) les technologies propres.

Créatifs, curieux, férus de technologies et déterminés à bâtir un avenir meilleur, les jeunes d'aujourd'hui exploitent la technologie comme jamais auparavant pour mettre à profit leurs forces collectives. La technologie jouera probablement un rôle clé dans la réussite des innovateurs de demain, tout au long de leur parcours.

Pour encourager cet esprit d'innovation, cet article explique comment les technologies mentionnées ci-dessus peuvent représenter, pour ces jeunes innovateurs, des défis et des occasions en matière de création et de protection de PI.

A. Intelligence artificielle

L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (« OMPI ») définit l'intelligence artificielle (« IA ») comme « une branche de l'informatique qui a pour objet de concevoir des machines et des systèmes à même d'accomplir des tâches qui font appel à l'intelligence humaine. » L'IA progresse rapidement, alors que les gouvernements et les entreprises privées du monde entier s'efforcent d'investir dans le développement de technologies faisant appel à l'IA afin d'assurer une croissance économique soutenue.

Avec l'essor des technologies d'IA, les mécanismes de protection existants en matière de propriété intellectuelle ont été mis à contribution pour garantir les droits des innovateurs dans le domaine de l'IA, notamment par le biais de brevets sur les inventions d'IA et de droits d'auteur sur les codes de logiciels connexes. L'IA peut favoriser l'innovation en aidant les innovateurs, à différents niveaux, à cerner les problèmes et à développer des solutions dans de nombreux domaines, de la finance à la médecine en passant par le marketing. La reconnaissance de la contribution de l'IA dans la réalisation de ces innovations remet toutefois en question les cadres juridiques existants en matière de protection de la PI.

Dans un article précédent (en anglais seulement), nous avons fait le point sur les conséquences de l'IA sur la nature et la portée de la PI, et plus particulièrement sur la question de savoir si une technologie d'IA pourrait être considérée comme l'autrice ou l'inventrice d'Suvres protégées par le droit d'auteur ou d'inventions brevetables dans les cadres juridiques traditionnels élaborés en vue de favoriser l'innovation humaine. Un récent développement important dans ce débat concerne le traitement, par les tribunaux dans différents pays, d'une demande de brevet désignant une machine à base d'IA du nom de DABUS (Device for the Autonomous Bootstrapping of Unified Sentience, ou « Outil pour le tremplin autonome de la conscience unifiée » en français) comme inventrice. Les tribunaux ont été amenés à se pencher sur la question de la délivrance de brevets désignant un système d'IA comme inventeur plutôt qu'un humain. Jusqu'à présent, les résultats sont mitigés : les tribunaux d'Afrique du Sud et d'Australie ont conclu que DABUS pouvait être désignée comme l'inventrice, alors que les tribunaux des États-Unis et du Royaume-Uni ont statué que l'inventeur devait être humain.

Si ces résultats reflètent les différences dans la législation et la jurisprudence en matière de brevets selon les pays, ils témoignent également du vaste débat en cours sur la nécessité d'adapter les cadres de protection de la PI à la réalité des innovations dans le domaine de l'IA.

B. Le métavers

Le « métavers » est généralement considéré comme étant un espace virtuel immersif où les utilisateurs peuvent interagir et partager des expériences. Le métavers peut être considéré comme une évolution des technologies de réalité augmentée, comme certains jeux vidéo, qui utilisent des casques portables avec écrans vidéo intégrés et d'autres périphériques d'entrée et de sortie pour permettre aux utilisateurs de percevoir un environnement virtuel parallèle et d'y interagir.

Outre les activités récréatives et sociales, le métavers est aussi un endroit où il est possible d'innover et de mener des activités commerciales, ce qui soulève des questions en ce qui concerne la protection de la PI :

  1. Qui est propriétaire de la PI créée dans le métavers? Le métavers peut offrir aux gens des possibilités de collaboration étroites et immersives, et faire passer le télétravail et les vidéoconférences à une autre dimension. Dans la mesure où les espaces du métavers sont mis à la disposition du public par des entreprises privées, ces entreprises auront-elles un intérêt à l'égard des innovations créées dans le métavers? Même si aucun intérêt ne naît par effet de la loi, ces entreprises pourraient-elles exiger une part dans les innovations créées dans le métavers comme condition d'utilisation? Les réponses à ces questions pourraient soulever d'autres problématiques liées aux politiques destinées à favoriser l'innovation collaborative et la concentration de la propriété intellectuelle.
  2. Les mesures de protection en matière de PI du « monde réel » s'appliquent-elles dans le métavers? Par exemple, un enregistrement de marque de commerce confère-t-il une protection dans le métavers? Si c'est le cas, la protection a-t-elle la même portée que dans le monde réel? La protection accordée à la marque de commerce déposée dans le métavers est-elle limitée par pays ou région comme dans le monde réel? Les entreprises et les décideurs politiques seront confrontés à ces questions au fur et à mesure que le métavers se transformera en un lieu de commercialisation et de vente de biens et de services.
  3. Par ailleurs, la nature virtuelle du métavers nécessitera-t-elle que les stratégies conventionnelles de protection de la PI soient modifiées? Par exemple, les propriétaires de marques de commerce devraient-ils déposer leurs marques pour un emplois en lien avec des produits et services offerts sur un marché virtuel afin de s'assurer qu'elles soient protégées dans le métavers? Les inventions brevetées pourraient-elles être numérisées pour être utilisées dans le métavers? Quelles pourraient être les implications pour la surveillance et l'application de la loi par les propriétaires de PI?

Les propriétaires de PI pourraient souhaiter prendre des mesures proactives pour tenter de protéger leurs actifs de PI et faire valoir des droits connexes dans le métavers dans un contexte où la technologie évolue et devient de plus en plus courante. Les pratiques exemplaires seront inévitablement développées au fil du temps, à mesure que les titulaires de droits de PI se tourneront vers cette technologie, et il faudra déterminer si, et comment, la législation en matière de PI et les tribunaux s'adapteront et répondront aux enjeux uniques soulevés par le métavers

C. Les jetons non fongibles

Un jeton non fongible (« JNF », ou NFT en anglais) est un actif numérique créé sur une chaîne de blocs pouvant être associé à des fichiers numériques comme des photos, des vidéos et des enregistrements audio. Chaque JNF est lié à un contrat intelligent qui permet de vérifier la propriété du fichier numérique. La valeur des JNF provient du fait qu'ils sont « non fongibles » : chacun est unique. C'est ce qui les distingue des autres formes de chaînes de blocs, comme les cryptomonnaies, où chaque unité a la même valeur.

Le droit fondamental en matière de PI concernant les actifs numériques et les JNF serait le droit d'auteur qui, au Canada, conférerait à l'auteur de l'Suvre (littéraire, artistique, musicale ou dramatique) le droit exclusif de la mettre à la disposition du public ou de la reproduire, et ce, à compter de sa date de création jusqu'à cinquante (50) ans après la mort de l'auteur. Toutefois, au fil du temps, d'autres droits de propriété intellectuelle, et même d'autres questions d'ordre juridique, pourraient entrer en jeu. Les JNF ont déjà suscité d'intéressants échanges dans le domaine public, comme la création de marchés destinés à l'achat et à la vente de JNF de même que la création de communautés fondées sur la possession de JNF communs. Il ne faudrait pas s'étonner que l'utilisation des JNF évolue et s'étende à d'autres types de PI. 

Si vous souhaitez en savoir davantage sur les JNF et le rôle qu'ils jouent actuellement dans le domaine de la PI, nous vous invitons à lire cet article (disponible seulement en anglais) plus détaillé publié sur notre blogue spécialisé, The Angle.

D. Technologies propres

Les changements climatiques constituent un problème qui prend chaque jour plus d'ampleur et, par conséquent, les solutions et les technologies pour lutter contre ces changements vont vraisemblablement se multiplier au cours des prochaines années. Les technologies propres, parfois appelées « écotechnologies », englobent non seulement lesdites technologies, mais aussi celles qui contribuent à résoudre ou à atténuer les problèmes environnementaux ou à préserver l'environnement et les ressources naturelles. 

Si les technologies propres ont toujours été une source importante de PI, plus particulièrement de brevets, il faut s'attendre à une tendance croissante des demandes de brevets liés aux technologies propres dans un avenir rapproché. La détérioration de l'environnement est une préoccupation croissante et donc un facteur de motivation pour de nouvelles avancées en matière de technologies propres. De plus, les pays signent des accords et adoptent des lois qui obligeront les gouvernements et les citoyens à prendre part à la lutte contre les changements climatiques. Le Canada a signé l'Accord de Paris et a également proposé des mesures législatives portant sur la responsabilité concernant la réduction des émissions, ce qui contribuera à stimuler le développement des technologies propres et le dépôt de demandes en propriété intellectuelle.

Conclusion

Qu'il s'agisse de faciliter la collaboration, de promouvoir une croissance économique durable ou encore de cerner les problèmes urgents et de trouver des solutions, les technologies émergentes présentent un incroyable potentiel pour soutenir l'innovation. Alors que nous célébrons la Journée mondiale de la propriété intellectuelle, nous nous réjouissons de la poursuite du développement de ces technologies et nous nous demandons comment les cadres existants en matière de protection de la PI pourraient devoir être adaptés pour que les innovateurs de demain soient incités à présenter leurs idées les plus prometteuses.

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