Depuis plus de 26 ans, l’Accord de libre-échange nord-américain (l’« ALENA ») a régi les relations commerciales entre le Mexique, les États-Unis et le Canada. Cependant, à compter du 1er juillet 2020, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (l’« ACEUM ») entrera officiellement en vigueur et remplacera entièrement l’ALENA.

Quoique l’ACEUM maintienne d’importantes portions de l’ALENA, de nombreux changements obligent les entreprises à réviser leur façon d’aborder leurs activités commerciales transfrontalières. Cette publication sert d’aperçu à certaines considérations d’ordre pratique en ce qui concerne la transition étant donné que les entreprises ne devraient pas tenir pour acquis que les pratiques du passé employées dans le cadre de l’ALENA leur permettront d’être conformes en vertu de l’ACEUM.

CONTEXTE

Le 30 septembre 2018, après plus d’un an de négociations houleuses, le Mexique, les États-Unis et le Canada ont annoncé la conclusion des négociations portant sur l’ACEUM (connu sous le nom de « USMCA » aux États-Unis), nouvel accord commercial tripartite entre ces pays qui remplace l’ALENA, aux termes duquel le commerce de marchandises a triplé entre les trois pays pour atteindre près de 1 100 milliards de dollars américains (en 2017) depuis son entrée en vigueur. Même si ces pays ont signé l’ACEUM le 30 novembre 2018, chacun d’entre eux a ratifié l’accord, l’a mis en œuvre dans sa législation interne et a avisé les autres États une fois la mise en œuvre terminée.

Le 10 décembre 2019, le Canada, les États-Unis et le Mexique se sont engagés à modifier certains éléments de l’ACEUM au moyen d’un protocole. Ces autres modifications ont finalement été renégociées afin d’obtenir le soutien du Congrès des États-Unis. Plus précisément, d’autres modifications ont été effectuées dans le domaine du règlement des différends d’État à État, du travail, de l’environnement, de la propriété intellectuelle et des règles d’origine. Après que les États-Unis ont donné leur avis en avril 2020, il ne restait plus de questions en suspens, ce qui a permis l’entrée en vigueur de l’ACEUM le 1er juillet 2020.

ASPECTS PRATIQUES

Comme il a été mentionné précédemment, les importantes modifications que contient l’ACEUM pourraient transformer le paysage nord-américain du commerce et de l’investissement. En raison de ces modifications, les clients ont tout naturellement voulu obtenir des conseils sur la façon de se préparer à l’entrée en vigueur de l’ACEUM. Certains aspects pratiques à garder à l’esprit sont décrits en détail ci-après.

Certification de l’origine

Aux termes de l’ACEUM, un traitement tarifaire préférentiel peut être accordé sur les importations de marchandises, en fonction, entre autres, de l’origine des marchandises en question. En pratique, le fournisseur remettra généralement à l’importateur un certificat attestant l’origine des biens qui sont importés. Auparavant, pareil certificat était appelé « certificat d'origine de l'ALENA » et devait être intégré au certificat d’origine officiel.

Afin que l’importateur continue de tirer parti du traitement tarifaire préférentiel aux termes de l’ACEUM, il est essentiel qu’il obtienne un nouveau certificat d’origine en application de l’ACEUM de la part de son fournisseur étranger, puisque les certificats d’origine de l’ALENA obtenus antérieurement n’auront plus aucune utilité aux termes du nouvel accord commercial. Même si aucun format n’est prescrit en ce qui concerne le certificat d’origine de l’ACEUM (il est possible d’utiliser de la documentation non officielle), l’ACEUM exige que le certificat d’origine contienne un minimum de données, notamment : (i) l’identité du certificateur, de l’importateur, de l’exportateur et du producteur, selon le cas, (ii) la description des marchandises importées et le classement tarifaire de leur SH, (iii) le critère d’origine applicable, (iv) la période globale si le certificat vise de multiples envois de marchandises identiques. L’Agence des services frontaliers du Canada fournit un modèle pertinent sur son site Web.

En outre, il faudra examiner attentivement les nouvelles règles d’origine prévues par l’ACEUM, afin de s’assurer que le certificat d’origine peut être valablement délivré à l’importateur. Les règles d’origine sont le critère utilisé en vue d’établir la source nationale et l’admissibilité du produit au traitement tarifaire préférentiel. Même si les règles d’origine et les méthodes utilisées aux termes de l’ACEUM sont habituellement similaires à celles de l’ALENA, certains secteurs sont soumis à des règles d’origine renforcées, notamment ceux liés à l’industrie automobile, aux produits chimiques et gros consommateurs d’acier, au verre, à la fibre optique, aux textiles, aux matériaux réusinés et aux vêtements. Toutefois, aux termes de l’ACEUM, le seuil de minimis servant à établir si une marchandise peut toujours être admissible au traitement tarifaire préférentiel a été porté de 7 % à 10 % comparativement à l’ALENA.

Les décisions anticipées rendues en application de l’ALENA n’auront plus la validité nécessaire pour réclamer le traitement tarifaire préférentiel en application de l’ACEUM. Par conséquent, les importateurs devraient vérifier s’ils doivent obtenir une nouvelle décision anticipée en application de l’ACEUM pour leurs importations futures.

Niveaux de minimis des envois transfrontaliers

Aux termes de l’ACEUM, le Canada s’est engagé à porter son niveau de minimis applicable à la collecte des taxes de vente sur les envois transfrontaliers de 20 $ CA à 40 $ CA, et ce, pour favoriser l’augmentation du volume d’échanges transfrontaliers. Le Canada autorisera également les envois hors taxes d’au maximum 150 $ CA. Même si l’augmentation de ces seuils s’applique aux importations transfrontalières au moyen de services de messagerie commerciaux privés, elle ne s’applique pas aux importations réalisées au moyen de Postes Canada, pour lesquelles le seuil applicable demeure à 20 $ CA. Le seuil correspondant aux États-Unis a été fixé à 800 $ US pour les taxes et les droits.

Les importateurs transfrontaliers devraient par conséquent examiner la valeur des marchandises qu’ils importent au Canada, afin de s’assurer de tirer parti de l’augmentation des niveaux de minimis.

Différends entre l’investisseur et l’État

Le processus bien connu de résolution des différends entre l’investisseur et l’État du chapitre 11 de l’ALENA, qui permet aux investisseurs étrangers de poursuivre les gouvernements hôtes sur la foi d’allégations de traitement discriminatoire, sera progressivement retiré pour ce qui est du Canada et des États-Unis en vertu du chapitre 14 de l’ACEUM. Le processus sera maintenu en place dans certains secteurs comme l’énergie pour les États-Unis et le Mexique. Il faut noter que le Canada et le Mexique disposent également d’un mécanisme de résolution des différends entre l’investisseur et l’État aux termes de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste.

Jusqu’au 30 juin 2023, les investisseurs des États-Unis ou du Canada peuvent encore lancer un processus d’arbitrage relativement à un investissement antérieur, à savoir un investissement (défini dans l’ALENA) établi ou acquis entre le 1er janvier 1994 et le 30 juin 2020 et qui existe en date du 1er juillet 2020 sur le territoire de l’autre pays. Par conséquent, les investisseurs étrangers disposent d’une période limitée pour décider s’ils veulent tirer parti du mécanisme de règlement des différends de l’ALENA, tant qu’il est encore possible de s’en prévaloir.

À compter du 1er juillet 2023, les investisseurs étrangers des États-Unis ou du Canada disposeront d’un recours limité en ce qui concerne le traitement discriminatoire allégué de leurs investissements par l’autre pays. Même s’il est possible de former un recours devant les tribunaux locaux de l’autre pays, un tel recours pourrait être trop coûteux ou impraticable pour certains investisseurs étrangers.

CONCLUSIONS

  • Les entreprises qui n’ont pas encore consulté leur conseiller juridique quant aux incidences que la transition de l’ALENA à l’ACEUM pourrait avoir sur elles devraient le faire immédiatement. Les nouvelles obligations de conformité et le retrait du mécanisme de règlement des différends entre l’investisseur et l’État sont des changements importants qui ne peuvent être compris sans avoir obtenu les conseils d’un spécialiste.
  • Les entreprises ne doivent pas supposer que les pratiques et les protocoles mis en œuvre sous le régime de l’ALENA suffiront à garantir leur conformité à l’ACEUM en date du 1er juillet 2020.

Originally published 30 June 2020.

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