Les tribunaux albertains ont conclu qu'une école privée avait fait preuve de discrimination à l'égard de deux étudiants en ne leur permettant pas de prier à l'école. Cette décision (disponible en anglais seulement) est pertinente afin de rappeler les principes en matière d'accommodement puisqu'elle pourrait avoir un impact sur les employeurs se voyant demander, par des employés, des accommodements pour motifs religieux, tels que l'octroi de pauses pour prier ou l'accès à un local spécial pour le faire.

Les faits

Webber Academy Foundation est une école privée albertaine, qui s'affiche comme étant non-confessionnelle. Deux enfants, de confession musulmane sunnite, ont été admis à cette école.

Durant les deux premières semaines de fréquentation, les enfants, tenus par leur religion de prier cinq fois par jour, le faisaient à l'école dans des salles ou des bureaux vides. Toutefois, après ces deux semaines, l'école a informé les parents qu'un « espace de prière » n'était pas permis à l'école, puisqu'il s'agissait d'une école non-confessionnelle.

L'école soutenait que les prières pouvaient avoir lieu pendant les heures de classe, mais sans s'incliner ou s'agenouiller. Or, puisque ces exigences n'ont pas été suivies, l'école a refusé de réinscrire les enfants pour l'année suivante.

Les parents ont déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne de l'Alberta, au nom de leurs enfants respectifs. À l'issue d'un long historique de procédures judiciaires1, le Tribunal des droits de la personne de l'Alberta ainsi que la Cour du Banc de la Reine2 ont jugé que l'école, dans la délivrance de ses services éducatifs, avait fait preuve de discrimination basée sur la religion, et ne s'était pas déchargée de son fardeau d'accommodement. L'école a porté appel devant la Cour d'appel de l'Alberta.

Les motifs de la Cour d'appel de l'Alberta

*Cette décision est disponible en anglais seulement.

La Cour d'appel de l'Alberta rejette l'appel, et conclu, elle aussi, que l'école a fait preuve de discrimination fondée sur la religion à l'égard des étudiants, et qu'elle a failli à son obligation de les accommoder.

L'école prétendait également que cette obligation d'accommodement portait atteinte à deux libertés fondamentales, soit la liberté de croyances et de religion et la liberté d'association, qui lui sont garanties par les paragraphes 2 a) et 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour a rejeté cette ligne d'arguments :

  • L'accommodement imposé, c'est-à-dire de permettre aux enfants de prier à l'école, ne porte pas atteinte à la liberté de croyances et de religion de l'établissement.
  • Le simple fait d'offrir un endroit où prier n'interfère pas dans la liberté d'adhérer à ses propres croyances religieuses.
  • L'école alléguait que l'accommodement portait atteinte à [traduction] « sa liberté d'association, en ce que celle-ci avait le droit de choisir de s'associer dans ses activités avec des personnes qui pensaient similairement que la religion devait être totalement retirée de l'expérience éducative »3. La preuve démontrait toutefois que l'école accommodait déjà pour certains comportements religieux, tels des exemptions au code vestimentaire et la présence d'un arbre de Noël à l'école. Pour la Cour de l'appel de l'Alberta, [traduction] « cela démontre qu'une mesure qui a une connotation religieuse n'entrave pas nécessairement une mission de non-confessionnalité »4. L'école n'a pas démontré en quoi ce simple accommodement entravait concrètement sa liberté d'association.

Le 21 mars 2024, la Cour suprême du Canada a rejeté la demande de permission d'appeler5 de la décision de la Cour d'appel de l'Alberta6, confirmant ainsi ses conclusions.

Quoi retenir?

  1. La conclusion à laquelle est arrivée la Cour d'appel de l'Alberta pourrait a priori être transposable à d'autres provinces canadiennes qui prévoient la religion comme un motif protégé par la discrimination;
  2. Bien que l'institution en cause était une école, la conclusion selon laquelle il y a discrimination pourrait avoir un impact sur les employeurs canadiens. En effet, plusieurs employeurs se voient demander, par des employés, des accommodements en lien avec leur religion, notamment des prises de congés pour des fêtes religieuses ou des horaires adaptés pour l'exercice de prières;
  3. Rappelons que c'est à la personne demandant un accommodement de démontrer en quoi le fait pour l'employeur de ne pas l'accommoder aurait pour effet d'entraver sa pratique religieuse;
  4. Nous vous recommandons de consulter votre conseiller juridique chez Fasken pour des conseils relativement à de telles demandes d'accommodement.

Footnotes

1. Amir and Nazar v Webber Academy Foundation, 2015 AHRC 8; Webber Academy Foundation v Alberta (Human Rights Commission), 2016 ABQB 442; Webber Academy Foundation v Alberta (Human Rights Commission), 2018 ABCA 207; Amir and Siddique v Webber Academy Foundation, 2020 AHRC 58; Webber Academy Foundation v Alberta (Human Rights Commission), 2021 ABQB 541.

2. Dorénavant la Cour du Banc du Roi.

3. Webber Academy Foundation v Alberta (Human Rights Commission), 2023 ABCA 194, para. 68.

4. Ibid, para. 79.

5. Webber Academy Foundation v. Alberta Human Rights Commission (Director), et al., 2024 CanLII 22674 (SCC).

6. Webber Academy Foundation v Alberta (Human Rights Commission), 2023 ABCA 194. (Disponible en anglais seulement)

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