Cet article s'inscrit dans notre série penchée sur les initiatives innovantes lancées au Canada et ailleurs dans le cadre de la lutte contre la COVID-19.

Aux grands maux, les grands remèdes. Vous avez pu l'apprendre dans ces pages; l'arrêté d'urgence signé le 30 mars se veut un cadre légal exceptionnel, permettant à Santé Canada d'alléger le fardeau réglementaire des acteurs mobilisés pour subvenir à la demande envers certains instruments médicaux essentiels à l'endiguement de la pandémie. Or, après l'entrée en vigueur de dispositions légales ou réglementaires, il arrive qu'une période de rodage soit nécessaire tant du côté social que gouvernemental avant d'en comprendre les effets. Je vous entends dire avec justesse : pas le temps de niaiser!1 Certes, et heureusement, à travers une série de mesures sans précédent, Santé Canada occupe un rôle plus proactif que jamais pour que les manufacturiers estimant avoir la capacité de contribuer puissent le faire en temps utile. Tour d'horizon.

  1. Quelques initiatives d'ici: Alors que des poids lourds tels GM aux États-Unis, Dyson au Royaume-Uni et Sharp au Japon occupent souvent le haut des manchettes, saluons le leadership démontré au Québec. Par exemple, le Défi Respirateur Code Vie de la fondation de l'Hôpital Général de Montréal et du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) bat toujours son plein. Plus de 1000 équipes ont répondu à l'invitation en concevant un prototype de ventilateur susceptible d'être à la fois efficace et peu coûteux à produire. Cette semaine, une dizaine des plus prometteurs d'entre eux sont mis à l'essai en vue de la sélection de trois finalistes. La prochaine étape? La mise en place d'une plateforme de transfert pour donner accès à la technologie lauréate de n'importe où dans le monde.

Ailleurs dans la métropole, des chercheurs ouvrant sous les bannières de l'École de technologie supérieure (ÉTS) et du Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (crCHUM) ont créé un service d'impression 3D de matériel médical au service d'établissements de santé de leur réseau. Connue sous le nom de Covi3d (Création ouverte et vivante en impression 3D), cette équipe solutionne des défis cliniques variés et en constante évolution. Ayant eu l'honneur et le plaisir de collaborer avec deux des piliers de ce groupe par le passé2, nul doute qu'ils sont en train de réaliser de petits miracles sur une base quotidienne. Vous vous en doutez, la production d'un instrument médical en tout ou en partie n'a rien de simple, mais la complexité du secteur a de quoi surprendre quiconque s'y aventure, Tesla y compris...

  1. « Alléger le fardeau réglementaire », disais-je: Oui, mais n'y voyez pas un bête gain en efficacité administrative aux dépens de la santé et la sécurité du public. Plutôt qu'une diminution des exigences réglementaires en termes absolus, il s'agit davantage d'une répartition de celles-ci dans le temps, jumelée à un plan de match appelé à évoluer au fur et à mesure que Santé Canada évalue les renseignements probants issus du système de santé et des utilisateurs finaux. Avant d'y voir de l'expérimentation ou même de l'improvisation, il faut savoir que cette approche est conforme au plan d'action que l'organisme fédéral a publié en 2018 et en phase avec le message reçu lors d'une consultation sur l'avenir de la réglementation des produits de santé, dont un résumé a été rendu public en mars 2019. Parmi les constats mentionnés, je retiens celui-ci: des changements sont nécessaires pour l'atteinte d'un point d'équilibre favorisant l'innovation tout en assurant la sécurité des patients. À cet égard, on rapporte que :

« Bien que les intervenants aient appuyé la nécessité de surveiller les produits de santé novateurs, soulignant l'importance d'assurer l'innocuité et l'efficacité des produits, ils ont insisté sur la nécessité qu'ils soient proportionnels aux risques potentiels, aux avantages, aux incertitudes et aux réalités de la prestation des soins de première ligne. Les intervenants ont réclamé une approche souple et axée sur les risques en matière de surveillance qui permette une autorisation de mise en marché précoce ou conditionnelle tout en assurant simultanément une surveillance, une recherche et une surveillance solides et continues des produits. »

C'est donc aussi dans ce contexte que Santé Canada a établi ses mesures d'allègement et leur portée d'application, limitée aux instruments médicaux destinés à un usage direct par rapport au virus, soit en matière de diagnostic, de traitement, d'atténuation ou de prévention.

  1. « Ok, mais concrètement..? », rétorquez-vous : Santé Canada a mis en place une procédure accélérée pour obtenir l'autorisation de vendre ou d'importer un instrument médical destiné à être utilisé à l'égard de la COVID-19. Pour aider d'éventuels fabricants et importateurs à se conformer à ses exigences, une ligne directrice est tenue à jour. Bien que celle-ci reste flexible à certains égards, quiconque s'aventure dans le secteur pour la première fois aurait avantage à la suivre tel un fil d'Ariane.
    • D'emblée, notons que pour une liste d'instruments considérés critiques, la démonstration de l'usage direct évoqué plus tôt est déjà faite. Sans surprise, on y retrouve masques, respirateurs N95, écrans faciaux, blouses et ventilateurs. L'inscription à cette liste comporte un deuxième avantage : la classification, un indicateur du niveau de risque qu'un instrument présente et de l'ampleur des moyens de mitigation à mettre en place, est prédéterminée. En temps normal, il est nécessaire de déterminer la classe (entre I et IV) par le biais des règles annexées au Règlement sur les instruments médicaux, un exercice qui peut comporter une part d'ambiguïté. Comme il est nécessaire de connaître la classe pour pouvoir identifier quelles exigences du Règlement sont applicables, les renseignements listés par Santé Canada sont une avancée digne de mention.
    • Exception faite des instruments de classe I, le Règlement exige que le demandeur fournisse un certificat attestant qu'il a mis en place un système de gestion de la qualité dont l'efficacité a été démontrée avant qu'une homologation ne lui soit délivrée. C'est un véritable chantier qui précède le premier audit de certification, touchant tous les échelons de l'organigramme d'une entreprise et toutes ses activités liées de près ou de loin à la production de l'instrument en question. Vous me voyez venir : en vertu de l'arrêté d'urgence, cette certification n'est plus requise. En contrepartie, Santé Canada tire avantage du champ d'application restreint pour être plus spécifique dans ses exigences en amont, lesquelles sont présentées de manière concise dans la ligne directrice. La marche à suivre pour la présentation d'une demande et le processus de délivrance d'autorisation qui en résulte sont directs.
    • Santé Canada s'est prononcé sur des considérations techniques propres aux instruments concernés. Sur leur site internet, on retrouve par exemple des recommandations pratiques en matière de conception d'instruments et de fabrication additive (impression 3D). Sans tambour ni trompette, on y précise même des spécifications minimales advenant qu'une production doive s'effectuer avant l'obtention d'une autorisation. Soit dit en passant, du côté de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, on peut mettre la main sur des spécifications pour la plupart des instruments critiques mentionnés plus tôt. Au moment de publier ce billet, une centaine d'instruments non-diagnostiques et une quinzaine d'instruments diagnostiques ont été autorisés de manière accélérée. En parallèle, une autoroute a été mise à la disposition des médecins pour qu'ils puissent accéder à un instrument n'ayant pas encore fait l'objet d'une telle autorisation. Pour qu'une initiative soit éligible à ce programme d'accès spécial, un clinicien doit nécessairement en être le fer de lance. À bon entendeur.
    • Pour permettre d'anticiper une pénurie généralisée pour l'un ou l'autre des instruments critiques, Santé Canada impose aux fabricants de déclarer toute incapacité à répondre à la demande, qu'elle soit réelle ou anticipée. Un petit effort peu coûteux et qui tombe sous le sens, considérant l'enjeu.
    • Pour conclure, gardons en tête que l'arrêté d'urgence en vertu duquel ces mesures sont prises reste un mécanisme exceptionnel et provisoire. Les autorisations ainsi accordées resteront valides tant que l'arrêté sera en vigueur, et ce dernier cessera d'avoir effet4 un an après sa prise, plus tôt en cas d'abrogation.ou même plus tard en cas d'un nouveau décret. Bon, en attendant d'être fixés, les défis ne manqueront pas. Néanmoins, alors que tous espèrent un retour rapide à un semblant de normalité, il serait sage pour les nouveaux venus du secteur de se préparer à l'éventuel et inévitable aiguillage vers la voie réglementaire de l'avant Covid-19.

Footnotes

1. Le nom du jeune philosophe québécois ayant popularisé cette expression m'échappe.

2. Puisque personne n'est mort d'auto-promotion.

3. Une partie de moi ne perd pas espoir de revoir les prouesses de Jordan Weal en avantage numérique ce printemps.

4. Loi sur les aliments et drogues (L.R.C. (1985), ch. F-27), art. 30.1 (1)

Originally published 29 avril, 2020


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