Dans une décision récente1, le Tribunal administratif du travail a déterminé que le refus de porter ses équipements de protection personnelle dans un contexte d'éclosion de COVID-19 ne permet pas à un employeur de passer outre à la progression des sanctions.

Qu'est-il arrivé?

Le salarié travaillait pour l'employeur depuis 2012 et occupait un poste de préposé aux bénéficiaires depuis mars  2020 dans un centre d'hébergement. En décembre 2020, un premier résident a été déclaré positif à la COVID-19. Une éclosion majeure s'en est alors suivi :  21 des 23 résidents ainsi que la moitié du personnel de l'établissement ont été contaminés. Par conséquent, la totalité de la résidence, à l'exception de la salle de repas et le vestiaire, a été déclarée comme une zone chaude, soit la zone de traitement réservée aux utilisateurs ayant un diagnostic confirmé de COVID-19 et où des mesures de précaution supplémentaires sont appliquées.

Le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (ci-après le « CIUSSS ») s'est rapidement impliqué dans la gestion de cette éclosion, et l'Employeur se soumettait aux directives émises tout en s'assurant que les employés respectaient celles-ci.

Lorsqu'ils étaient en zone chaude, les employés devaient obligatoirement porter leurs EPI, soit la jaquette, la visière, le masque et les gants. Or, le 26 décembre 2020, à son arrivée au travail, le salarié n'a pas enfilé de gant, puisqu'il était d'avis que le lavage des mains était préférable. Une autre employée a alors avisé la responsable de la résidence ainsi que l'éducatrice spécialisée du CIUSSS que le salarié ne respectait pas les mesures sanitaires, et qu'elle craignait pour sa propre sécurité et la sécurité de ses proches et des résidents.

La responsable de la résidence a donc rappeler au salarié ses obligation en matière de port des EPI. Toutefois, quelques instants plus tard, l'éducatrice spécialisée a revu le salarié sans masque, sans visière, sans gants et sans jaquette. Celle-ci a tenté de le ramener à l'ordre, mais devant trois tentatives infructueuses, elle lui a demandé de quitter les lieux, ce qu'il a fait sans contester.

Les agissements du salarié ont causé de l'inquiétude parmi le personnel de la résidence et pouvaient potentiellement mettre à risque la santé et la sécurité des employés et résidents.

Face à cette situation l'employeur a alors pris la décision de  congédier le salarié.

L'employé a donc déposé une plainte en vertu de la Loi sur les normes du travail afin de contester son congédiement devant le Tribunal administratif du travail.

Qu'a décidé le Tribunal ?

À l'audience, le salarié affirme revêtir ses EPI convenablement, sauf pour quelques oublis et admet ne pas avoir porté de gants. Il reconnait également avoir oublié de remettre une jaquette à en sortant de la salle de repas le 26 décembre.

Faisant face à une preuve contradictoire, le Tribunal retient que le salarié n'a pas revêtu adéquatement ses EPI. Il admet également ne pas mettre de gants, contrairement à la directive des autorités de santé publique.

Le Tribunal rappelle également qu'il est de jurisprudence constante que l'employeur doit, normalement, respecter la règle de la progression des sanctions avant d'imposer un congédiement. Il existe cependant une exception à cette règle, soit la commission d'une faute grave.

En l'espèce, le Tribunal a conclu que la faute du salarié n'était pas suffisamment grave pour conduire à la rupture définitive du lien de confiance avec l'employeur. Il rappelle que la peur de perdre son contrat d'exploitation ne justifiait pas la décision de l'Employeur. Dans ce contexte, l'employeur se devait de respecter la règle de la  progression des sanctions.

Dans son analyse, le juge a pris en compte que le salarié portait ses EPI depuis le début de la pandémie. De plus, la faute a été commise peu de temps après l'implantation de nouvelles mesures. Pour le Tribunal, cela signifie que la non-conformité aurait pu être le résultat d'une simple erreur ou d'une mauvaise compréhension des nouvelles règles. Finalement, le salarié a reconnu sa faute et s'est engagé à respecter les règles sanitaires.

Nonobstant ce qui précède, le Tribunal conclut que  le comportement du salarié était répréhensible et justifiait l'imposition d'une mesure disciplinaire. Le Tribunal a donc substitué une suspension de 15 jours sans solde au congédiement.

Ce qu'il faut retenir

Dans le contexte en constante évolution de la pandémie de la  COVID-19 les employeurs doivent demeurer prudents lorsqu'ils évaluent des fautes liées au non respect des certaines mesures sanitaires. L'application de la règle de la progression des sanctions doit être évaluée, au cas par cas, avant de procéder au congédiement.

Bien que nous soyons d'avis qu'une contravention aux règles sanitaires en milieu de travail est une situation sérieuse qui doit être traitée de manière adéquate, nous vous recommandons de consulter un avocat avant d'agir.

Si vous avez besoin de conseils à ce sujet, n'hésitez pas à consulter votre avocat(e) attitré(e) chez Fasken.

Par ailleurs, veuillez noter qu'une demande de révision a été déposée à l'égard de cette décision, et nous avons l'intention de vous tenir au courant de tout développement pertinent.

Footnote

Côté c. Résidence St-Vallier Ouest inc., 2021 QCTAT 4902.

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