Dans une affaire récente –  Piché et Entreprises Y. Bouchard & Fils inc. – le Tribunal administratif du Travail (Tribunal) a rejeté la demande de retrait préventif d'un travailleur en vertu de l'article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) car il considère que la COVID-19 ne constitue pas un contaminant au sens de la LSST.

Le contexte

Le travailleur est un technicien ambulancier paramédic atteint d'un psoriasis sévère en gouttes depuis 2015 pour lequel il reçoit des injections de Cosentyx, un agent immunomodulateur. En mars 2020, son médecin considère que son travail présente des risques pour sa santé; l'employeur décide alors de le retirer de son travail puisque le travailleur l'avise qu'il a une condition d'immunosuppression.

En mai 2020, un médecin émet un certificat médical recommandant au travailleur d'éviter tout contact avec une clientèle atteinte de la COVID-19 et une réaffectation. Le travailleur présente alors une demande de retrait préventif à l'égard d'un contaminant.

Dans cette affaire, le travailleur allègue avoir droit à un retrait préventif étant donné que les connaissances scientifiques au moment de sa demande étaient à l'effet que sa médication le rendrait plus susceptible de développer des complications s'il contracte la COVID-19. L'employeur soutient plutôt que la preuve est à l'effet contraire, les connaissances scientifiques ayant évolué à cet égard depuis la demande du travailleur.

La décision

Le Tribunal analyse les conditions de l'article 32 LSST permettant de vérifier si le travailleur peut bénéficier d'un retrait préventif, tout en considérant l'évolution des connaissances scientifiques :

  • Présence d'un contaminant dans le milieu de travail  : selon l'article 1 de la LSST, les trois conditions permettant de conclure à la présence d'un « contaminant » sont les suivantes :
    1. Il doit y avoir présence d'une matière solide, liquide ou gazeuse, un micro-organisme, un son, une vibration, un rayonnement, une chaleur, une odeur, une radiation ou toute autre combinaison de l'un ou l'autre;
    2. L'élément mentionné au point « a » doit être généré par un équipement, une machine, un procédé, un produit, une substance ou une matière dangereuse;
    3. L'élément mentionné au point « a » doit être susceptible  d'altérer la santé ou la sécurité des travailleurs.

De l'avis du Tribunal, bien que le virus de la COVID-19, le SARS-CoV-2, constitue un micro-organisme aux fins de l'application de la LSST, celui-ci n'est pas « généré » par quelque chose se trouvant chez l'employeur, et c'est pourquoi il n'est pas un « contaminant » au sens de la LSST.

  • Danger pour le travailleur: la notion de « danger » représente la probabilité que ce que l'on appréhende se matérialise. En l'espèce, le danger auquel s'expose le travailleur est qu'il subisse de graves complications s'il contracte la COVID-19. Or, les connaissances scientifiques actuelles démontrent que la médication n'expose pas le travailleur à un plus grand danger qu'un autre travailleur qui ne la prend pas.
  • Signes d'altération à l'état de santé du travailleur  : le Tribunal ne traite pas de cette question étant donné ses conclusions quant aux autres critères.

Ce qu'il faut retenir

En l'espèce, le SARS-CoV-2 n'est pas considéré comme un contaminant au sens de la LSST car la présence de celui-ci ne résulte pas des opérations de l'employeur et est étrangère à ses activités. De plus, l'employeur doit avoir la possibilité d'éliminer ou de contrôler le danger à la source. En effet, l'employeur ne peut pas limiter la présence du virus causant la COVID-19 sur les lieux d'une intervention. Ce même raisonnement du Tribunal s'appliquerait-il dans des milieux de travail dits en zone « chaude », tels les hôpitaux et autres centres de soins de santé?  Bien que cette décision semble écarter tout argument selon lequel le SARS-CoV-2 répondrait à la définition de « contaminant » dans un tel contexte, rappelons-nous que chaque cas en est un d'espèce. Par ailleurs, la décision du Tribunal aurait-elle été différente pour un salarié travaillant dans un laboratoire où l'on manipule des tests de COVID-19 par exemple, un tel scénario se rapprochant des critères du retrait préventif en vertu de la LSST?  Un tel cas soulèverait des arguments intéressants.

Notons que cette décision vise uniquement une demande de retrait préventif en vertu de l'article 32 de la LSST. Toute autre obligation de l'employeur envers des demandes d'absences reliées à la COVID-19, soit en vertu d'autres lois, de ses propres politiques ou de son obligation d'accommodement raisonnable, n'est pas affectée par cette décision. De plus, les employeurs doivent continuer à mettre en place des mesures de protection selon les directives des autorités publiques et prendre toutes les mesures nécessaires  afin de protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

Il est à noter que le travailleur a déposé une demande de pourvoi en contrôle judiciaire à l'égard de cette décision du Tribunal (2021-06-21 (C.S.) 700-17-017937-219). Nous vous tiendrons informés de l'évolution du dossier.


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