Dans une décision récente, la Cour du Banc du Roi de l'Alberta1 a examiné une situation où un employeur a estimé qu'un employé blessé avait démissionné ou abandonné son poste conformément à une politique dans le manuel des employés lorsque celui-ci n'est pas retourné au travail à la date prévue.

Les faits

Dans cette affaire, l'employé était un conducteur de camion commercial qui a été blessé au travail. En dépit du fait que l'employé était initialement en mesure d'accomplir des tâches modifiées, il a finalement pris un congé de maladie sur les conseils d'un psychologue.

Selon ses documents médicaux, l'employé devait retourner à son poste à temps plein au plus tard le 15 septembre 2020. Cependant, il n'y a eu aucune communication entre les parties pendant la période allant du 14 août 2020 au 18 septembre 2020. L'employé ne s'est pas présenté au travail entre le 15  et le 17 septembre et a demandé sa réintégration par lettre le quatrième jour. L'employeur a soutenu que l'employé avait démissionné, en se fondant sur une disposition dans une politique dans le manuel des employés selon laquelle les employés sont réputés avoir démissionné s'ils s'absentent pendant plus de trois jours ouvrables consécutifs sans communiquer avec l'employeur (la « clause de démission »).

L'employé a intenté une action contre l'employeur pour congédiement injustifié. L'employeur a estimé que l'employé n'avait pas été congédié, mais qu'il avait plutôt démissionné ou abandonné son poste.

Quelle a été la décision de la Cour?

Il n'y a pas eu de démission.

En l'espèce, l'employé n'avait pas de contrat de travail et il n'a pas obtenu de copie du manuel des employés au début de son emploi. La clause de démission a été incorporée ultérieurement au manuel des employés comme amendement, sans le consentement exprès de l'employé, qui l'a alors reçue et signée.

La Cour a conclu que l'employé avait connaissance de la clause de démission figurant dans le manuel et qu'il l'avait acceptée. Toutefois, la Cour a retenu que la clause de démission n'était pas contraignante pour l'employé dans cette situation pour les raisons suivantes : 

  • elle était ambiguë;
  • elle modifiait fondamentalement les droits de l'employé issus de la common law et, par conséquent, nécessitait une contrepartie fraiche lorsqu'elle a été introduite dans le manuel;
  • même si elle était exécutoire, l'employeur n'a pas réussi à prouver qu'elle s'appliquait dans les circonstances parce qu'il n'était pas clair que les jours manqués étaient des « journées de travail ».

La Cour a également estimé que l'employé n'avait pas l'intention subjective de démissionner. Il voulait reprendre le travail à titre de camionneur dès qu'il le pouvait et en avait fait part à l'employeur dans leurs communications. La Cour a déterminé qu'aucun employeur n'aurait pu raisonnablement comprendre que l'employé avait démissionné sur la base de ses actions et de ses communications.

Il n'y a pas eu d'abandon d'emploi.

La Cour a réitéré la jurisprudence selon laquelle lorsqu'un employé exprime l'intention de retourner au travail lorsqu'il se portera mieux et qu'une date de retour prévue est anticipée, le critère objectif de l'abandon n'est pas respecté si l'employeur n'a pris aucune mesure pour préciser la date de retour prévue de l'employé ou pour obtenir une mise à jour à cet égard. La Cour a conclu que l'employé n'avait manifesté aucune intention d'abandonner son emploi et qu'il avait bel et bien fait part de sa volonté de retourner au travail dans sa demande de réintégration.

Finalement, la Cour a conclu que l'employé avait été congédié de façon injustifiée sans préavis raisonnable. L'employeur n'avait pas donné de préavis de cessation d'emploi et, selon la Cour, sa réponse à l'absence de l'employé n'était pas proportionnelle.

Points à retenir

La présente décision sert de rappel aux employeurs quant à leurs obligations avant de déclarer que des employés ont démissionné ou abandonné leur poste lorsqu'ils sont absents pour des raisons médicales. Les employeurs doivent éviter de prendre des décisions de façon indépendante et prendre des mesures pour assurer une communication claire avec leurs employés concernant les attentes en matière de retour au travail.

Cette décision rappelle également aux employeurs que les politiques seront soumises au même examen que les contrats lorsqu'elles traitent des conditions d'emploi fondamentales comme les droits en cas de cessation d'emploi.

Footnote

1. Stonham v Recycling Worx Inc.,  2023 ABKB 629

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