Le droit d'auteur relativement aux graffitis est un domaine du droit intéressant et relativement peu exploré au Canada. On ne sait toujours pas quelles protections peuvent être accordées à l'œuvre d'un graffiteur, mais en examinant les articles pertinents de la Loi sur le droit d'auteur et certains exemples de jurisprudence sur des sujets connexes, on peut prédire la façon dont certaines des principales questions entourant le sujet pourraient être traitées par le droit canadien. Poursuivez votre lecture pour explorer les questions liées aux droits de reproduction et aux droits moraux que les graffitis pourraient poser aux tribunaux canadiens et pour savoir quels éléments pourraient être considérés par les tribunaux si de telles questions devaient leur être présentées.

Les graffitis font-ils l'objet d'un droit d'auteur?

Les tribunaux canadiens ne se sont pas encore prononcés de façon définitive quant à savoir si les graffitis bénéficient ou non de la protection du droit d'auteur, mais selon la Loi sur le droit d'auteur, il semble probable que oui.

En vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur le droit d'auteur, le droit d'auteur existe sur toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale, tant que certaines conditions soient remplies, notamment l'existence de l'œuvre sous une forme fixe. Rien n'exige que l'œuvre soit créée d'une quelconque manière « licite ». Ainsi, si un graffiteur crée une œuvre artistique originale sur un support physique, par exemple sur le côté d'un immeuble, cette œuvre devrait en théorie bénéficier automatiquement de la protection du droit d'auteur, au même titre que toute autre œuvre artistique originale et fixe.

La question de la reproduction

L'une des préoccupations qui a été soulevée aux États-Unis, et qui devra éventuellement être examinée par le système judiciaire canadien lorsqu'elle se présentera au Canada, est la question de savoir comment procéder si un graffiti apparaît en arrière-plan d'une autre œuvre. Le droit de reproduction prévu par la Loi sur le droit d'auteur empêche toute personne d'incorporer des œuvres d'art protégées par le droit d'auteur dans leurs propres œuvres sans l'autorisation du titulaire du droit d'auteur.

Un exemple de reproduction serait la photographie d'une œuvre d'art pour un magazine. Le photographe reproduisant l'œuvre d'art sous une forme photographique devrait techniquement obtenir l'autorisation du titulaire du droit d'auteur de l'œuvre d'art avant de la reproduire. Donc, si un graffiti apparaît sur une photographie d'un immeuble, est-ce une violation du droit d'auteur?

La réponse : cela dépend. Si un droit d'auteur existe sur le graffiti, le reproduire de manière visible et délibérée sur une photographie soulèvera probablement des enjeux. Toutefois, deux dispositions de la Loi sur le droit d'auteur méritent d'être soulignées, car elles pourraient constituer des moyens de défense possibles contre des revendications liées à une violation si quelqu'un reproduisait un graffiti dans une autre œuvre sans la permission de l'artiste : l'article 30.7 et l'alinéa 32.2(1)b).

  • Il précise que le fait d'incorporer une œuvre dans une autre œuvre « de façon incidente et non délibérée » ne constitue pas une violation du droit d'auteur. Cela signifie que si un graffiti est montré en arrière-plan d'une photo ou d'une vidéo par accident, le défendeur pourrait être en mesure de justifier cet usage en invoquant l'incorporation incidente.
  • Il précise que la reproduction d'une œuvre artistique due à des artisans érigée en permanence sur une place publique ou dans un édifice public ne constitue pas une violation du droit d'auteur. Cela signifie que si un graffiti sur une place publique pourrait vraisemblablement être considéré comme une œuvre « artistique due à des artisans », sa présence sur une photographie ou une vidéo pourrait ne pas être considérée comme une violation du droit d'auteur.

De plus, il convient de souligner que, comme pour toute utilisation d'œuvres protégées par le droit d'auteur, les exceptions usuelles pour utilisation équitable prévues à l'article 29 de la Loi peuvent également s'appliquer à l'utilisation d'un graffiti protégé par le droit d'auteur si l'utilisation ou la reproduction est faite aux fins de recherche, d'étude privée, d'éducation, de parodie ou de satire.

La question des droits moraux

Une autre préoccupation majeure en matière de droit d'auteur qui découle de la création de graffitis est la question des droits moraux. Les droits moraux offrent aux artistes a) le droit de se faire attribuer leur œuvre, et b) le droit à l'intégrité de leur œuvre. Le droit à l'intégrité est le droit à ce que l'œuvre ne soit pas modifiée ni utilisée en liaison avec un produit ou un service d'une manière préjudiciable à la réputation de l'artiste.

La « destruction » d'une œuvre dans son intégralité ne constitue pas une violation des droits moraux d'un artiste, car une fois l'œuvre disparue, il n'est plus possible que celle-ci puisse porter préjudice à la réputation de l'auteur, et prétendre le contraire permettrait, de manière problématique, de faire en sorte que les droits moraux d'un artiste survivent même après la disparition de son œuvre. Or, dans le passé, les tribunaux canadiens ont accordé des dommages-intérêts à des artistes pour la destruction d'une grande partie de leur œuvre, catégorisant la démolition presque complète comme étant une « mutilation » de l'œuvre et constituant une atteinte à l'intégrité de l'artiste (voir : Vaillancourt c Carbone 14, [1998] JQ no 3905). Il faut donc se demander si le droit à l'intégrité permettrait à un graffiteur de prétendre à une atteinte à ses droits moraux si quelqu'un devait « mutiler » ou dégrader son œuvre.

La réponse : cela est possible. Les tribunaux canadiens n'ont pas encore été saisis d'affaires qui leur permettraient de trancher cette question, mais s'ils devaient en être saisis, il est possible qu'ils puissent considérer les graffitis de la même façon qu'ils considèrent les autres œuvres artistiques et leur accorder les mêmes protections, même en ce qui concerne les droits moraux. Toutefois, il est également possible que les tribunaux accordent la protection du droit d'auteur à l'égard des graffitis, mais qu'ils les traitent de la même façon que les œuvres protégées par le droit d'auteur comme le matériel obscène. Les tribunaux canadiens ont jugé que le matériel obscène peut être protégé par le droit d'auteur, mais ils ont limité les recours possibles en cas de violation du droit d'auteur rattaché à ce matériel (voir : Aldrich v One Stop Video Ltd, [1987] BCJ No 1035). La nature souvent criminelle des graffitis, et le fait que la mutilation de graffitis pourrait sans doute être un acte qui ne porte pas atteinte à la réputation du graffiteur de la même façon que la mutilation de l'œuvre d'un autre artiste pourrait le faire, pourraient éventuellement amener les tribunaux à se montrer réticents à accorder à un graffiteur les recours habituellement offerts aux artistes victimes d'une violation de leurs droits.

Ce qu'il faut retenir

L'étendue du droit d'un graffiteur à la protection et à la rémunération relatives à la violation de son œuvre devra très probablement éventuellement être déterminée par le système judiciaire canadien. Entre-temps, si vous souhaitez utiliser des graffitis en arrière-plan de vidéos ou de photographies, ou si vous souhaitez modifier ou dégrader publiquement un graffiti déjà créé, souvenez-vous que cela pourrait potentiellement mettre en cause les droits du graffiteur.

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