Dans une décision prononcée le 11 février 20201, la Cour supérieure réitère le principe établi par la Cour suprême du Canada à savoir qu'entre les professionnels et les entrepreneurs de construction, la responsabilité ne reviendra ultimement qu'à l'auteur de la faute initiale. 

Les faits de cette affaire, tenus pour avérés dans le cadre de la présentation d'une requête en irrecevabilité par l'entrepreneur contre un professionnel et ses assureurs l'ayant mis en cause au stade embryonnaire d'un recours introduit par le maître de l'ouvrage, se résument ainsi : 

Le maître d'un ouvrage multirésidentiel (la « Demanderesse »), dûment représenté par ses avocats et experts, introduit une demande en justice contre son architecte et l'assureur de celui-ci (les « Défendeurs ») en raison d'erreurs et omissions alléguées dans la conception des soffites des balcons (la « Demande »). 

Les Défendeurs requièrent alors l'intervention forcée de l'entrepreneur général afin de l'ajouter à titre de défendeur à l'instance, soutenant essentiellement que dans l'éventualité où les prétentions de la Demanderesse seraient retenues à l'issue d'un procès, ce qu'elles nient vigoureusement, il devrait en être tenu solidairement responsable, tant en raison d'une installation déficiente que de son devoir de conseil envers le maître de l'ouvrage. 

Le tribunal, sous la présidence de l'honorable Martin F. Sheehan, conclut séance tenante que le recours des Défendeurs est doublement irrecevable. 

Il constate d'abord que la Demande allègue la commission d'une faute professionnelle de l'architecte, mais ne contient aucune allégation concernant une installation déficiente imputable à l'entrepreneur général. 

Il en conclut conséquemment que le recours des Défendeurs envers l'entrepreneur général est purement hypothétique. 

Puis, citant le passage suivant de l'arrêt Davie Shipbuilding Ltd et autres c. Cargil Grain Co Ltd et autres2, le tribunal écarte la possibilité que l'architecte puisse rechercher un partage de responsabilité avec l'entrepreneur pour un manquement tirant sa source dans la conception de l'ouvrage : 

« Si les circonstances justifient l'application de la règle en faveur du propriétaire, la solidarité des exécutants doit être prononcée. Toutefois, entre eux, le fardeau reposera finalement sur celui à qui est attribuable la faute de base. S'il s'agit d'un défaut dans les plans ou dans cette partie du marché qui relève de l'architecte, celui-ci devra indemniser l'entrepreneur. Inversement, si la perte résulte de la construction proprement dite, l'architecte a un recours complet contre l'entrepreneur. Le fait qu'entre l'architecte et l'entrepreneur il y ait certains devoirs de vérification du travail fait par l'autre ne change rien à l'affaire; il faut toujours rechercher la cause première. » 

Il faut ainsi retenir les principes suivants : 

  • Le propriétaire, dans les cas qui le permettent, peut rechercher la responsabilité solidaire des intervenants de construction indistinctement de la nature du manquement allégué. Ce sera notamment le cas lorsqu'il invoquera la solidarité conférée à son seul bénéfice par l'article 2118 du Code civil du Québec dans l'application de la garantie quinquennale contre la perte de l'ouvrage; 
  • Les intervenants, entre eux, ne pourront toutefois rechercher la responsabilité de l'autre pour un manquement qui leur est initialement imputable, c'est-à-dire que l'entrepreneur demeurera responsable de l'exécution de ses travaux et que le professionnel demeurera responsable de leur bonne conception, indistinctement du devoir de vérification de l'autre sur sa prestation; 
  • Si l'erreur originaire est celle du maître de l'ouvrage, il ne fait aucun doute qu'il devra supporter les dommages qui en découlent;
  • Dans tous les cas, le maître de l'ouvrage demeure tenu des actes et omissions de ses autres cocontractants envers le ou les défendeurs à son recours. 

Ces principes demeurent particulièrement importants puisqu'ils visent à restreindre les recours aux seuls intervenants concernés en fait et en droit, étant acquis que la multiplication des parties contribue à l'augmentation des délais et des coûts inhérents au processus judiciaire.

Footnotes

Développements Nordelec (Phase II) inc. c. Lemay Co inc. et al., dossier no. 500-17-108112-197 (C.S., 11 février 2020).

2 [1978] 1 R.C.S. 570.

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