Votre entreprise opère ou a recours à des agences de placement de personnel (communément appelées agences de location de personnel) ou de recrutement de travailleurs étrangers temporaires au Québec, ou embauche des travailleurs étrangers temporaires? Ces importants changements législatifs vous intéresseront certainement.

Le 27 août 2018, nous vous résumions les amendements récents apportés à la Loi sur les normes du travail (la « Loi ») dans notre article Amendements à la Loi sur les normes du travail : Flexibilité pour les travailleurs, incertitudes pour l'employeur.

Dans la foulée de ces amendements, le 1er janvier 2020, le Règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires (le « Règlement ») entrait en vigueur, marquant également l'entrée en vigueur d'importantes dispositions de la Loi relative aux agences de placement de personnel, aux agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires et aux entreprises clientes ayant recours à de telles agences. Nous résumons ci-dessous l'essentiel de ces changements.

Permis obligatoire

Les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires (les « Agences ») sont dorénavant tenues de détenir un permis délivré par la Commission des normes, de l'équité et de la santé du travail (la « CNESST ») afin d'exploiter leur entreprise.

Une Agence qui exerçait déjà des activités au 1er janvier 2020 doit faire une demande de permis au plus tard le 14 février 2020, afin de poursuivre ses activités de façon conforme. Le permis est en principe valide pour une durée de deux (2) ans, et toute demande de renouvellement de permis doit être reçue par la CNESST au moins 60 jours avant l'expiration de celui-ci.

Pour l'entreprise cliente qui fait affaire avec une Agence, ceci signifie qu'elle ne peut retenir les services d'une Agence si cette dernière n'est pas titulaire d'un permis délivré par la CNESST. Bien que non précisé dans la Loi ou le Règlement, il est raisonnable de penser qu'une entreprise cliente pourrait continuer d'utiliser les services d'une Agence dans l'attente de la délivrance d'un premier permis demandé avant le 15 février 2020.

Une liste des Agences titulaires d'un permis est dressée et tenue à jour par la CNESST, facilitant ainsi la vérification par les entreprises clientes de la conformité d'une Agence relativement à son permis. À la date de parution du présent article, la totalité des demandes de permis étaient toujours en cours de traitement par la CNESST.

Notons que la CNESST peut suspendre ou révoquer le permis d'une Agence en cas de contravention au Règlement.  L'Agence dont le permis a été suspendu ou révoqué devra attendre deux (2) ans avant de pouvoir présenter une nouvelle demande de permis à la CNESST.

De plus, en cas de défaut quant aux exigences relatives aux permis, l'Agence et/ou l'entreprise cliente s'exposent à une amende de 600 $ à 6 000 $ pour une première infraction, et de 1 200 $ à 12 000 $ pour toute récidive.

Obligations additionnelles pour les Agences

Tout titulaire d'un permis d'Agence devra s'assurer de respecter certaines obligations, incluant des obligations d'information envers l'entreprise cliente avec qui elle fait affaire, notamment :

  • Dans les cinq (5) jours ouvrables qui suivent la date à laquelle un permis lui est délivré pour la première fois, l'Agence qui exerçait déjà des activités au 1er janvier 2020 sans être titulaire d'un permis doit aviser toute entreprise cliente avec laquelle elle fait affaire qu'elle est désormais titulaire d'un permis;
  • Le titulaire d'un permis d'Agence doit indiquer le numéro de son permis sur tout document utilisé couramment dans le cadre de ses activités ou pour des fins publicitaires, notamment sur ses factures, contrats et son site Internet;
  • Une agence de placement de personnel qui exerçait déjà des activités au 1er janvier 2020, mais qui se voit refuser la délivrance d'un permis doit, dès la réception de la décision de la CNESST, aviser toute entreprise cliente avec laquelle elle fait affaire (i) qu'elle n'est plus autorisée à exercer les activités pour lesquelles elle demandait un permis à compter de la date d'une telle décision, et (ii) que toute mesure ou disposition visant à empêcher ou restreindre l'embauche d'un salarié de l'agence par l'entreprise cliente devient sans effet;
  • Le titulaire d'un permis d'agence de placement de personnel doit notamment aviser sans délai toute entreprise cliente avec laquelle il fait affaire de la fin de ses activités, le cas échéant, en indiquant (i) la date à laquelle son permis cesse d'avoir effet et (ii) que toute mesure ou disposition visant à empêcher ou restreindre l'embauche d'un salarié de l'agence par l'entreprise cliente devient sans effet.

De plus, les Agences devront notamment s'assurer de :

  • remettre aux salariés qu'elles affectent auprès d'une entreprise cliente un document décrivant les conditions de travail qui leur sont applicables dans le cadre de cette affectation, notamment le salaire offert;
  • remettre aux salariés les documents d'information rendus disponibles par la CNESST concernant les droits de ces derniers et les obligations des employeurs en matière de travail;
  • conserver durant au moins six (6) ans, pour chacun des salariés affectés auprès d'une entreprise, les renseignements relatifs au nombre total d'heures de travail par jour et par semaine ainsi que le nom et les coordonnées de l'entreprise concernée.

Il est également important de noter qu'une agence de placement de personnel ne peut convenir de dispositions ayant pour effet d'empêcher l'embauche du salarié par l'entreprise cliente au-delà d'une période de six (6) mois suivant le début de l'affectation du salarié.

Disparité de traitement

La Loi prévoit dorénavant qu'une Agence ne peut accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux salariés de l'entreprise cliente qui effectuent les « mêmes tâches dans le même établissement » uniquement en raison de son statut d'emploi, notamment parce qu'il est rémunéré par une telle Agence ou qu'il travaille habituellement moins d'heures par semaine. Un examen attentif des outils utilisés, des responsabilités et des qualifications requises s'impose donc afin de déterminer si les tâches de deux (2) ou plusieurs salariés sont les mêmes.

Responsabilité pécuniaire relative aux salariés d'agence de placement

La Loi prévoit dorénavant expressément qu'une agence de placement de personnel et l'entreprise cliente sont solidairement responsables envers le salarié des obligations pécuniaires fixées par la Loi sur les normes du travail ou les règlements (par exemple : le paiement du salaire, des vacances, etc.). Ce principe était déjà implicite sous l'article 95 de la Loi, mais il est maintenant clarifié pour les agences.

Ainsi, une entreprise cliente a un intérêt juridique et financier à ce que l'agence se conforme à ses obligations pécuniaires en vertu de la Loi et des règlements.

Embauche de travailleurs étrangers temporaires

L'article 1 du Règlement définit un travailleur étranger temporaire comme étant un ressortissant étranger qui séjourne ou souhaite séjourner au Québec, à titre temporaire, afin d'exécuter un travail auprès d'un employeur dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires prévu aux dispositions de la section II du chapitre II du Règlement sur l'immigration au Québec.

Notons que le Programme des travailleurs étrangers temporaires (le « PTET ») permet aux employeurs d'embaucher des travailleurs étrangers temporaires pour remédier aux pénuries de main-d'Suvre et de compétences, notamment en suivant un processus d'étude d'impact sur le marché du travail, conformément au Règlement sur l'immigration du Québec.

L'employeur qui embauche un travailleur étranger temporaire doit informer sans délai la CNESST de la date d'arrivée du travailleur, la durée de son contrat, et, si la date de départ diffère de la date de la fin de leur contrat, la date et les raisons de son départ.

Pour ce faire, l'employeur devra remplir une Déclaration d'embauche de travailleurs étrangers temporaires et la faire parvenir à la CNESST. L'employeur devra également consigner ces informations dans le système d'enregistrement ou le registre qu'il tient conformément au Règlement sur la tenue d'un système d'enregistrement ou d'un registre.

Conclusion

Par l'adoption de ces nouvelles mesures législatives, le gouvernement du Québec resserre les règles relatives à l'opération et le recours aux Agences et à l'embauche de travailleurs étrangers temporaires. Dans le contexte actuel de pénurie de main d'Suvre, il ne fait aucun doute que ces changements auront un impact important sur plusieurs employeurs au Québec.

Ce nouvel encadrement juridique pourrait notamment avoir un impact sur les débats qui entourent la question du véritable employeur des employés d'agences de placement de personnel. Il sera intéressant de suivre l'évolution de la jurisprudence à cet égard.

Notons qu'une demande en contrôle judiciaire contestant la validité du Règlement a été déposé auprès de la Cour supérieure du Québec par deux associations d'entreprises, notamment au motif de l'imprécision du Règlement1. Une audience devant la Cour est prévue le 17 février 2020. Nous vous tiendrons au courant des développements éventuels dans ce dossier.

Footnotes

1. Dossier : C.S. 500-17-111132-208.

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