Le 17 février 2015, Groupe Bikini Village inc. dépose un avis d'intention de faire une proposition auprès de ses créanciers conformément à l'article 50.4 LFI.

Le 5 mars 2015, l'entreprise présente au tribunal une requête non-contestée pour émission d'une ordonnance accordant une charge administrative, une charge en faveur des dirigeants et des administrateurs et enfin une charge garantissant un plan de rétention des employés clés.

L'intérêt de cette décision porte essentiellement sur la dernière charge, les premières étant spécifiquement prévues à la loi. En effet, bien que la LFI et la LACC ne comprennent aucune disposition relative à un plan de rétention des employés clés, le tribunal décide en l'espèce d'accorder la requête et d'établir une telle sûreté.

La cour rappelle que dans le cadre de l'application de la LACC, les tribunaux ont souvent utilisés leurs pouvoirs inhérents pour émettre ce type de charges, se fondant sur l'objectif premier de cette loi : le sauvetage de l'entreprise.

D'ailleurs, nos tribunaux reconnaissent désormais l'objectif commun de la LACC et la LFI en matière de proposition, soit la survie de l'entreprise et consacrent depuis quelques années le principe d'harmonisation des deux lois par leurs décisions1.

Appliquant ce principe, le tribunal en l'instance s'autorise à accorder par une ordonnance en vertu de la LFI les pouvoirs que les tribunaux n'hésitent pas à accorder sous la LACC, mais en vertu de leurs pouvoirs inhérents.

La Cour justifie sa décision en se basant sur le fait que la LFI ne contient aucune interdiction à l'effet de créer un tel plan de rétention, ce qui donnerait application à l'article 3 des Règles générales sur la faillite qui, lui-même, renvoie à l'article 46 C.p.c. La première disposition énonce que dans les cas non prévus par la loi, les tribunaux doivent agir dans les limites de leur « compétences respectives » alors que la deuxième accorde aux tribunaux les pouvoirs inhérents pour l'exercice de leur compétence.

Enfin, en faisant référence à l'arrêt Les Meubles Poitras (2002) inc.2 ayant reconnu le pouvoir inhérent de la Cour supérieure dans le cadre de l'application de la LFI, le tribunal juge qu'il est habilité par ses pouvoirs inhérents à permettre l'établissement d'une charge en faveur des employés clés.

La Cour vient néanmoins préciser les critères qui doivent guider les tribunaux face à de telles requêtes en adaptant à la LFI les principes sous-jacents développés sous la LACC. D'abord, «le maintien des employés-clés doit avoir une incidence directe soit sur la possibilité de faire une proposition viable à ses créanciers soit sur la bonification de celle-ci »3.

Ensuite, le tribunal doit considérer le rapport coût-bénéfice, plus précisément « le contexte social entourant la viabilité de l'entreprise notamment quant à la pérennité de tous les emplois, et ce en fonction des droits de créanciers »4.

Dans le présent cas, le tribunal estime que les critères ont été rencontrés et accorde en conséquence la requête. En effet, Groupe Bikini village a réussi à démontrer que les employés visés sont essentiels pour bonifier une éventuelle proposition ainsi que pour un possible investisseur. Enfin, la Cour reconnaît que le montant de la charge est peu élevé en regard de la contribution que peuvent apporter les employés visés au plan de rétention.

Groupe Bikini Village inc. (Proposition de), 2015 QCCS 1317 (26 mars 2015);

Footnote

1. Kitchener Frame limited (Re), 2012 ONSC 234 (C.S. Ont.).

2. Dans l'affaire de la faillite de Les Meubles Poitras (2002) inc., 2013 QCCA, 1671.

3. Groupe Bikini Village inc. (Proposition de), 2015 QCCS 1317

4. Groupe Bikini Village inc. (Proposition de), 2015 QCCS 1317

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